Les disparités régionales pour la fin desquelles les indignés du 14 janvier 2011 étaient descendus dans la rue existent toujours et se sont mêmes aggravées. C’est la conclusion d’une communication de Tizaoui Hamadi, géographe et économiste sur «le développement régional post révolutionnaire: bilan critique et mise en perspective».
Par Khémaies Krimi
Pour parvenir à cette conclusion, le conférencier, qui intervenait, à Hammamet, le 28 juillet 2011, dans le cadre de la 25e université d’été de l’Association Club Mohamed Ali de la culture ouvrière (Acmaco) consacrée à «la transition démocratique en Tunisie, sept ans après : bilan et prospective», a recouru à des statistiques fournies par «le très sérieux» Institut national de la statistique (INS) et recouru, entre autres, à deux indicateurs simples mais synthétiques: le taux de pauvreté et le taux de chômage. Plus simplement, le chercheur a mis l’accent sur les inégalités en termes de création d’emploi et de développement régional.
L’assistance sociale aide à vivre dans l’arrière-pays
Concernant le taux de pauvreté, Hamadi Tizaoui a indiqué qu’il a diminué dans les régions de l’ouest du pays, non pas par l’effet de la création de nouvelles richesses et le lancement de projets de développement structurants mais à la faveur de l’élargissement, à de nouveaux bénéficiaires, de l’assistance sociale apportée par l’Etat aux personnes nécessiteuses.
Conséquence : la transition a reproduit la même configuration développementale d’avant 2011 : les investissements à forte employabilité dans le littoral et l’assistance sociale dans l’arrière pays.
S’agissant de la création de nouveaux emplois, le chercheur a révélé une émigration intérieure de la population active occupée ou non occupée de l’arrière pays vers le littoral.
Citant des données fournies par l’INS, le chercheur a montré que le nombre d’emplois créés, durant les sept dernières années, s’est élevé à 249.000. Sur ce total, 181.000 emplois ont été créés, essentiellement dans le littoral et 84.000 par l’effet de l’émigration interne.
Les régions de l’ouest, particulièrement le nord-ouest et le centre-ouest, ont perdu, à elles seules, 64.000 emplois. Le même phénomène a touché une région littorale comme Sfax qui a perdu environ 10.000 emplois.
Par région économique, c’est le Grand-Tunis (Ariana, Ben Arous, Mannouba et Tunis) qui a créé le plus grand nombre d’emplois, soit 134.000. Il est talonné par le centre-est (Sousse, Monatir, Mahdia et Sfax) avec 64.000, le nord-est (Nabeul et Bizerte) avec 42.000 et le sud-est (Gabès, Médenine) avec 8.400.
S’agissant des régions de l’ouest, seul le sud-ouest (Gafsa, Tozeur, Kebili et Tataouine) est parvenu à créer 16.200 nouveaux emplois.
Quant au nord-ouest (Zaghouan, Béja, Jendouba, le Kef et Siliana), par l’effet de l’émigration de membres de sa population active employée ou non employée vers le littoral, il a perdu, au cours des sept dernières années de transition, 51.000 emplois dont il aurait pu bénéficier. Il est suivi par le centre-ouest (Kairouan, Sidi Bouzid et Kasserine) avec la perte de 33.000, soit 64.000 emplois perdus au total.
Le conférencier a fait une mention spéciale pour les régions du sud où le taux de chômage est de loin supérieur à la moyenne nationale.
Les trois enseignements à retenir
De toutes ces données, le chercheur a tiré trois principaux enseignements.
En premier lieu, il pense que la durée excessive de la transition socio-économique a handicapé le développement de tout le pays.
En second lieu, il considère que les régions intérieures, qui sont parties d’une situation défavorable avant 2011, se trouvent dans une situation paradoxale: non seulement elles sont en retard, mais elles s’enfoncent de plus en plus.
En troisième lieu, il estime que le risque d’une fracture territoriale irréversible devient plausible quand les régions de l’intérieur perdent leurs populations actives occupées. Les jeunes n’ont plus l’espoir de décrocher un emploi sur place.
Il s’agit surtout du nord-ouest et du centre-ouest. À méditer.
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