Deux jours durant, et malgré un programme très chargé, le Tunis Investment Forum (TIF 2015) a largement tenu ses promesses en termes de réflexions et de propositions.
Par Wajdi Msaed
Qu’un haut responsable américain, sous secrétaire d’Etat, déclare que la Tunisie demeure un site attractif pour les investissements extérieurs, c’est la preuve que notre pays dispose encore de plusieurs atouts, qui encouragent les opérateurs économiques étrangers à s’y implanter et à participer, un tant soit peu, à son développement.
Cette opinion est, d’ailleurs, partagée par presque tous les participants à la 5e édition du Forum de Tunis pour l’Investissement (TIF 2015 ), qui s’est tenu, les 11 et 12 juin 2015, à Gammarth, sous le thème volontairement optimiste «Investir en Tunisie, accompagner le succès».
Relancer la croissance et l’emploi
Les participants venus de nombreux pays ont été unanimes quant à l’importance de ce rendez-vous économique qui a permis, à travers une série de plénières, panels et workshops, un débat enrichissant sur les conditions d’attraction des investissements extérieurs, un thème crucial, surtout pour un pays qui a réussi sa transition politique et qui peine à engager sa transition économique, sur la base d’un plan de développement économique et social 2016-2020.
Ce plan sera, comme l’a indiqué le chef du gouvernement Habib Essid, dans son allocution d’ouverture du forum, «le cadre d’une refonte globale du système économique et social qui doit répondre aux principes de fiabilité, d’efficacité et d’équité», en précisant que ce plan «sera basé sur la complémentarité et la cohérence entre les secteurs publics et privés, sur l’économie de solidarité, tout en tenant compte des secteurs à haute valeur ajoutée, sur des supports technologiques et numériques et sur la diversification de l’économie nationale, ce qui permettra d’élever le rythme de croissance et d’élargir les perspectives d’emploi».
Yassine Brahim, ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, a insisté, de son côté, sur l’importance de la planification pour l’avenir de la Tunisie. «Les cinq prochaines années seront un chantier de réformes et le nouveau plan insistera sur la forte participation des régions et la synergie entre les différents secteurs de l’économie».
Le débat a été l’occasion de faire l’état des lieux, de définir les objectifs, de cerner les obstacles que rencontrent les investisseurs étrangers dans le pays, de méditer sur les exemples de réussite («success stories») et sur les moyens de les multiplier. A propos de «success story», 7 entreprises étrangères opérant en Tunisie ont été distinguées lors de ce forum, qui leur a décerné des prix en reconnaissance de l’effort déployé dans la consolidation du tissu industriel tunisien. Sofrecom (filiale du groupe Orange France) en fait partie. Son président, Jean Jacques Milou, s’est félicité, dans une déclaration à Kapitalis, que son entreprise ait été la première à adhérer au programme Smart Tunisia, tout en exprimant sa satisfaction quant au niveau très élevé affiché par les compétences tunisiennes, notamment dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication. «Ce qui nous encourage à favoriser le recrutement des jeunes compétences qui sont en mesure de dynamiser le secteur», a-t-il ajouté. Et de conclure: «Nous devons participer au développement d’un business local et aider ainsi à faire de la Tunisie un prémium en off-shore».
La réaction positive
Que le thème débattu se rapporte au «développement de la société de l’intelligence et du savoir et son impact sur l’entreprise» ou à «la notion de dialogue et de partenariat chez l’investisseur étranger» ou à «l’écosystème et les énergies renouvelables» ou encore au «rôle des institutions financières internationales dans le développement de l’investissement en Tunisie», le forum a constitué une plateforme de rencontres, d’échanges de vues et de connaissances mutuelles à même d’ouvrir de nouveaux horizons de coopération et de partenariat bilatéral et/ou multilatéral, surtout que les investisseurs étrangers font confiance au site tunisien et, particulièrement, aux compétences dont il regorge.
Dans ce contexte, le chef du gouvernement n’a pas manqué de louer «la réaction positive des investisseurs étrangers avec le processus démocratique par lequel passe la Tunisie», en rappelant que le nombre des entreprises étrangères implantées dans notre pays s’élève à 3.220 qui emploient 342.000 personnes. Et M. Essid d’ajouter: «En 2014, nous avons enregistré l’entrée en fonction de 168 nouvelles entreprises, qui ont permis de créer 6.660 emplois et le premier trimestre 2015 a connu un accroissement des investissements étrangers qui ont atteint 771 millions de dinars (MD) à la fin avril (+ 38% par rapport à la même période de 2014). Ce n’est pas mal. Il y a comme un frémissement de reprise, mais c’est encore trop peu, eu égard aux besoins du pays, notamment en matière de création d’emplois.
