La consultation sur les terres domaniales sonnera-t-elle le glas pour l’agriculteur ou annoncera-t-elle un «Big Bang» ou une révolution en sa faveur?
Par Malek Ben Salah*
La consultation nationale sur l’avenir des terres domaniales semble achevée! La dernière «consultation nationale» en date, remontant à la fin des années 1990 et qui a eu une fin aussi brutale que décevante, n’avait abouti qu’à la dilapidation d’une partie de ces biens publics. Ceux, qui avaient les yeux braqués sur ces terres, si nombreux et qui n’y voyaient que leur intérêt personnel, se sont précipité sur ces terres, proies de choix, face à une administration peu convaincue par l’intérêt national !
Cette fois-ci, sait-on qui a été consulté? Quelles sont les institutions ou les personnes physiques qui ont été consultées? Quel est leur rattachement administratif? Quel est leur niveau de connaissances et l’impact de leur avis éventuel sur l’avenir de ces terres et surtout sur l’avenir du pays en général? Quel était leur intérêt personnel derrière l’avis ainsi donné? Les solutions, qu’ils étaient sensés présenter, tiennent-elles compte de l’intérêt du pays ou simplement de celui d’une administration dont l’existence n’est pas forcément nécessaire à l’intérêt général? Autant de questions qui montrent qu’une sélection très rigoureuse est indispensable dans le choix des «consultés» dans cette affaire où l’intérêt national doit primer!
Ce sont donc des compétences dans ces domaines qui devraient être sollicitées pour choisir l’alternative qui convient. Ces compétences existent aussi bien dans le monde professionnel que dans le domaine technique ou scientifique, parmi les actifs comme parmi les retraités.
Ces préalables n’ayant pas été définis à l’avance pour la consultation précédente, celle-ci s’était trouvée réduite à quelques réunions plus ou moins hétérogènes et les résultats qui en ont découlé n’ont rien solutionné et ont fait même perdre au pays un temps et des moyens précieux. Je ne sais pas si, cette fois-ci, pareilles précautions avaient été prises pour ne pas dégager des conclusions aussi peu en rapport avec les problèmes réels du pays, des terres domaniales et de l’intérêt national ! Surtout que ces problèmes sont nombreux et qu’on ne peut les traiter de façon séparée.
Aussi, et, en attendant qu’une vision globale et qu’un modèle de développement soient adoptés pour l’agriculture, la consultation sur les terres domaniales pourrait représenter une excellente transition pour les 5 années à venir. Et tout comme nos premiers plans étaient «économiques et sociaux», je pense que cette consultation se doit, à mon avis, d’examiner également dans ses choix les aspects économique et social; c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas seulement de trouver la meilleure rentabilité économique de la formule à retenir, mais également le meilleur impact social, sachant bien les nombreuses difficultés du secteur plus ou moins liées à la terre.
Des difficultés liées à la terre
Parmi, les difficultés majeures du secteur agricole, citerons celles qui nous semblent les plus importantes.
1-La gestion de plus de 500.000 ha de terres domaniales
L’existence même de plus de 500.000 ha de terres domaniales forme déjà une première anomalie en soi. L’Etat n’ayant pas vocation à assurer une fonction de production ou de gestion de ces terres, il doit prendre conscience de l’intérêt à se débarrasser du boulet que forme pour lui ces fonctions si difficiles à endosser et si coûteuses pour ses budgets. Se retirer, le plus pertinemment possible, ne peut présenter pour lui que des avantages. Et ce, d’autant plus que de lourdes difficultés financières pèsent sur ces terres maintenant, même pour renouveler les moyens d’exploitation (matériel, fonds pour réaliser les investissements nouveaux nécessaires à l’intensification de certaines productions…). Il se limitera ainsi à ses fonctions régaliennes comme il sied à une meilleure conception de la IIe République!
2- Le grand nombre de petites exploitations non viables, leur morcellement et le vieillissement des exploitants
Les petites exploitations agricoles (< 10 ha), peu ou pas viables, et considérées auparavant comme ayant un caractère social, n’ont permis en fait que de maintenir une population sous-productive, pauvre et sur des sols de moins en moins fertiles. Elles sont passées de 326.000 exploitations en 1961-1962 à 390.000 lors du recensement 2004-2005, soit 75% du nombre total des exploitations couvrant 25% des superficies exploitées.
De même, le morcellement poussé de l’exploitation (c’est-à-dire le fait qu’une exploitation soit composée de plusieurs parcelles géographiquement éloignées les unes des autres) forme une entrave supplémentaire à sa gestion optimale.
