Le poids du fondamentalisme religieux chrétien écrase les États-Unis

Le fait religieux n’a jamais été aussi puissant aux États-Unis pas seulement par son expression dans le débat public mais carrément par sa domination de la politique et la dernière élection présidentielle en est l’illustration. Les fondamentalistes religieux chrétiens ont pris en otage le Parti républicain et occupent les postes les plus influents dans la nouvelle administration Trump avec toutes les incidences qui en découleront aussi bien sur le domaine sociétal que sur la politique internationale car, à titre d’exemple, l’idéologie messianique est devenue la base de la gestion du conflit israélo-palestinien. Une dérive ultra-religieuse contre laquelle des protagonistes politiques avaient mis en garde il y a de cela une trentaine d’années mais rien n’a été fait.

Imed Bahri

Le magazine politique américain bimensuel CounterPunch a publié un article intitulé «Sans limites mais nous devons en parler» dont l’auteur, Bob Topper, souligne que les critiques adressées aux Démocrates lors des récentes élections américaines sont méritées mais que d’autres facteurs ont influencé le résultat de ces élections.

Selon Topper, l’un de ces facteurs est la presse qui a «normalisé» le comportement du candidat républicain Donald Trump, les médias traitant l’information de manière biaisée, en particulier Fox News qui a admis avoir menti aux téléspectateurs et certains médias numériques non réglementés qui ont manipulé et diffusé une quantité énorme de fausses informations.

Cependant, l’un des facteurs cruciaux qui échappe souvent à l’attention est, selon l’auteur, le rôle très important que joue la religion dans la politique moderne, un rôle qui ne peut être ignoré et pour évaluer son influence, il faut examiner la division politique aux États-Unis comme un conflit entre la pensée positiviste et la croyance chrétienne largement répandue.

Le récit de la «fin du monde» fait des émules

Topper se réfère à William Bernstein dans son livre ‘‘Illusions of Crowds’’ (L’Ilusion des masses) qui estime que la polarisation actuelle de la société américaine ne peut être comprise sans une connaissance pratique du récit de la «fin du monde» qui prédit la seconde venue du Christ, d’autant plus que 39% des adultes américains pensent que l’humanité vit cette «fin du monde» selon une enquête menée par le Pew Research Center.

Selon l’auteur, il serait peut-être préférable de comprendre le résultat de ces élections en le considérant comme un cas d’hystérie collective. Il n’existe aucun moyen de connaître l’étendue de l’influence de la théorie de la Providence divine sur ces élections mais l’hystérie alimentée par les craintes de «la fin du monde» répond à la question la plus douloureuse: Pourquoi le peuple américain a-t-il élu comme président un candidat avec tous les défauts que lui reprochent ses adversaires?

Selon l’auteur, les fondamentalistes religieux américains voient le monde comme une bataille entre le bien et le mal, entre Dieu et Satan, entre la justesse de la foi chrétienne et les méfaits du libéralisme rationnel.

Par conséquent, les discours de campagne de Trump ont joué sur la crainte que les Démocrates soient décrits comme Satan et le mal intérieur car les défauts de caractère de Trump sont atténués au point de devenir insignifiants dans ce drame parce que l’homme est un instrument entre les mains de Dieu, en tout cas selon leur vision.

CounterPunch indique qu’en 1994, le Républicain conservateur Barry Goldwater a exprimé ses inquiétudes quant à une prise de contrôle de son parti par des fondamentalistes chrétiens en disant: «Croyez-moi, si ces prédicateurs prennent le contrôle du Parti républicain et ils essaient certainement de le faire, ce sera un terrible désastre. Honnêtement, ces gens me font peur. La politique et la gouvernance nécessitent des compromis. Mais ces fondamentalistes chrétiens croient qu’ils agissent au nom de Dieu, ils ne peuvent donc pas faire de compromis et ne veulent pas le faire. Je le sais, j’ai essayé de traiter avec eux.»

Il y a vingt-cinq ans, des prédicateurs évangéliques sont devenus actifs au sein du Parti républicain et ont attaqué l’avortement et les relations homosexuelles. Cependant, les Républicains traditionnels n’ont pas adopté la rhétorique des Evangéliques mais ont accueilli favorablement leur soutien.

La droite chrétienne domine le Parti républicain

Aujourd’hui, la droite chrétienne domine le parti. Les valeurs conservatrices défendues par Goldwater et les valeurs américaines fondamentales de liberté, d’égalité et de démocratie ne sont plus importantes pour l’identité et le message du parti.

L’auteur estime que les craintes de Goldwater se sont pleinement réalisées et que son parti est devenu aujourd’hui un parti théocratique chrétien déguisé en Parti républicain.

CounterPunch ajoute que les principes de la séparation de l’Église et de l’État et du respect de la vie privée sont une réalité mais que la critique des croyances religieuses est devenue interdite.

Maintenant qu’une faction religieuse s’est transformée en parti politique, il n’est plus acceptable de s’y adapter surtout lorsque ses convictions entrent en conflit avec les valeurs fondamentales de liberté, d’égalité et de démocratie.

Topper estime que chaque Américain est tenu de protéger et de défendre la Constitution et les valeurs qu’elle garantit et lorsqu’une religion attaque le cœur des principes fondateurs de la nation, la critique ne doit pas être interdite.

Tout comme les Américains rejettent la charia islamique, ils doivent rejeter toute autre version de la religion qui remplacerait le système juridique et lorsque les croyances religieuses rendent la démocratie représentative impuissante, la résistance est inévitable, ajoute-t-il. Et d’expliquer: «Même si nous ne pouvons pas sous-estimer les 39% de citoyens américains qui croient que nous vivons la fin du monde, ils doivent admettre que cette fin du monde est un mythe que les bons chrétiens peuvent respecter mais il faut accepter que c’est un fantasme tout comme ils ont accepté le fait que la Terre tourne autour du Soleil et non l’inverse.»

En conclusion, l’auteur affirme les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont réels et que les solutions viendront de dirigeants réalistes qui prendront des décisions rationnelles fondées sur la science et les faits. Les fantasmes et les peurs superstitieuses ne feront que perpétuer ces problèmes. Quiconque en doute devrait considérer les conséquences tragiques du fanatisme religieux tout au long de l’histoire depuis l’Inquisition jusqu’à la Porte du Paradis puis comparer le bien-être des personnes vivant dans les démocraties libérales à celui des nations théocratiques et autocratiques en particulier celles du Moyen-Orient.

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