Marine Le Pen, chef de l’extrême-droite (Rassemblement national, ex-Front national, fondé par son père, Jean-Marie, en 1972), peut jubiler, même si elle n’a pas été élue «Présidente de la République française», le 24 avril 2022. Le nombre de ses électeurs ne cesse de croître d’un scrutin à un autre (voir infographies 1 et 2).
Par Samir Gharbi
Au premier tour de l’élection présidentielle de 2002, le Front national (J.-M. Le Pen) a recueilli 4,8 millions de voix. Il est arrivé en 2e position, dépassant de peu Lionel Jospin (Parti socialiste). Au 2e tour, il améliore son score (avec 5,5 millions de voix, 17,8%), mais pas assez pour gagner. La mobilisation quasi-nationale contre l’extrême-droite et la peur ont permis à Jacques Chirac (droite classique) de l’emporter haut la main avec 82,2 % des suffrages.
Eric Zemmour fait rater le coche à Marine Le Pen
Vingt ans plus tard, sa fille, Marine Le Pen, qui a pris sa relève à la tête du FN en 2011, a élargi les bases de son parti à l’électorat rural et aux citadins à faible revenu (ouvriers et employés touchés par les effets néfastes du capitalisme débridé). Le 10 avril 2022, «Marine» recueille 8,1 millions d’électeurs (23,15%) alors que son rival (nouvel arriviste à l’extrême droite), Eric Zemmour, attire 2,5 millions autres électeurs d’extrême-droite. A eux deux réunis, ils font donc plus qu’Emmanuel Macron, président sortant (9,8 millions). Eric a fait rater le coche à Marine… Au 2e tour, seule face à Macron, Marine parvient à rassembler davantage : 13,3 millions de voix (41,5%). Il lui a manqué 3 millions de voix pour dépasser Macron et parvenir au plus haut sommet de l’Etat.
Après une longue marche à la tête du RN, auquel elle a adhéré en 1986, Marine Le Pen, née le 5 août 1968, a élargi une bonne partie de l’électorat de l’extrême-droite, issu des partis de droite (complètement déboussolés) et a mordu sur l’électorat populaire de gauche.
En fondant le FN en 1972, son père a pu se présenter à l’élection dès 1974 : il a recueilli à 190 921 voix… Sans désespérer, après son échec en 1981 (il n’est pas parvenu à recueillir les signatures nécessaires pour candidater), il repart à la conquête du pays et regagne des forces aux élections de 1988 : électeurs déçus par les dirigeants socialistes (qui n’ont pas tenu leurs promesses) et autres déçus de la droite (idem). Le FN arrive au 2e tour de la présidentielle de 2002. Le nombre de ses adeptes est multiplié par 25, passant de moins 200 000 en 1974 à plus de 5 millions en 2002. Il rebondit avec plus de 13 millions en 2022 (2er tour).
Cap sur les ruraux, les jeunes et les pauvres
Emmanuel Macron, qui sait qu’il ne peut plus candidater en 2027, dispose désormais des clés pour éviter à la France de tomber entre les mains de l’extrême-droite (comme ailleurs en Europe). Il faut absolument que les abstentionnistes (28% du corps électoral) et les votants dépités par la classe politique (4,6% de votes blancs et 1,6% de votes nuls), soit au total 34,2% de la masse des électeurs inscrits, puissent, en 2027, reprendre confiance dans la «chose» politique : les dirigeants, leurs programmes et leurs actions.
Comment ? Emmanuel Macron a promis d’y penser, d’y remédier… Le pourra-t-il? Nul ne le sait, car le pouvoir des capitalistes (qui ne veulent rien céder de leurs privilèges) et le pouvoir des conservateurs sont encore dominants. Le mouvement populaire de Jean-Luc Mélenchon (7,7 millions de voix et 22% des votes au 1er tour du 10 avril 2022) et les écologistes de tout bord devront, enfin, se réveiller, s’unir, s’indigner…
Il leur faut regagner l’électorat des communes rurales ou lointaines (qui ont voté en majorité pour Marine Le Pen). Il leur faut attirer les jeunes qui entrent dans la vie active avec pleins d’ambitions et d’exigences mais qui sont à présent désenchantés par leur vécu au cours des années Nicolas Sarkozy (2007-2012), François Hollande (2012-2017) et Emmanuel Macron (2017-2022). Il leur faut, aussi, s’occuper vraiment du sort des classes paupérisées, de celles et ceux qui gagnent moins de 1 250 euros par mois.
Il leur faut, enfin, redonner confiance aux «non votants» (voir infographie 3).
Macron pourra-t-il éviter à la France de céder au nationalisme ?
La voie est grande ouverte, aux forces alternatives tout comme à celles de l’extrême-droite, pour profiter de la débâcle des partis «historiques», les «has been», socialistes et droites molles confondus. Macron dispose d’une dernière chance pour entrer dans l’histoire en répondant, promet-il, aux «colères» des jeunes et des défavorisés, en favorisant un «new deal» social et politique (y compris en modernisant un code électoral vieillot qui ignore les abstentionnistes et les votes blancs. Ayant fait deux mandats présidentiels (le maximum), il peut s’affranchir des lobbies de l’argent et agir librement pour créer une dynamique de croissance plus équitable et une dynamique politique plus participative.
Infographie 1:
Infographie 2:
Infographie 3:
NB : infographies (créations personnelles), sur la base des données officielles des élections (ministère français de l’Intérieur).
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