A cela s’ajoute le vieillissement des exploitants, remarquable par la strate de «60 ans et plus» qui est passée de 21% en 1961-1962 à 43% en 2004-2005. Cette situation était déjà difficilement défendable, comme je le rappelai dans l’article ‘‘A propos du morcellement des terres agricoles’’ publié le 17 décembre 1997… Soit, trois facteurs – aggravés par un exode des jeunes vers la ville – qui forment un obstacle à tout développement de nos campagnes, et pour lesquels aucun ministre n’avait osé mettre en place la solution adéquate, après l’ère de collectivisation des années 1960! Les textes de l’AFA sont restés également muets à ce sujet.
3-La suppression de fait de la vulgarisation de terrain
Les services de vulgarisation ont rencontré une mise à l’écart, dès le milieu des années 1980, sur le plan des allocations budgétaires qui lui étaient affectés et par le non-remplacement des vulgarisateurs qui partaient à la retraite au point qu’un grand nombre de cellules de vulgarisation sont aujourd’hui fermées.
L’absence d’encadrement de l’agriculteur, qui en a découlé, a eu les plus mauvaises répercussions sur la production et sur le revenu de l’agriculteur; surtout qu’elle s’est aggravée à un moment où le contrôle des prix démoralisait les exploitants en ne tenant aucun compte de leurs coûts à la production alors que des mises à l’irrigation de plusieurs périmètres irrigués avaient lieu dans des zones habituées au pluvial et qui avaient un besoin important en vulgarisation pour savoir où mettre les pieds…
La mise en place d’une vulgarisation professionnelle demande une préparation méthodique, des encouragements bien conçus de l’Etat et ne peut être improvisée comme cela avait été le cas par le passé qui a échoué de façon minable.
4- Les répercussions de la politique de CES de l’époque
La politique de CES «à tour des bras» de l’époque qui pratiquement massacrait les sols dans ses zones d’intervention et en décapait inutilement en grande partie la couche fertile. Cette politique, avec la politique de mobilisation de l’eau «à usage agricole», ont été un gouffre pour des millions de dinars sur le budget tunisien ainsi que sur plusieurs prêts contractés auprès de bailleurs de fond. Et on se demande aujourd’hui quelles avaient été les raisons qui sous-tendaient ces programmes de CES et qui, fait plus grave, et les raisons de cette fin de non-recevoir qu’avaient présenté les services concernés en 1995 à «l’approche holistique de restauration des terres soumises à l’érosion hydrique dans le nord-ouest» mise au point et proposée par l’équipe de recherche du professeur Ali Mhiri (Document : ‘‘L’homme peut-il refaire ce qu’il a défait?’’). Politique dont je faisais état également dans l’article ‘‘Baisse de fertilité des sols cultivables’’ publié le 25 mars 2008.
5- La baisse de fertilité généralisée dans nos sols
L’épuisement de la matière organique partout dans nos sols forme actuellement un problème très grave pour le développement agricole dans toutes nos régions. Ce problème découlait, dans le nord, des cultures de pailles sur pailles par suite des encouragements inappropriés de l’Etat à ces cultures simultanément avec une absence d’encouragements aux cultures (féverole et légumineuses fourragères notamment) qui auraient permis l’enrichissement de ces sols et auraient entraîné une réduction de la dépendance du pays pour l’alimentation de son bétail…; alors que, dans le centre/sud, il résulte d’une soi-disant mise en valeur irraisonné des parcours par des plantations ou de périmètres irrigués réduisant le développement de l’élevage et de la matière organique dans ses sols… Ces pratiques ont formé une série de facteurs qui ont contribué à la baisse de la fertilité des sols et qui risquent de s’aggraver suite aux changements climatique à venir et pour lesquels aucune disposition n’a été entreprise…
6- Le chômage et l’exode des jeunes
L’absence de modernisation du secteur par des encouragements attractifs et appropriés (qui avaient pourtant existé pour les colons sous le protectorat) pour la mécanisation, l’habitat sur place, l’électrification rurale, l’élevage… ont eu pour conséquence un sous-emploi des jeunes. L’exode qui s’en suivit des régions intérieures et méridionales rurales, défavorisées, vers le littoral est le meilleur indicateur de la crise profonde du monde rural qui se continue aujourd’hui à un rythme soutenu et touche aujourd’hui toutes les régions rurales du pays…
Pour un usage plus salutaire de ces terres domaniales
Disons d’abord que cette consultation tire son importance des choix et des orientations qui en découleront sur les plans micro et macro économiques au niveau local, régional et national; et qu’elle ne peut être destinée seulement à parler des dysfonctionnements, bien nombreux à vrai dire, de tel ou tel mode de gestion qui se sont succédé sur ces terres. Aussi, ne devrait-on pas la considérer comme un acte isolé, engagé par l’administration, en vu de rechercher une forme de gestion meilleure pour ces terres. Dans les conditions vécues actuellement par la Tunisie, elle doit plutôt être utilisée pour mettre au point un usage salutaire à une partie de ces maux qui accablent l’ensemble du secteur. Elle serait même le dernier atout dont dispose l’Etat pour y faire face à ces maux même si ces terres ne représentent que 5% de nos terres!
