Comment faire face au «terrorisme alimentaire» qui menace aujourd’hui l’économie du pays et la santé du citoyen?
Par Zohra Abid
En l’absence d’une loi sévère qui sanctionne lourdement les abus économiques, une forme de «terrorisme alimentaire» se développe en Tunisie depuis quelques années, suscitant l’inquiétude des citoyens consommateurs. Ce fut, d’ailleurs, le thème d’un colloque organisé, mercredi 10 juin 2015 à Tunis, par l’Organisation tunisienne de la sécurité et du citoyen (OTSC).
La révision de la loi s’impose
A quelques jours de ramadan, mois de grande consommation alimentaire, et après le nombre impressionnant de saisies de produits périmés, infectes et dangereux pour la santé, l’OTSC a invité des experts, économistes, agents des ministères du Commerce et de l’Intérieur, pharmaciens, vétérinaires, ainsi que des représentants de l’Organisation de la défense de consommation (ODC), à débattre des moyens de faire face plus efficacement à ce phénomène.
Vue de la conférence de l’Organisation tunisienne de la sécurité et du citoyen.
«Nous avons des lois datant de plus de 20 ans et qui sont obsolètes et dépassées. C’est le cas de la loi sur la concurrence et les prix, qui est si souple qu’elle assure l’impunité aux auteurs des crimes alimentaires. Les amendes, variant de 20 à 60 dinars, ne sont pas suffisamment dissuasives. Pour limiter les dépassements, il faut fermer les commerces en infraction et protéger les agents qui luttent sur le terrain contre ce fléau», a indiqué Issam Dardouri, président de l’OTSC, après avoir rendu hommage au colonel Imed Cherif, chef de la brigade de contrôle sanitaire et économique relevant de la police municipale. «C’est un patriote, intègre et engagé. Il a été derrière le succès de la plupart des opérations de lutte contre le terrorisme alimentaire», a-t-il ajouté.
Soutenir les contrôleurs sur le terrain
La vétérinaire Siwar Guermazi, qui a fait de nombreux constats chez des bouchers en infraction dans la région de Tunis, a déploré, de son côté, «l’hygiène laissant à désirer dans de nombreux commerces». «Les endroits où sont stockées les viandes sont parfois infectes», a-t-elle souligné.
Le pharmacien Ridha Ben Aïssa a recommandé, pour sa part, le renforcement de la protection du consommateur par tous les moyens. «Dans les laboratoires de l’Institut Pasteur, nous analysons tout, qu’il s’agisse des eaux (minérale, ou de puits ou de la Sonede…) ou des produits alimentaires en vente publique. Nous collaborons étroitement avec les ministères de l’Intérieur, de la Santé et du Commerce. Nous soumettons tous les produits aux analyses de laboratoires et, dès que nous constatons une anomalie, nous faisons notre rapport et signalons les dépassements», a-t-il souligné.
Hommage au colonel Imed Cherif, chef de la brigade de contrôle sanitaire et économique relevant de la police municipale.
«Ces derniers temps, il y a eu de nombreux dépassements dus notamment à la contrebande. Certains produits alimentaires importés illégalement nuisent à la santé du citoyen et il faut une mobilisation pour protéger les consommateurs. Les agents sur le terrain font du bon travail, nous devons les encourager et les soutenir. Plusieurs cas de la maladie du charbon en provenance des animaux ont été détectés. Des virus ont été aussi détectés dans l’eau. La prévention recommande davantage d’attention et de contrôle et des actions structurées et permanentes», a ajouté le pharmacien.
«Des commerçants cherchent le gain facile par tous les moyens. La santé du citoyen est le dernier de leur souci. Les contrôleurs économiques sur le terrain subissent des pressions et sont souvent agressés par des commerçants en infraction, qui ne doivent pas bénéficier de circonstances atténuantes. Ils doivent être, au contraire, sévèrement punis», a conclu Akram Barouni de l’ODC.
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