Ceux qui, en Tunisie, face au retard observé dans la campagne de vaccination contre la Covid-19 en raison des difficultés à se procurer les quantités nécessaires de vaccins, espéraient le soutien de Covax, seront sans doute très déçus d’apprendre que ce dispositif est fini !
Par Dr Kaissar Sassi *
Il y a moins d’une année, le dispositif Covax était né et décrit comme une révolution dans l’histoire de l’humanité, car il allait permettre une équité dans la campagne de la vaccination des humains face au virus Covid-19. Son objectif était de garantir un approvisionnement mondial équitable des vaccins et les fournir à tous les pays du monde, notamment les pays pauvres. Des salutations ont émergé de partout et cette initiative a été qualifiée d’héroïque.
L’inégalité flagrante dans l’accès aux vaccins
Malheureusement, cette vision a rapidement buté contre la réalité. Elle a même eu un effet inverse puisque des dizaines des pays africains sont toujours dans l’attente passive, à titre d’exemple la Tunisie qui connaît aujourd’hui une forte propagation du virus, alors que 4% seulement de sa population sont vaccinés aujourd’hui.
Lors du sommet des promesses de dons pour le Covax, le 2 juin 2021, organisé par le Japon, les intervenants ont déploré l’inégalité flagrante dans l’accès aux vaccins. Aujourd’hui, dix pays ont administré 75% de tous les vaccins Covid-19, alors qu’en même temps, dans les pays pauvres, le personnel soignant n’est toujours pas vacciné en totalité. C’est injuste. C’est une honte pour l’humanité.
Covax réserve une dose sur cinq pour des pays riches
L’alliance des vaccins se trouve aujourd’hui dans une situation très difficile. L’incapacité à inciter les pays riches à rejoindre Covax en grand nombre a laissé les gestionnaires de ce dispositif dans une situation délicate. D’une part, il n’y a pas eu assez de participants autofinancés qui ont rejoint Covax pour lui donner le pouvoir d’achat massif dont il a besoin. D’autre part, même si Covax manque cruellement de vaccins, l’établissement est maintenant contractuellement obligé de réserver une dose sur cinq pour quelques pays riches.
Alors que les inégalités d’accès aux vaccins se sont creusées, l’alliance des vaccins a dû justifier l’envoi de vaccins aux pays qui ont déjà vacciné une grande partie de leur population en même temps que les livraisons aux pays les plus pauvres qui peinent encore à commencer la vaccination de leurs populations. C’est la preuve ultime de l’échec de ce dispositif.
On peut comparer la conception de Covax à la construction d’un vélo pendant qu’il roule. Au début de 2020, la forme qu’allait prendre la pandémie était imprévisible et même la maladie n’était pas bien élucidée. Personne ne pouvait prédire le temps nécessaire pour trouver le vaccin. Covax était né dans toute cette confusion et se confronte aujourd’hui à une réalité totalement différente, celle du nationalisme vaccinal. C’est pour cette raison que l’idée prouesse d’un centre mondiale de vaccins s’est plus ou moins effondrée rapidement, et Covax a fini par utiliser une approche traditionnelle basée sur l’aide, qui a laissé aujourd’hui les pays à faibles revenus entièrement à la merci des nations riches.
La Tunisie doit investir dans la fabrication des vaccins
Nous avons rapidement oublié que cette pandémie ne peut s’éteindre que si elle est vaincue dans les quatre coins du monde pour éviter le risque de l’émergence des variants. Les pénuries d’approvisionnement auraient dû être anticipées depuis 2020 et intégrées dans la conception du Covax dès le départ.
Les pays pauvres vont donc devoir acheter leurs propres vaccins, ça ne sert à rien d’attendre des doses qui ne vont jamais arriver. Dans tout ça, la Tunisie a un rôle crucial à jouer dans le continent africain. De part son expérience dans la fabrication des vaccins, et son système de soins jugé le meilleur dans ce continent, il faudra s’y investir et y développer une usine de production du vaccin qui alimentera toute l’Afrique par la suite.
* Anesthésiste-réanimateur.
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