La Fipa avec toutes ses forces
La Fipa (Agence de promotion des investissements étrangers), qui a organisé ce forum, n’a rien laissé au hasard pour assurer la bonne conduite des travaux. Ses cadres se sont distingués par la qualité de leurs interventions lors des panels, notamment pour présenter la plateforme d’assistance aux entreprises étrangères en Tunisie et l’enquête réalisée par l’agence à propos des motifs de satisfaction et des principales motivations de ces entreprises.
Plusieurs indicateurs pertinents dégagés par cette enquête doivent être analysés par la Fipa, qui n’a pas été épargnée par les critiques de certains participants. Ces derniers lui ont suggéré, par exemple, de changer de technique de marketing et de mieux présenter les atouts de la Tunisie : la position géographique privilégiée, les ressources humaines à la compétence reconnue mondialement, le cadre institutionnel et législatif favorable, surtout avec la promulgation prochaine du nouveau code d’investissement et la nouvelle loi sur le Partenariat Public-Privé, l’infrastructure technologique (technopoles), etc.
Le photovoltaïque en verve
Le volet des énergies renouvelables (éolienne et solaire en l’occurrence) a occupé une large place dans les différents axes de débat du forum, eu égard à l’importance grandissante du secteur énergétique avec la fluctuation des cours de l’énergie fossile.
La première expérience de la Tunisie dans le domaine de l’énergie photovoltaïque remonte à 1978, a précisé Salah Hannachi, universitaire et ex-diplomate, et les premiers essais de panneaux produits par de jeunes ingénieurs tunisiens ont eu lieu en 1984, mais le processus n’a malheureusement pas évolué depuis, a-t-il regretté.
Le projet de développement d’une industrie de panneaux photovoltaïques nécessite une enveloppe de 6,3 milliards d’euros, qui demeure en-dessus des capacités de l’Etat. Le recours à des investisseurs privés locaux et étrangers s’avère indispensable, a encore dit Salah Hannachi, qui a appelé la Tunisie à participer à deux manifestations internationales de grande envergure, à savoir le GAP (Global Apollo Program) qui se tiendra à Istanbul (Turquie) en novembre 2015 et qui mobilisera 150 milliards de dollars pour la réduction maximale du coût de l’énergie, et le COOP 21 qui se tendra à Paris, en décembre 2015, pour approfondir la réflexion sur l’avenir de l’énergie fossile et les moyens de réduire ses impacts nocifs sur l’environnement.
Rappelons, à ce propos, que l’organisation Greenpeace a applaudi le consensus dégagé, lors du dernier sommet du G7, la semaine dernière, en Allemagne, qui a prêté toute l’attention requise aux problèmes environnementaux et décidé de mobilise le montant de 100 milliards de dollars pour des recherches visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre à partir des énergies fossiles. «La technologie propre constitue le futur de l’investissement dans tous les coins du monde», a lancé un expert, fervent défenseur de l’économie verte.
Des anomalies à rectifier
Au fil des débats, l’assistance n’a pas manqué de relever nombre d’anomalies et de défaillances dans le système tunisien d’attraction de l’investissement étranger. La Tunisie a un énorme intérêt à améliorer la gouvernance, à harmoniser ses procédures administratives, financières, douanières et autres, à réviser la mesure d’imposition de 10% sur les sociétés off-shore prévue dans le projet de code d’investissement.
Les participants ont déploré, par ailleurs, l‘insuffisance de zones logistiques et l’absence de lignes de crédits accordées par les banques tunisiennes aux investisseurs étrangers. Ils ont appelé à repenser la communication autour du site Tunisie vers un plus grand ciblage.
«Les Italiens, qui sont à 45 mn de vol de la Tunis, ne connaissent pas vraiment le système tunisien d’investissement et le site Tunisie reste encore peu compétitif dans le bassin méditerranéen», a lancé un panéliste, pour souligner ce qui reste encore à faire pour transformer la Tunisie en un gigantesque atelier au sud de la Méditerranée.
Un autre panéliste a souligné la nécessité de mettre en place une institution qui s’occupe du dossier de l’investissement étranger d’un bout à l’autre de la chaîne, une sorte d’Agence nationale de l’investissement, qui s’érige en interlocuteur unique pour tous les partenaires étrangers et à toutes les phases de leur implantation, sachant que la mission de la Fipa s’arrête à l’arrivée de l’investisseur.
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