Tout n’est finalement pas si mal en Tunisie. La Révolution n’a certes pas donné tous ses fruits, mais elle ne saurait tarder. On devrait juste y croire et travailler.
Par Moncef Dhambri
Les rêves qui ont bercé notre 14 janvier 2011 se sont presque tous essoufflés. Il ne reste plus, aujourd’hui, qu’une désillusion généralisée. Frustration, colère et désespoir ont élu domicile chez nous, dans notre quartier, dans nos villes et nos villages – où que l’on aille dans le pays, du sud au nord et d’ouest en est.
Et si cela n’était que le fond de nos déconvenues, le fond de l’abîme.
Et si demain, ou après demain, nos espoirs se ressaisissaient, notre révolution renaissait de ses cendres et notre printemps n’était plus automne ou hiver… A bien regarder, le plus gros a été fait et le moins gros reste à faire. Nous connaissons le pire et nous avons connu le mauvais. A présent, il ne nous reste plus – pour les court, moyen et long termes – qu’à essayer le mieux et le meilleur devrait sans doute suivre.
La seule exclamation «Dégage!»
Etre peu nombreux à reconnaître encore que le miracle du 14 janvier 2011 n’était pas un hasard importe peu. Continuer de croire qu’il y a bien une exception tunisienne n’est pas une fierté mal placée. Dire que le désert de la Révolution sera bientôt traversé et que le tunnel de nos difficultés finira par montrer son bout ne sont pas de simples constructions de l’esprit.
Nos résilience, ténacité, patience et autres entêtements n’ont jamais baissé les bras. Ils ont été tellement plus grands que les 11 millions de femmes et hommes que compte notre pays. Ils ont été tellement plus vastes que la petite Tunisie. Ils pousseront encore plus loin les frontières de l’intelligence tunisienne, celle qui, avec la seule exclamation «Dégage!», a eu raison du plus tyrannique des dictateurs et l’a poussé à la fuite.
Nous avons défriché le terrain, tous les terrains, et pris le soin de nous débarrasser des mauvaises herbes. Avec notre «meilleure constitution au monde», nous avons planté le décor du redémarrage de la Deuxième République de Tunisie. Nous avons élu librement des femmes et des hommes qui feront nos lois et les mettront à exécution. Nous avons pris rendez-vous avec nos représentants et nous les attendons au prochain tournant: dans 5 ans, ils nous rendront des comptes et, alors, nous choisirons de leur accorder une nouvelle fois notre confiance pour leur mission accomplie ou de les congédier pour les services qu’ils n’ont pas rendus.
Entre un rendez-vous électoral et celui qui suit, il y a bien évidemment un quatrième pouvoir qui veille au grain et tire la sonnette d’alarme chaque fois que les choses risquent d’échapper au contrôle du peuple décideur.
Ainsi, entre le pire et le meilleur, le pas sera franchi aisément et l’on n’aurait peut-être même pas besoin de passer par les cases du mauvais et du bon.
Pour Belaïd, Brahmi et les autres martyrs
Nous pouvons assez facilement imaginer que nos grèves et l’anarchie qu’elles génèrent cessent, car il y a bon sens, urgence et intérêts nationaux.
Nous pouvons également nous attendre à ce que les terroristes jihadistes, face à l’unanimité des Tunisiens contre eux, prennent la poudre d’escampette ou finissent comme ils méritent de finir.
Nous sommes aussi autorisés de croire que l’ordre et la sécurité, ainsi rétablis, inviteront à nouveau les investisseurs nationaux et étrangers à se débarrasser de leur frilosité pour remettre leurs projets en marche et délier les cordons de leurs bourses.
L’Etat, moyennant quelques réformes nécessaires, mettra de l’ordre dans ses affaires, indiquera au pays la voie à suivre – celle du travail et du sérieux – et rendra des comptes.
Le reste, c’est-à-dire le peuple, l’activité économique et le tourisme suivront. Nos écoles, lycées et universités se remettront à produire les têtes les mieux faites; notre bassin minier retrouvera sa vitesse de croisière et livrera à temps ses nombreuses commandes de phosphate. Corruption et évasion fiscale, si elles ne disparaissent pas totalement, elles ne seront plus flagrantes et impunies car, désormais, il y aura justice et équité en Tunisie et la loi s’appliquera à tous. L’Etat n’aura plus à se soucier à combler ses déficits budgétaires et le citoyen n’aura plus à peiner pour joindre les deux bouts.
Tout cela aura lieu – et bien plus encore. Les «Liberté, Dignité et Justice» de notre révolution prendront tout leur sens, car elles seront vécues.
Et les choses quotidiennes retrouveront le tant espéré cours normal, à savoir des ouvriers municipaux qui lèvent régulièrement les ordures ménagères et nettoient les rues, des enseignants et des apprenants qui auront les moyens et la motivation de tendre sans complexe vers l’excellence, et l’employé de bureau tout autant que le travailleur à l’usine obtiendront le salaire juste de leurs efforts.
Tout cela aura lieu et les Tunisiens auront à cœur de le réaliser. Pour honorer la mémoire de Chokri Belaïd, Mohamed Brahmi et les autres martyrs de la Révolution. Pour donner, également, raison à ceux qui ont cru bon retirer leur mandat à Ennahdha et ses associés, CpR et Ettakatol. Pour donner raison aussi à ceux qui, en octobre et novembre derniers, ont cru que l’alternative «nidaïste» est une solution à tenter et que si celle-ci s’avère peu convaincante… nous en essaierons une autre.
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