L’actualité énergétique en sud de la Méditerranée a été marquée, le 16 mai 2019, par la signature, à Alger, d’un accord énergétique géostratégique d’un intérêt majeur pour la Tunisie. Il concerne le renouvellement du contrat de vente/achat à long terme de gaz naturel algérien destiné au marché italien, via le territoire de notre pays.
Par Khémaies Krimi
En vertu de cet arrangement, la Société nationale algérienne pour la recherche, la production, le transport, la transformation et la commercialisation des hydrocarbures (Sonatrach) et la société italienne Ente Nazionale Idrocarburi (Eni) se sont engagées à prolonger leur partenariat, jusqu’en 2027, soit 10 ans de plus avec une option de deux années supplémentaires jusqu’en 2029. Cet accord qui date de 1977 devait expirer en septembre 2019.
Rien n’a toutefois filtré sur les nouveaux volumes. En 2018, l’Italie a importé 16,8 milliards de m3, ce qui représente une légère baisse par rapport aux 18 milliards de m3 importés en 2017.
Le transport du gaz est assuré, depuis 1983, par le gazoduc Enrico Mattei ou Transmed (90 millions de m3 par jour) qui traverse la Tunisie sur une distance de 400 kms, de la frontière algérienne au village côtier d’El Haouaria (Cap Bon) en contrepartie d’une redevance de 6% sur le gaz transporté. Cette redevance est fournie à la Tunisie soit en quantités de gaz soit en dollars.
En 2018, le pipeline Transmed a permis à la Tunisie de recueillir des bénéfices estimés à 473,8 millions de dinars tunisiens (MDT), contre 440 MDT en 2017, ce qui n’est pas négligeable. Quant à la quote-part en nature, elle permet à la Tunisie de garantir une part importante de sa propre demande, le gaz naturel en Tunisie étant utilisé pour faire fonctionner toutes ces centrales électriques.
Nette évolution de la position de l’Italie sur le sud de la Méditerranée
Pour revenir à l’accord, il vient consacrer une évolution effective de la position de l’Italie. Et pour cause. Depuis le déclenchement, en 2011, des soulèvements au sud de la Méditerranée, le gouvernement italien, craignant le sabotage des gazoducs par des terroristes djihadistes, s’est toujours préoccupée de son approvisionnement en gaz naturel à partir du sud de la Méditerranée. Le pays étant alimenté en gaz naturel par deux principaux gazoducs : le Transmed à partir de l’Algérie et le Greenstream à partir de Libye. Ce dernier a été fermé depuis 2011, par peur des actes de sabotage perpétrés par des terroristes.
Dans ce même contexte, l’Italie a fait échouer le projet de construction d’un second gazoduc, dénommé Galsi (8 milliards de m3) devant relier directement l’Algérie à l’Italie à travers la Sardaigne.
Entre-temps, l’Italie, pour subvenir à ses besoins en gaz naturel (14 milliards de m3), s’est employée à diversifier ses sources d’approvisionnement en gaz naturel, et s’est engagée, par des contrats à long terme, avec d’autres producteurs de gaz plus sûrs et moins exposés aux risques de sabotage et de terrorisme. Il s’agit, notamment, des Pays-Bas à partir de 2020 et de la Norvège à compter de 2026.
Par-delà le renouvellement du contrat, le nouvel accord comporte de nouvelles conditions pour la poursuite du partenariat relatif à l’exploitation du système de transport du gaz par pipeline (TMPC). Selon nos informations, il s’agirait du renforcement de la sécurité autour des installations.
Autre nouveauté apportée par ce nouveau contrat. Il prévoit un élargissement du partenariat énergétique qui va au-delà du simple transport du gaz.
«Je suis particulièrement satisfait du renouvellement du contrat de fourniture de gaz et du niveau du partenariat stratégique avec Sonatrach, qui va du secteur de l’exploration et de la production au marketing et au transport du gaz, en passant par les énergies renouvelables», a affirmé, lors de la cérémonie de signature, Claudio Descalzi, patron d’Eni, cité par les médias.
La Tunisie, futur territoire de transit d’électricité produite à partir des énergies vertes
Le volet énergies renouvelables prévu dans cet accord entre la Sonatarch et l’Eni ne manquera pas de profiter aussi à la Tunisie. De par son positionnement privilégié dans le bassin méditerranéen, notre pays est appelé, avec la migration de plus en plus forte vers les énergies renouvelables à devenir un territoire de transit pour l’exportation de cette forme d’énergie vers l’Europe. La Tunisie et l’Algérie projettent de s’engager, à moyen et long termes, dans des mégaprojets solaires et éoliens destinés à l’exportation vers l’Europe.
C’est dans cette perspective que s’inscrit le projet du pont électrique Sicile-Tunisie, dénommé officiellement «Electricité Méditerranéenne (ElMed)», interconnexion électrique entre la Sicile et le Cap Bon auquel la Banque européenne de reconstruction et de développement (Berd) vient d’accorder un don de 7 millions de dollars (20,5MDT) pour financer l’étude de faisabilité technico-économique. Objet d’un accord, signé le 30 avril 2019 entre les gouvernements italien et tunisien signé le 30 avril dernier, ce projet, retenu par l’Union européenne comme un projet d’intérêt commun – donc finançable par l’Union –, consiste en la réalisation d’une ligne de courant continu sous marine de 200 km et de 400 kilovolts un coût variant entre 550 et 600 millions d’euros (soit entre 1.845 et 2.013 MDT).
Par-delà ce recoupement d’événements énergétiques, il faut reconnaître ici que l’Italie a beaucoup changé ces dernières années. Elle a de plus en plus confiance en Algérie et en la Tunisie. En témoignent le renouvellement de contrat sur le gaz naturel et la construction de ce pont électrique avec la Tunisie.
http://kapitalis.com/tunisie/2018/02/17/tunisie-energie-risque-de-fermeture-gazoduc-enrico-mattei/
http://kapitalis.com/tunisie/2018/02/14/energie-tunisie-serait-obligee-dimporter-electricite-ditalie/
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