La visite de travail de Kaïs Saïed à Paris, hier et aujourd’hui, lundi 22 et mardi 23 juin 2020, à l’invitation du président français Emmanuel Macron, ne lui a décidément pas porté bonheur. Et pour cause : à son retour ce soir Tunis, il trouvera deux gros problèmes à régler. Et sa marge de manœuvre est vraiment étriquée.
Par Ridha Kéfi
Le premier problème que le président de la république devra régler concerne les émeutes à Tataouine qui durent depuis plusieurs jours, qui ont gagné en intensité et en violence et qui ont, surtout, nécessité le déploiement de l’armée, qui n’a pas que cela à faire, sachant qu’à quelques dizaines de kilomètres de là, les frontières avec la Libye voisine sont tout aussi chaudes.
Dans son entretien avec France 24 le chef de l’Etat a promis de rencontrer, dès son retour à Tunis, les émeutiers de Tataouine, dont beaucoup font partie de ses électeurs et qui attendent beaucoup de lui et auraient du mal à comprendre et à admettre que les prérogatives limitées de M. Saïed ne lui permettent pas de satisfaire leurs exigences et que même si ces prérogatives étaient plus élargies, la situation économique difficile dans le pays et l’état catastrophique des finances publiques ne laissent pas une grande marge de manœuvre.
Toi aussi, Brutus ?
Mais le problème n’est peut-être pas là : M. Saïed s’en sortira peut-être avec une nouvelle envolée lyrique, quelques accolades paternelles et de menues promesses (il va devoir apprendre à en faire lui aussi). Le problème c’est le mauvais cadeau que lui fait le chef du gouvernement Elyès Fakhfakh, qu’il a lui-même choisi entre une dizaine de candidats potentiels et auquel il a confié la mission de mettre en route les réformes nécessaires et, surtout, de combattre la corruption qui gangrène les rouages de l’Etat.
L’affaire Fakhfakh Gate qu’il trouvera sur son bureau à son arrivée, ce soir, au Palais de Carthage, risque de l’éclabousser d’une manière ou d’une autre. Car il assume l’entière responsabilité du choix de cet homme, auquel il a accordé une totale confiance et qui, aujourd’hui, se révèle, aussi soluble dans l’argent que ceux et celles qu’il avait pour mission de combattre.
Une patate trop trop chaude
À la révélation, aujourd’hui, des marchés publics obtenus par la société dont il détient 66% du capital, M. Fakhfakh n’a pas encore réagi et on sent beaucoup de gêne au sein du gouvernement, car la patate est vraiment trop chaude.
Mais, si l’affaire se confirme – les marchés d’un montant global de 44 millions de dinars étant passés le 17 avril dernier, un mois et demi après la prise de fonction de M. Fakhfakh –, on voit mal comment ce dernier pourrait s’en sortir sans… présenter sa démission.
On voit mal aussi comment M. Saïed pourrait s’en sortir, lui aussi, sans exiger la démission du chef du gouvernement, au risque de donner ainsi un cadeau inespéré à Ennahdha, qui ne serait pas mécontent de voir le gouvernement tomber. Et le «gouvernement du président», selon l’expression chère aux dirigeants du parti Echaâb, membre de la coalition gouvernementale, et qui énerve tant leurs collègues d’Ennahdha, aurait alors duré moins de trois mois. Mais, on n’en est pas encore là. Attendons-voir comment tout ce beau monde va réagir…
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