Universitaire et grande figure de la gauche, Salah Zeghidi nous a quittés lundi 2 avril 2018, laissant chez tous ceux qui l’ont connu ou côtoyé le souvenir d’un irréductible révolté, ivre de liberté et ennemi farouche de toute forme d’obscurantisme.
Par Essaied Mazouz *
Salah a fini par lâcher prise, un peu à l’improviste, emporté par l’implacable logique de la biologie. Pour moi, il emporte avec lui l’image de l’infatigable rebelle qui, sa vie durant, n’a cessé de combattre pour ce qu’il a cru juste et pour l’affranchissement des opprimés, et ce en militant pour le socialisme, pour la liberté et les droits politiques de l’individu, en militant pour la démocratie naissante dans notre pays et pour le triomphe de la raison en se dressant contre toutes les formes de fanatisme et d’obscurantisme religieux, la plus récente étant l’islam politique dont les nuisances continuent sur les plans local et régional…
La révolte de Paris à Tunis
J’ai connu et apprécié Salah à son retour de Paris, à la fin de 1965, si ma mémoire est bonne. Il faisait déjà parler de lui dans le milieu estudiantin tunisien de Paris, au siège de l’Association des étudiants musulmans nord-africains (AEMNA) et, précisément, dans un café de la rue Gay Lussac, l’un des lieux de rencontre des étudiants tunisiens dans le Quartier Latin.
A Tunis, étudiant en lettres françaises, il s’était aussitôt mobilisé dans les rangs du Parti communiste tunisien (PCT) contre le pouvoir tentaculaire du parti unique, le Néo-Destour de l’époque, pour une Union générale des étudiants tunisiens (Uget) démocratique, que les étudiants destouriens de l’époque voulaient à tout prix mettre sous la coupe de leur parti. Avec Khémaies Chammari, il était de la partie dans les premiers remous qu’a connus la jeune université tunisienne ces années-là, s’exposant à un rappel disciplinaire au service militaire qu’il a accompli dans le camp d’El Gueria, près du village de Kesra, à Siliana, puis à la prison.
Sa seule arme, la parole vraie
Salah Zeghidi fut de tous les combats difficiles que menèrent les étudiants en cette période où le «khobzisme» (littéralement : le parti du pain) et la vénération de Bourguiba, que l’on surnommait le Combattant suprême, étaient dominants, étouffant toute velléité de réflexion autonome et libre sur la malheureuse expérience des coopératives, sur le syndicalisme et ses dérives, sur la place et le rôle de la Tunisie sur les scènes arabe et africaine.
Payant de sa personne sans relâche, déjouant les filatures policières et le harcèlement de la «milice du parti unique», il a résisté avec pour seule arme la parole vraie, la prise de position politique que nécessitaient les événements et la sympathie active de ses camarades.
Salah Zeghidi comptera parmi les jeunes des années 60-70 qui ont impulsé et aidé, dans le tumulte et l’incompréhension, à la naissance d’une jeunesse progressiste qui ne cessera pas de s’affirmer sur la scène politique tunisienne.
Avec beaucoup d’autres, partis tôt, son expérience manquera dans le combat contre les abus de pouvoir, les injustices, l’intolérance et le despotisme. Et contre tout ce qui dépouille les hommes de leur humanité.
* Enseignant à la retraite.
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