Uthina : Un site modèle pour le tourisme culturel

Impressionnant ! L’exclamation ne suffit même pas à désigner notre étonnement du travail de fouille et de restauration du site d’Uthina, à 30 km au sud de Tunis.

Par Anouar Hnaïne

Vingt ans plus tôt, à l’initiative de l’Association tunisienne des journalistes et des écrivains du tourisme (Atjet), une opération d’envergure a été réalisée pour montrer les richesses du site jusqu’alors ignoré par le public. Un dîner romain historique, des spectacles de cirque, une découverte des lieux et une sensibilisation des pouvoirs publics en ont fait une réussite. Mieux, on a même programmé de faire de Uthina un site modèle pour le tourisme culturel.

La plaine de Mohammadia où se trouve le site d’Uthina.

Des trésors ont surgi de sous terre

Cinq ans que le site est fermé. Les archéologues se sont mis à pied d’œuvre. Leurs travaux ont permis de dégager et de restaurer l’amphithéâtre, le capitole, les thermes et autres quartiers aristocratiques. Des trésors ont surgi de sous terre.

Cette année, comme tous les ans, un mois durant, du 18 avril au 18 mai, le monde de la culture a vécu au rythme de la célébration du patrimoine. Le ministère de la culture a organisé, à Uthina, une journée «portes ouvertes» printanière, le samedi 15 mai.

Des trésors ont surgi de sous terre.

Uthina? Un site unique à un jet de pierre de Tunis, en direction de Zaghouan, sur la rive droite de l’oued Meliane. Collines et plaines verdoyantes, fertiles de la Mhammedia, dominées par le solennel Boukornine et le massif Jebel Ressas. C’est en cet endroit de 72 ha qu’Octave, futur Auguste, héritier de César, a fondé en entre 29 et 27 av. J.-C. le site pour les vétérans de la XIIe légion. Au 1e siècle après J.-C., Pline l’Ancien la place parmi les six plus anciennes colonies d’Afrique. La région fut densément peuplée, les prospections révèlent des établissements et des agglomérations tout autour du site.

Les gradins de l’amphithéâtre d’Uthina.

Uthina devient plus tard le siège de l’un des plus anciens évêchés d’Afrique, Tertullien l’atteste au début du IIe siècle. Un épisode de persécutions antichrétiennes lancé par Dioclétien eut lieu à Uthina en 304. La liste des évêques s’interrompt au début du VIe  siècle. La période coïncide avec une rétraction urbaine et l’abandon des quartiers résidentiels…

Les thermes de Laberii.

Les nombreuses céramiques arabo-musulmanes trouvées dans les foules de l’amphithéâtre, dans les thermes publics et au capitole attestent de la continuité d’occupation entre l’Antiquité et le Moyen Âge…

Oudhna ou Uthina?

Uthina? De son vrai nom, un peu barbare, Tertiadecimanorum Uthina, d’origine absolument romaine. Or, sur les routes menant à site archéologique, on y lit Oudhna (traduit de l’arabe). Pourtant, à l’entrée du site, sur les enseignes d’explication, on lit Uthina. Deux enseignes pour le même lieu? Bizarrerie, incongruité. Il faudra accorder les violons et, à notre avis, opter pour Uthina, le vrai nom romain, ça rendra à César ce qui lui appartient et, qui sait, attirerait des visiteurs étrangers.

Sous-sol du capitole.

A ce sujet, jusque là, les voyagistes rechignent à programmer Uthina. Ils n’on pas tout à fait tort. Les routes  menant au site sont dans un état qu’elles décourageraient les plus fervents des visiteurs, nombreux ralentisseurs, des bosses et des trous… Ajoutez à cela l’état urbain anarchique, les ordures sur les bords de routes… Vous connaissez la chanson.

Scène de combat de gladiateurs à l’amphithéâtre.

Une fois à l’intérieur du site, vous vous réconciliez avec la nature et vous admirerez l’état impeccable du Colisée aux remarquables dimensions (112,50m x 89m), le classant parmi les grands amphithéâtres d’Afrique romaine, après celui de Thysdrus-El Jem (147mx122,2m) et de Carthage (120x89m), le majestueux capitole, grand temple d’Afrique romaine (v 43x27m) et ses trois-sous sol, les thermes des Laberii (famille patricienne romaine, IIe siècle après J.-C.), le thermes des Amours pêcheurs, les maisons des riches uthiniens, à l’exemple de la maison Industrius (entre le IIIe et IVe siècle après J.-C.), etc.

L’Orchestre symphonique tunisien se produit dans la fosse de l’amphithéâtre.

Entre un monument et un autre vous admirerez les couleurs des tapis de verdure, les plaines protégées par les des éminences, le Boukornine et son voisin Jebel Ressas.