En effet, si on ne cherche qu’une forme nouvelle de gestion de ces grands domaines de l’Etat pour attirer «des investisseurs»… dans l’espoir de les voir apporter des moyens financiers importants pour cultiver, intensifier la production, rechercher de nouveaux marchés pour l’exportation, créer des industries agro-alimentaires et réanimer le monde rural…, tel qu’on se l’était imaginé par le passé; le passage successif par l’expérience des UCP, agro-combinats, SMVDA… devrait servir de leçon avec les résultats peu convaincants obtenus et évaluer tout le temps perdu pour y parvenir! Quant à la promotion des petits agriculteurs – dont la majeure partie forme en fait des chômeurs déguisés et dont la descendance quitte de plus en plus le maigre «patrimoine familial»… – à quelles solutions l’Etat devra-t-il recourir…? soit une aggravation du problème de l’emploi et de l’exode vers la ville si on ne veut pas ouvrir le dossier du Foncier…!
Comment donc profiter pour mettre au point un usage salutaire pour enrayer au moins une partie de ces maux qui accablent l’ensemble du secteur? Comment, par la même occasion, l’Etat pourra-t-il initier un modèle de développement pour l’agriculture axé sur l’agriculteur et sur l’exploitation agricole? Comment ce modèle de développement pourrait-il être plus durable, plus autonome, et plus compatible avec le XXIe siècle dans ses aspects économiques (rentabilité); mais aussi plus favorable à l’exploitant agricole et à ses difficultés, et plus créateur d’emplois (plus d’emplois pour diplômés, techniciens, vulgarisateurs, gestionnaires…) et plus rationnel dans les techniques d’intervention de l’Etat (CES, rotations, économie de l’exploitation…) et par un recours régulier aux résultats de la recherche, dans ses aspects sociaux…? Quelles alternatives se présentent aujourd’hui au décideur?
Les alternatives qui se présentent aujourd’hui
C’est donc par son contenu et ses conséquences qu’une telle consultation doit être envisagée et mener aux buts qu’on est sensé rechercher.
Trois grandes alternatives sont envisageables : soit (alternative 1) réserver ces grands domaines de l’Etat pour attirer «des investisseurs»… avec un vœu pieux de les voir apporter des moyens financiers importants pour cultiver, intensifier la production, rechercher de nouveaux marchés pour l’exportation, créer des industries agro-alimentaires et réanimer le monde rural… comme cela a été espéré avec le passage de ces terres par l’expérience des UCP, SMVDA, agro-combinats, fermes pilotes (avec une distribution en sous-mains de quelques fermes bien juteuses et quelques bribes pour constituer des «lots techniciens»…) mais aucun développement n’a suivi. Soit (alternative 2) réserver ces domaines à une distribution (en lots dispersés ou groupés) à des techniciens ou à des jeunes en chômage…
Le risque avec ces deux solutions c’est qu’elles vont introduire de nouveaux «agriculteurs» dans un secteur où il y a déjà trop de monde et surtout laisser les petits agriculteurs essayer de subsister comme ils peuvent sur des lopins de terre déchiquetés et non viables… et dans un monde rural, déjà victime d’un modèle de développement aussi périmé qu’inefficace, et poursuivre leur malheureux sur-place… jusqu’à l’explosion ou l’implosion!
In fine, si on écarte l’hypothèse de laisser l’Etat jouer à «l’exploitant agricole», rôle où il n’a jamais réussi; les autres formes de «concession ou de restructurations» n’ont fait que démontrer le faible impact d’une gestion directe ou indirecte par lui sur le développement régional.
