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Tunisie : La Conect propose un programme de lutte contre le commerce illicite

Nul doute que la corruption dans le secteur du commerce (contrebande, marché parallèle, concurrence déloyale, etc.) est l’un des chantiers les plus épuisants auxquels l’Etat tunisien fait face, vu à quel point il déstabilise l’économie du pays. La Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect) essaye de contribuer, de son côté, aux efforts allant dans ce sens…

Par Cherif Ben Younès

À cet effet, l’organisation syndicale a tenu, jeudi, 27 juin 2019, à son siège, à Tunis, une conférence de presse sur le lancement de son programme de «lutte contre la concurrence déloyale et le commerce illicite», à travers son centre Actions, soutenu par la World anti-illicit trackfficking organization (Waito).

Une situation alarmante causée par le secteur informel

Riadh Zayani, président du centre Actions, a indiqué que ce programme consiste en de nouvelles solutions parajudiciaires, développées autour du principe de «marquage d’autorité», devant contribuer à réduire la contrefaçon, la contrebande, la corruption et le blanchiment d’argent, et à assurer la sécurité des consommateurs. Le membre fondateur de la Conect a assuré, par ailleurs, que c’est la situation alarmante causée par le secteur informel, en Tunisie, qui a incité la Conect à agir.

En effet, selon l’Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC), ce secteur a dépassé plus de 50% du produit intérieur brut (PIB) de la Tunisie. «Sachant que la limite à ne pas franchir pour éviter de nuire à l’économie d’un pays est de 20%», a estimé Pierre Delval, président de la Waito.

L’Institut national de consommation (INC) prévient, de son côté, que la contrebande continue de s’insérer dans toutes les strates de la société et que 70% de la population la consomme, que ce soit de façon directe ou indirecte. «Cette concurrence déloyale affaiblit 85% des entreprises et, selon les analyses que nous avons faites, 70% d’entre elles seraient tentées de frauder pour survivre, entraînant chaque année un manque de recettes fiscales conséquentes pour l’Etat», a regretté M. Delval.

Par ailleurs, bon nombre de citoyens préfèrent acheter des contrefaçons pour leur prix bas, sans se soucier des risques sécuritaires et sanitaires qu’ils prennent : «Selon l’INC, cela s’applique à 77% des consommateurs Tunisiens».

«Pire que tout, la mentalité tunisienne a changé», d’après le président de la Waito, qui, en s’excusant au préalable de le dire «en tant qu’étranger», a affirmé que les Tunisiens considèrent dorénavant que le seul moyen de combattre la pauvreté, l’inégalité et la concurrence déloyale est de contourner les lois du pays.

M. Delval a souligné, par ailleurs, que selon le ministère des Finances, 1% de la population s’enrichit grâce à la criminalité, et vole l’Etat à plus de 3 milliards de dinars, entraînant chaque année, plus de 25% de pertes fiscales.

Le commerce illicite est également une source de financement non contestable pour les cellules terroristes, selon Pierre Delval, «à tel point que les institutions internationales spécialisées ne parlent plus, dans la région, de ‘‘terrorisme’’, mais de ‘‘djihado-banditisme’’», a-t-il lancé.

Riadh Zayani et Pierre Delval.

Une solution : le «marquage d’autorité»

«Face à la prolifération des filières impliquées dans les multiples trafics constatés en Tunisie et à la dangerosité des produits affectés, la formation, la sensibilisation et l’application rigoureuse de la loi contribueront à réduire ces agissements», a ajouté M. Delval.

«Pour faire face à la situation criminogène que connaît la Tunisie, la seule voie pour rétablir l’Etat de droit et la confiance dans le pays est de construire une stratégie de prévention et de dissuasion puissante et efficace. C’est ce que le centre Actions propose de mettre en œuvre, avec l’aide des pouvoirs publics, des entreprises, de la société civile et des institutions internationales. Et le système qui est au cœur de cette stratégie s’intitule le marquage d’autorité», a souligné le Français.

Ce système consiste, selon l’expert, en un outil «technico-juridique» autour duquel chaque dispositif contribuant à la lutte contre la contrebande, la contrefaçon, le marché parallèle et l’économie informelle, dans sa globalité, trouvera des issues viables.

Cet outil sera, toujours d’après les précisions du président de la Waito, sous la forme d’un marquage délivré par l’Etat auprès des industriels, des importateurs et des producteurs, capable de garantir la conformité d’origine du produit. Un marquage qui devra être adapté à ce dernier, facilement identifiable, valorisant le savoir-faire tunisien et démontrant, sans ambiguïté, son utilisation légale ou illégale.

«Imaginez qu’un marquage d’autorité contrefait, falsifié ou utilisé de manière abusive affiche, sans contestation possible, la volonté de tromperie du fraudeur, et que cela devienne une preuve non contestable pour que le juge puisse le condamner rapidement et sévèrement, à travers la loi pénale. Car toucher à l’autorité de l’Etat c’est attaquer sa légitimité et remettre en cause l’Etat de droit», a-t-il développé.

Maintenant, il faut passer à l’acte

Les choses sont donc dites par la Conect et la Waito qui semblent être confiantes quant à l’efficacité et l’efficience du système qu’elles proposent, même si on est en droit d’en douter un peu, notamment du fait que les représentants de la Conect et de la Waito se sont beaucoup plus attardés sur les motifs qui les ont poussés à le proposer que sur l’outil en tant que tel et ses détails techniques, d’autant plus qu’il a été quasiment présenté en tant qu’«outil-magique», capable de résoudre tous les problèmes, aussi complexes soient-ils, liés au commerce illégal.

Quoi qu’il en soit, il leur reste maintenant à passer à l’acte et à commencer la coopération avec l’Etat pour le mettre en place.

Ce qui est certain, c’est que même en cas de succès, il ne faudrait pas s’en contenter, car bien qu’il puisse contribuer à asphyxier les contrebandiers et les commerçants illégaux et à faciliter à l’Etat la tâche de détecter ce qui est illicite, en vue d’agir en conséquence, ce n’est pas ce système qui changera la mentalité des consommateurs Tunisiens, dont 77% n’accorderaient que très peu d’importance aux aspects sécuritaire et sanitaire des produits, favorisant ainsi la propagation de l’économie informelle.

Il faudrait donc entreprendre, en parallèle, et à tous les niveaux, tout un travail de sensibilisation -forcément long et dur- auprès des citoyens pour les inciter à rétablir leur consommation, tout en comprenant les motifs, principalement d’ordre financier, qui les poussent à banaliser les risques qu’ils prennent en consommant les produits douteux.

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