Le tourisme médical draine, chaque année, en Tunisie, près de 500.000 patients et génère des recettes estimées à un milliard de dinars en devises. On peut mieux faire…
Par Wajdi Msaed
La Chambre de commerce tuniso-britannique (TBCC) a organisé, vendredi 5 mai 2017, en collaboration avec la Chambre de commerce tuniso-américaine (AmCham), un déjeuner débat placé sur le thème : «Tourisme de santé : opportunités et défis».
Des atouts à exploiter
La rencontre, animée par la ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Salma Elloumi-Rekik, a permis à une assistance composée essentiellement de médecins, responsables de cliniques privées et d’agences de voyage spécialisées dans le tourisme médical de faire part de leurs remarques, observations, critiques et propositions pour donner un nouvel élan à un secteur susceptible de jouer un rôle de premier plan dans le développement de l’industrie touristique en Tunisie.
Selma Elloumi-Rekik.
«C’est une activité qui draine, chaque année, près de 500.000 patients et génère des recettes estimées à un milliard de dinars en devises pour le pays», a déclaré Mme Elloumi Rekik, qui a mis en avant les nombreux atouts favorisant le secteur du tourisme de santé en Tunisie tels que la compétence, le grand nombre de centres de thalassothérapie, de chirurgie esthétique, ophtalmologique et cardiovasculaire de renommée internationale, la qualité reconnue des sources thermales, ainsi que l’excellent rapport qualité prix.
«Le développement de ce segment contribue à la diversifications des produits et des marchés touristiques, qui est au cœur même de notre stratégie pour le secteur», a ajouté la ministre, en faisant remarquer que la thalassothérapie a placé la Tunisie au 2e rang mondial après la France et que son département a mis en place une structure spécialisée dans le tourisme médical, qui a déjà entamé l’examen de la certification des centres de thalassothérapie.
«Cette certification garantira la qualité des services offerts, consolidera la crédibilité du secteur et suscitera davantage de respect chez nos partenaires», a encore souligné Mme Elloumi-Rekik.
Mehdi Ben Abdallah.
Le visa électronique
La ministre s’est, en outre, arrêtée sur la question, soulevée par l’assistance, relative aux visas et aux difficultés qu’elles posent pour l’entrée des patients étrangers en Tunisie. Elle a annoncé, dans ce contexte, l’entrée en vigueur du visa électronique d’ici la fin 2017 ou le début de 2018, afin de faciliter les procédures d’obtention de visas et de drainer, ainsi, le maximum de visiteurs vers notre pays et notamment ceux venant de pays africains subsahariens, principaux demandeurs de prestations médicales tunisiennes, qui offrent, à leurs yeux, une meilleure qualité-prix que celles dispensées dans les pays européens.
«Ce projet, soutenu par l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), a été initié par le ministère du Tourisme en collaboration avec les départements de l’Intérieur et des Affaires étrangères», a expliqué Mme Elloumi-Rekik, qui a fait part de la récente publication, en collaboration avec le ministère de la Santé, d’une note d’orientation dont l’objectif est d’assurer un meilleur accueil aux touristes et notamment ceux demandeurs de soins de santé.
Conserver l’avantage compétitif
Mettant en exergue l’importance du visa électronique, notamment pour les visiteurs venant de pays africains, où la Tunisie ne dispose encore que d’un nombre limité de représentations diplomatiques, Mehdi Ben Abdallah, président de la TBCC, a appelé à la résolution de cette difficulté afin de ne pas faire perdre à la Tunisie son avantage compétitif en matière de coûts et de rapport qualité/prix.
«Le secteur du tourisme doit être structurellement repensé afin de lui insuffler une nouvelle dynamique, de renforcer sa compétitivité et d’assurer sa pérennité», a-t-il affirmé, en rappelant l’étude élaborée par l’Oxford Economics, relevant de l’université d’Oxford en Grande-Bretagne, qui a révélé que le tourisme de santé génère 60 milliards de dollars annuellement à travers le monde et présente de très bonnes perspectives avec des rentrées en augmentation de 25% par an durant les 10 prochaines années. Cela doit interpeller notre stratégie touristique, qui doit être plus en phase avec les mutations de cette activité sur la scène internationale.
M. Ben Abdallah a appelé, dans ce contexte, à «ne pas focaliser seulement sur le tourisme médical mais à repenser une approche plus large du tourisme de santé qui englobe le tourisme médical, le tourisme de bien-être, la retraite médicalisée et la e-médecine».
Amor Dehissy.
Dépendance à un seul grand marché
Pour sa part, Amor Dehissy, président du Groupe professionnel tourisme médical, relevant de la Fédération interprofessionnelle du tourisme tunisien (FITT), a indiqué que «la Tunisie offre différentes possibilités de collaboration avec les entreprises anglaises d’assurance ou de retraite ainsi qu’avec l’Etat britannique aussi bien en terme de tourisme que d’investissement. Pour les assurances publiques NHS ou privées, la Tunisie pourrait aider à résoudre le problème des listes d’attente et du coût prohibitif des soins médicaux en offrant une option à leurs assurés d’accéder à une qualité de soins comparable (et parfois meilleure) que celle de leur pays et à un prix abordable. La retraite médicalisée et le développement de plateforme de médecine à distance sont deux autres secteurs où tout reste à faire.»
Présentant une autre étude sur le secteur du tourisme de santé, M. Déhissy a fait savoir que la structure qu’il préside, fondée en 2016, a pour mission de défendre les intérêts des opérateurs des différents types de tourisme (santé, culturel, golfique, écologique, alternatif, etc.).
Il a affirmé que l’étude citée ci-haut révèle que l’exportation représente 36% de l’activité des cliniques privées en Tunisie, sachant que les Libyens constituent 88,4% des patients, suivis des Algériens (2,9 %), des Africains sub-sahariens (2,7%) et des européens (2%). Elle révèle aussi que les recettes du secteur sont en nette évolution et que la Tunisie apparaît comme la première destination du tourisme médical dans la zone du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord (Mena).
L’étude appelle, dans ce contexte, à la diversification des marchés géographiques du tourisme médical afin d’éviter la dépendance d’un seul grand marché (Libye) et réduire les risques liés aux investissements considérables engagés dans ce secteur.
La retraite médicalisée
Plusieurs autres challenges ont été soulignés par cette étude, dont notamment celui de la retraite médicalisée. En effet, le manque de disponibilité en Europe dans les maisons de retraite, conjugué au vieillissement de la population du Vieux Continent, représente une opportunité pour le développement des retraites médicalisées en Tunisie. «Si l’on consacre 20% de la capacité hôtelière à la retraite médicalisée, cela représenterait 40.000 lits pour 40.000 retraités qui séjourneraient tout au long de l’année en Tunisie, générerait jusqu’à 2 milliards de dinars de recettes et créerait 50.000 nouveaux emplois», a affirmé, en conclusion, Amor Dehissy.
Outre Mme Elloumi-Rekik, Mehdi Ben Abdallah et Amor Dehissy, déjà cités, étaient également présents Khaled Babbou, président de l’AmCham, Foued Lakhoua, président de la Chambre tuniso-française de commerce, et Khaled Fakhfakh, président de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH).
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