Une troisième alternative serait celle que le gouvernement, prenant conscience des problématiques réelles du secteur agricole et considérant les terres domaniales comme l’une de ses facettes, s’impose la tâche de trouver une formule adéquate d’utiliser ces terres pour agrandir les exploitations non viables des petits agriculteurs et les rendre plus viables ! Alternative qui va dans le sens des orientations quasi-unanimement recommandées aussi bien par la FAO, que par des agronomes de renommée mondiale tels Marc Dufumier ou Francesco Pierri… et qui méritent bien d’être retenues par la Tunisie comme objectif pour promouvoir un «développement de l’exploitation familiale moyenne» comme base du développement régional. Cette forme d’agriculture est reconnue comme hautement productive à moyen terme, et durable à plus long terme, pour peu que les conditions socio-économiques et politiques nécessaires lui soient réunies.
Le choix se situe donc entre une politique qui réserve les terres domaniales sous forme de grandes exploitations et pour les grands investissements ou bien d’en profiter pour réformer progressivement le profil de l’exploitation vers l’exploitation moyenne. Dans un cas, ce serait le glas qui sonnera la fin des petits agriculteurs; dans l’autre cas ce serait un «Big Bang» pour eux et pour une relance de l’agriculture. Personnellement, si j’ai jamais à donner un avis, je choisirai certainement le «Big Bang», porteur de changements que, pour le recommander à tous, après l’avoir suivi pendant de longues années à l’extérieur.
Une expérience extérieure à examiner de près et à adapter à nos besoins !
Il n’y a pas de honte à étudier, s’inspirer et adapter des solutions adoptées par l’extérieur et qui auraient prouvé leur efficacité économique et sociale, surtout après l’échec des différentes options à consonance politique qui avaient été appliquées et qu’on a rapidement évoquées.
A cet effet, s’inspirer par exemple de l’approche à «la française» qui avait débuté dans les années 1960 avec le loi d’orientation agricole et qui a permis un remodelage complet de leur agriculture qui était à peu près au même stade que la nôtre grâce à un encouragement au remembrement des terres; aux possibilités d’agrandissement de l’exploitation non viable, à l’installation de jeunes agriculteurs, à un encadrement bien conçu par l’Etat et qui tendu la main à la profession pour s’organiser et lui passer la main par la suite… La cheville ouvrière de cette réforme était la promulgation d’une Loi d’orientation qui a permis, notamment pour ce qui nous concerne, la création de Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) pour appliquer cette loi.….
Bien entendu, diraient certains négationnistes, ce serait une opération très coûteuse pour la Tunisie et on ne peut se permettre de l’appliquer…, et je suis d’accord; mais si on n’a pas les fonds nécessaires, on a par contre cette manne de terres domaniales qui n’existaient pas en France quand cette réforme avait été faite et ; qui bien utilisées, pourront servir à agrandir, remembrer, rentabiliser les petites exploitations non rentables et rajeunir les exploitants, catalyser l’opération sans avoir à faire du copier/coller et surtout créer de l’emploi et de la production dont on a si besoin. Ce n’est pas encore le moment de rentrer dans les détails du «comment», et sans avoir à recourir forcément à des créations de Safer; des projets à concevoir dans ce sens, et en partant de ces fermes, peuvent être lancés très rapidement pour faire évoluer un certain nombre de petites exploitations vers des exploitations moyennes viables et durables.
Disons encore qu’avec les mesures d’accompagnements qui s’imposent, un partenariat avec la France, qui a une expérience de plus de 50 ans en la matière, ou avec l’Union européenne, pourrait être utile (par ex., dans le cadre de la reconversion des dettes en projets de développement à identifier en commun ou dans le cadre de projets individualisés dotés de lignes de crédits en PPP…).
Voici donc une démarche qui fait du 3 en 1 ou du 4 en 1… pour commencer à tirer progressivement les 75% d’exploitations non ou peu viables de leur situation de marginalité et en faire des locomotives de développement, les doter des moyens nécessaires pour produire, créer de l’emploi et de la richesse et même laisser une marge pour ré investir et progresser davantage par un rajeunissement des exploitants. La priorité économique, technique et même politique est incontestable ; surtout quand on sait, par le passé, que les solutions et projets tentés soi disant à «la petite agriculture», sans toucher le foncier, n’ont fait que maintenir cette large tranche d’agriculteurs dans leur médiocrité et sans aucun avenir pour eux et pour leur progéniture!
Enfin, et même si les bénéficiaires sont ainsi définis, il n’en sera pas moins vrai que cette solution doit servir à aider financièrement le gouvernement à résoudre le plus large éventail possible de problèmes fonciers dans le pays. La cession de ces terres ne devra pas se faire gratis mais bien sous forme de vente à ces bénéficiaires. Une ligne de crédit, à leur intention, devra être mise en place parallèlement à une caisse pour collecter les fonds provenant de ces ventes en vu de leur ré utilisation dans la solution d’autres problèmes fonciers ailleurs. Evidemment des mesures d’encouragements et des facilités de paiement sur quelques années seront nécessaires pour faire «monter la mayonnaise» et réussir l’opération !
