«L’autre rive», l’intitulé de cette 2e partie du feuilleton ramadanesque « Harga » de Lassaad Oueslati, nous a été conté par Imed Eddine El-Hakim, qui est derrière le scénario de ce drame social poignant, une fiction qui reflète la réalité complexe et douloureuse de l’émigration, qui fait souvent le bonheur des familles et plus souvent encore son malheur, et à laquelle tout un chacun peut s’identifier.
Par Yûsra Nemlaghi
Kapitalis a rencontré le scénariste engagé qui collabore pour la 3e fois, dans un feuilleton ramadanesque avec le réalisateur Lassaad Oueslati, après « Maestro » et « Harga 1 » (Prix de la meilleure série dramatique du festival de l’ASBU 2021), et qui a parlé, non sans émotions, de l’engagement social qui l’a amené à traiter le sujet brûlant de l’émigration clandestine, des rêves et des déboires des jeunes Tunisiens qui risquent leur vie pour fuir le chômage, la pauvreté et la mal-vie, à la recherche d’un hypothétique salut, mais qui se trouvent souvent entraînés dans de douloureuses aventures et confrontés à des injustices, parfois même des drames qu’ils n’imaginaient pas de l’autre côté de la Méditerranée, l’Eldorado, tant rêvé…
La voix de ceux qui n’en n’ont pas
Imed Eddine El-Hakim est un artiste autodidacte qui puise sa matière dans une réalité parfois enchantée mais souvent amère, qu’il transforme en une fiction télévisuelle. Il explique que « Harga » est une œuvre de fiction qui s’est donné pour mission d’«être la voix de ceux qui n’en n’ont pas», à travers l’art et la création.
En imaginant des scènes parfois limites, en écrivant des dialogues souvent vifs et crus, en créant des atmosphères où le sordide le dispute au pathétique et des personnages atypiques mais ô combien représentatifs d’une humanité en perdition, et en les faisant évoluer dans différents lieux, en Italie et en Tunisie, Imed Eddine El-Hakim fait preuve d’une grande imagination créatrice qui ne recule devant aucune difficulté, l’essentiel étant d’interpeller les téléspectateurs, de bousculer leur confort, de les pousser à réfléchir à travers une œuvre audiovisuelle attachante: «C’est un travail de longue haleine et qui nécessite beaucoup de concentration, mais c’est avant tout une passion, alors je me laisse emporter et inspirer au fur et à mesure de mes créations par ce qui vient en premier, cherchant à être original et à la fois surprenant mais tout en respectant les règles de l’écriture scénique, les contours des rôles, la densité des personnages et l’authenticité des émotions qu’ils sont censés transmettre. En fait, si je suis touché moi-même en écrivant une réplique, je sais que je vais pouvoir toucher le public et mon premier objectif est alors atteint», dit-il.
«L’autre rive» ou « Harga 2 », pensé aussitôt la première partie diffusée l’an dernier, vise à poursuivre l’aventure autrement et raconter la suite des évènements pour ceux qui sont parvenus à atteindre les côtes italiennes puis à fuir du centre de rétention. Séparés pour la plupart par les aléas de la vie, certains personnages vont aussi se retrouver, parfois simplement se croiser, tout en racontant les interactions avec les leurs en Tunisie et dépeindre les bégaiements d’une société (celle d’origine et celle d’accueil) en plein marasme et la brutale réalité des malentendus opposant les deux rives d’une Méditerranée qui n’a jamais connu autant de drames humains.
Une aventure à la fois artistique et humaine
Le scénariste estime que son métier est aussi une responsabilité, celle notamment de transmettre des idées, de dépasser la banalité du quotidien, d’éprouver de fortes émotions, sans cesser de réfléchir. Il a donc ambitionné pour les 3 feuilletons à succès qu’il a déjà écrits (« Maestro », « Harga 1 » et « Harga 2 ») des créations télévisuelles de haute teneur artistique, qui s’adressent au plus large public, interpellent sa conscience et contribuent au débat sur les différents thèmes sociaux traités.
Dans « Harga 2 », plusieurs sujets ont été subtilement traités : la misère, la corruption, le racisme, le rejet, la prostitution, le handicap, la maladie, la différence, la drogue, le terrorisme… et ce à travers des personnages engagés, parfois enragés, tour à tour tendres et méchants, attendrissants et minables, mais toujours sincères, dit-il, en affirmant que sa ligne directrice demeure une écrire libre et sans détours, où le public puisse s’identifier sans pathos et sans chichi.
«Ce feuilleton ramadanesque, tout comme les deux qui ont précédé, est l’aboutissement d’un vrai travail d’équipe, de professionnels solidaires et dévouées qui ont cru en cette aventure à la fois artistique et humaine… Tous (scénariste, réalisateur, acteurs, techniciens…) ont donné le meilleur d’eux-mêmes et n’ont ménagé aucun effort pour parvenir au résultat final, car chaque membre de l’équipe compte et chaque rôle est important», a ajouté Imededdine El-Hakim, en remerciant la télévision nationale qui a fait confiance à l’équipe, et en espérant que d’autres opportunités s’offriront davantage aux artistes tunisiens de multiplier les créations, tout en maintenant un certain niveau artistique répondant aux normes du genre et aux attentes des téléspectateurs, en Tunisie et ailleurs. D’ailleurs, le feuilleton, par le thème d’une brûlante actualité qu’il traite, a suscité l’intérêt de plusieurs médias européens qui en ont parlé avec un mélange de curiosité et d’admiration pour le courage de ses auteurs.
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