Un groupe d’anarchistes s’active en France depuis plusieurs semaines contre les élections présidentielles, «une farce qui s’annonce comme un incontestable échec».
Par Habib Trabelsi, Paris.
Les «Ingouvernables» – une kyrielle de groupes d’anarchistes qui écument depuis plusieurs mois des quartiers parisiens et organisant des manifestations anti-policières jalonnées d’incidents violents— ont déclaré la guerre aux élections présidentielles, «une farce qui s’annonce comme un incontestable échec».
Ces anarchistes sont vraisemblablement derrière une tentative d’incendie, sans gravité, perpétrée dans la nuit du mercredi 12 à jeudi 13 avril 2017 contre le QG de campagne de la candidate du Front National (FN), Marine Le Pen, situé en plein cœur de Paris.
Un groupe affirmant s’appeler «Combattre la xénophobie» a revendiqué cette action, menée aux cocktails Molotov. Il a affirmé que celle-ci allait «continuer tous les jours jusqu’aux élections».
«L’anarchisme social, une alternative pour changer de société»
Ces anarchistes ont pour credo «l’anarchisme social, une alternative au monde que les capitalistes et les politiciens nous imposent, aux inégalités qu’ils créent et aux pleins pouvoirs qu’ils s’octroient sur nos vies».
Cette profession de foi avait été proclamée lors d’une rencontre tenue le 1er mars par le groupe de la région parisienne de la «Coordination des Groupes Anarchistes».
Ces anarchistes, omniprésents sur les réseaux sociaux, ont récemment lancé «un appel national» à bloquer l’ensemble des lycées et des facultés jeudi 20 et vendredi 21 avril pour protester contre la «mascarade présidentielle!».
«Nous voulons manifester notre existence politique hors des urnes et des débats électoraux stériles! Nous voulons affirmer notre rejet d’être gouvernés par ces escrocs: une gauche désunie et fantôme et une extrême-droite néo-fasciste et aveuglante (…). On nous sert le même discours avec des teintes différentes: le fascisme d’un côté, le libéralisme de l’autre. La farce va si loin qu’actuellement, il n’y en a presque aucun qui ne soit pas trempé dans des histoires de détournement de fonds publics», écrivaient-ils notamment dans un communiqué.
Leur agenda est plein à craquer: il ne se passe pas de jour sans qu’il y ait un/des appel/s à une conférence-débat, un salon du Livre, une projection itinérante de films engagés, une soirée ou un concert de soutien, un apéro-discussion, un atelier d’artivisme; mais le plus souvent, à un rassemblement (notamment Place de la République, haut-lieu des manifestations).
Ces anarchistes ont dédié à l’élection présidentielle, prévue le 23 avril et le 7 mai, «un banquet carnavalesque contre la mascarade électorale» et «une manifestation antifasciste contre un meeting (prévu les 16 et 17 avril au Zénith de Paris, porte de la Villette) du Front National, le chien de garde de l’ordre capitaliste, raciste et sexiste».
Le blocage des lycées et facultés contre «la mascarade présidentielle» sera suivi, le 22 avril, par «des discussions autour de la Misère de la politique et l’illusion électorale».
«Diffuser la révolte»
Mais tout cet activisme violent, destiné à «changer un système capitaliste dans lequel une minorité de privilégiés possède et jouit des richesses sur le dos d’une majorité qui tente de survivre dans la précarité parfois la plus extrême», s’est avéré jusqu’à présent, bien au contraire, contre-productif et désastreux.
En effet, les manifestations anti-policières qui avaient suivi la révélation, en février, de l’«Affaire Théo», celle du viol présumé d’un jeune homme à Aulnay-sous-Bois par un policier au moyen d’une matraque télescopique, avaient donné lieu à des échauffourées pendant plusieurs jours, notamment à Aulnay-sous-Bois et à Bobigny, émaillées de violences…
Pour les seules nuits du 7 au 11 février, les manifestations réclamant «Justice pour Théo» en Seine-Saint-Denis, «200 voitures ont été incendiées, 160 conteneurs brûlés, 108 interpellations», sans compter les abris de bus brisés, les commerces saccagés ou pillés, les tirs de mortiers, les jets de projectiles, selon un bilan de la Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP).
Les autorités s’étaient néanmoins inquiétées, voyant dans ces manifestations les prémisses d’un embrasement des banlieues, comme lors des grandes émeutes de 2005.
«Je fais partie de la génération qui ne pense plus que gouverner soit la solution», avait alors confié, sous couvert d’anonymat, un «ingouvernable» à Kapitalis qui l’interrogeait sur les revendications et le projet de société de ces groupes.
«Le climat qui règne en France est de plus en plus inquiétant. Une grande mobilisation de la jeunesse est plus que nécessaire. Nous formons des comités, des collectifs de quartiers, villes, villages, universités et lycées pour diffuser la révolte et rendre coup-pour-coup», s’est-il borné à ajouter.
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