Programmée aux JTC 2016, la pièce de théâtre ‘‘Tant de mer entre nous’’ a été donnée, jeudi, au ciné-théâtre Le Rio, à Tunis, dans une salle comble.
Par Fawz Ben Ali
La pièce, qui avait été présenté au Kef et à Zaghouan dans le cadre des JTC Régionales, avant d’être donnée à Tunis, est une coproduction tuniso-suisse écrite par Baghdadi Aoun et Roland Merk et mise en scène par Peter Brascher.
Comme son nom laisse à suggérer, il s’agit d’une œuvre sur l’émigration et les rapports Nord-Sud. Afin de mieux servir ce thème, le choix s’est fait sur un projet trilingue (arabe, français et allemand), porté par trois acteurs : Kaïs Aouididi, Meret Bodamer et Mehran Mahdavi.
Défaire les mythes sur les migrants
La pièce est composée d’une dizaine de tableaux mettant à chaque fois en scène une nouvelle histoire et de nouveaux personnages dont l’unique lien est le thème de l’aliénation et de l’exil, incarnés par les mêmes acteurs de la pièce originelle, allant d’un rôle à l’autre avec aisance et fluidité, où chacun témoigne de sa propre expérience et passe en revue un destin fait d’aventures tragiques.
Dans une structure dramatique non-conventionnelle faite de tableaux séparés, ‘‘Tant de mer entre nous’’ cherche à défaire les mythes sur les migrants et à dénoncer une nouvelle forme de xénophobie qui s’installe de plus en plus dans le nord.
Qu’ils soient jeunes ou mois jeunes, fuyant la guerre ou la misère, installés depuis un certain temps ou récemment arrivés, les personnages de la pièce, dans leur diversité, se sont trouvés figés dans des stéréotypes et se sont souvent heurtés à des préjugés qui leur ont d’emblée posé les bases du rejet dans une Europe où la tolérance n’est pas forcément de mise.
Du rêve à la désillusion
L’œuvre fait l’écho de l’actualité sociopolitique du monde et de la réalité des relations Nord-Sud à travers des témoignages individuels et collectifs nourris d’expériences vécues et d’événements contemporains majeurs. On y trouve le malaise de la communauté musulmane en France après l’attentat de ‘‘Charlie Hebdo’’; il y a cet homme d’affaires occidental en proie à ses préjugés orientalistes, cet antiquaire tunisien contraint de fermer son magasin sous soupçon de terrorisme, ou encore ce jeune qui rêvait de traverser la Méditerranée et qui finit par se noyer.
Des allures crispées, des visages renfermés et des voix qui révèlent toute l’effroi et l’incertitude. «J’ai rêvé de toi aux bras ouvert mer», mais les rêves perdent de leurs couleurs et la traversée tourne en cauchemar. C’est vers une désillusion désenchantée que le chemin du rêve les a finalement menés.
Dans sa diversité des structures dramatiques, la pièce nous entraîne tantôt dans la narration d’un vécu, tantôt dans des monologues ou des dialogues qui tournent souvent à de vifs échanges et réflexions sur les rapports nord-sud et cette mer qui sépare autant qu’elle lie ses deux rives.
Dans ‘‘Tant de mer entre nous’’, on est dans la primauté de la parole car elle nous ramène vers l’essentiel, à savoir des débats interculturels au-delà des frontières, puisant dans le réel et confrontant les regards et les cultures. L’absence voulue de sur-titrage n’a en aucun moment nui à l’appréciation des répliques mais a davantage impliqué le public à capter les messages dans les regards et les gestes.
La scène qu’on a refusé de figer s’est transformée comme les acteurs en différents lieux (plage, montagne, aéroport…) s’adaptant à la pluralité de la pièce où l’atmosphère tragique n’a pas fait ombre à quelques notes d’humour pour dédramatiser.
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