Conclusion: Urgence de boucler les dossiers et de passer à la préparation de projets bancables
Le sujet, quoique pas nouveau, n’a jamais bénéficié de l’attention soutenue dont il avait besoin, durant l’ancien régime. Il n’a servi qu’à enfanter un ministère supplémentaire pour «les domaines de l’Etat» et ce, pour jouer le rôle très particulier que tout le monde avait connu sous l’ancien régime. Pourtant un seul ministère de Développement durable agricole suffirait si on arrête une vision globale bien définie, et qu’on ramasse aujourd’hui cette administration, trop éparpillée, en services plus compacts et aux tâches plus claires. Ce serait là un premier gain pour la fonction publique.
Faute d’un pareil ministère, il y a dans tous les cas un besoin d’introduire du renouveau…, de rompre avec les pratiques caduques de ces réunions qui n’en finissent pas…, d’une plus grande responsabilisation des cadres et d’une hiérarchisation des rôles à attribuer à chacun.
A chacun d’eux alors, de montrer plus d’enthousiasme, à travailler «tout feu tout flamme» sur le terrain pour faire preuve de son efficience personnelle et faire avancer l’agriculture. La consultation qui se terminera, j’espère bientôt, ne saurait se prolonger encore. Le plus urgent est de limiter tout gaspillage d’énergie dans les discussions byzantines du passé… Et quelques soient les résultats de la consultation, tous les cadres, réunis ou pas dans un seul département, se doivent de retrousser leurs manches après ces quatre longues années de dormance pour, notamment produire des projets et des projets et encore des projets et de faire avancer leur réalisation… C’est seulement comme cela que toute la pyramide administrative pourra avoir la conscience tranquille vis-à-vis du pays et, justifier les salaires que ce pays emprunte à l’extérieur pour les payer.
Ce qui est paradoxal, c’est que ce sont des collègues de pays amis qui se montrent étonnés du manque de production et du manque de projets de production présentés par les administrations de l’agriculture! Alors que les 500.000 ha de terres domaniales, représentent une véritable mine d’idées de projets pour répondre à tous ceux qui veulent bien nous aider, aux demandes de la révolution… et au démarrage des réformes nécessaires! Pour ce à titre d’exemple, et tout en faisant avancer les études nécessaires, une série de projets régionaux pour attribuer 1/5e (100 .000 ha) tous les ans, permettront de répondre, dans les différents gouvernorats, aux objectifs de modernisation du secteur et de création d’emplois. L’OTD qui aura à aider à concevoir ces projets et à faciliter leur mise en place, devra ainsi préparer la fin de la mission pour laquelle elle avait été créée et achever ce processus par le redéploiement de ses cadres pour mieux assister les bénéficiaires. Ce sera là un second gain pour la fonction publique.
Cette préparation de projets acquiert, donc aujourd’hui, un caractère de priorité absolue. Une 1ère tranche de projets pourra même être présentée à temps au ministère des Finances et aux partenaires éventuels pour financement rapide. Le budget complémentaire 2015 devant être arrêté très bientôt et intégrer ces projets afin d’exécuter les études et commencer leur réalisation en cours d’année. La situation du pays, si on se donne l’objectif de faire profiter la prochaine saison agricole de ces réformes – au moins sous forme de projets-pilotes – il ne reste plus que 4 mois pour préparer les textes et études permettant de démarrer ces projets et leur désigner des responsables.
C’est ce que j’appelle provoquer un «Big Bang» pour l’agriculture à partir de ces terres et faire profiter le pays et cette masse de petites exploitations de cette dernière bouffée d’oxygène dont dispose l’Etat, avec les moyens d’accompagnement nécessaires, pour les extraire de leur atroce pauvreté, et redonner avec eux et leur descendance un sang nouveau à l’agriculture. Sachons donc bien utiliser cette dernière cartouche pour remettre sur selle notre agriculture si mal portante et ne pas répéter les anciennes gaffes.
Pour nous autres anciens agronomes, notre rôle n’est-il pas de remettre les pendules de l’agriculture à l’heure chaque fois que nécessaire? J’espère, en tant qu’ancien commis de l’Etat et vétéran de ce secteur, que ces quelques suggestions soient entendues de temps en temps. Chacun aidant quand il peut et comme il peut…
* Ingénieur général d’agronomie, consultant international, spécialiste d’agriculture/élevage de l’ENSSAA de Paris.
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