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Le pétrole en Tunisie: Les bonnes questions et les bonnes réponses

La Tunisie est-elle riche en hydrocarbures? Dans le brouhaha de la polémique soulevée à ce sujet, il est temps de poser les bonnes questions et d’y répondre.  

Par Chokri Oueslati

Depuis quelques semaines, l’opinion publique en Tunisie est secouée par une campagne sur le thème «Où es le pétrole?», lancée par des activistes politiques qui reprochent au gouvernement le manque de transparence à propos des contrats d’exploration et d’exploitation pétrolières.

Les animateurs de la campagne affirment que le pays est riche en hydrocarbures et que des lobbies malintentionnés dominent le secteur et en tirent les plus gros bénéfices, sans se soucier des classes défavorisées, notamment celles du sud tunisien. Ce a valu à ces activistes une avalanche d’insultes, de moqueries et d’invectives de la part d’une grande partie du peuple tunisien : journalistes, responsables politiques et simples citoyens.

Les professionnels du secteur, quant à eux, se sont contentés d’apporter des explications générales, ambiguës et sans rapport avec la réalité scientifique.

Dans ce brouhaha, n’est-il pas temps de poser les bonnes questions et d’apporter les bonnes réponses?

Des réserves sous réserve

La Tunisie est-elle riche en hydrocarbures?

Cela a été confirmé par un rapport de l’‘US Geological Survey’’ datant de 2012 et qui présente très clairement les réserves non découvertes et les régions du globe à haut potentiel pétrolier et gazier.
Le rapport présente la Tunisie comme étant située sur un gigantesque bassin sédimentaire, le même qui couvre l’Algérie et la Libye.

Les réserves tunisiennes sont-elles exploitables?

Elles le sont, mais pas suffisamment. Car elles sont encore des réserves possibles et non prouvées, du moins pour le moment, car des conditions économiques, contractuelles et environnementales doivent être réunies pour que le gisement soit exploitable.

Est-ce que des lobbies dominent les contrats d’exploration et d’exploitation et engrangent les bénéfices avec la complicité de l’Etat?

Ceci est invraisemblable et reste à prouver.

La transparence sur les contrats énergétiques est-elle possible?

Elle l’est, à condition d’être encadrée par des associations crédibles et compétentes.
Qu’est-ce qu’une réserve prouvée? Quels sont les types de réserves? Comment réunir les conditions d’exploitation?

Qu’est-ce qu’une estimation de réserves?

Selon la Society of Petroleum Engineers (Etats-Unis), les réserves de pétrole sont celles estimées récupérables dans les années à venir selon les conditions économiques existantes à partir des champs connus.

Cette définition se compose de 3 éléments:

1- les quantités de pétrole sont estimées récupérables, quand elles permettent de réaliser un profit. En d’autres termes: l’exploitant ne doit pas enregistrer des pertes en produisant du pétrole à partir d’un champ donné;

2- le pétrole doit provenir d’un champ connu et aux réserves prouvées;

3- le facteur temps : l’exploitation d’un champ peut exiger plusieurs années, car il faut le développer, forer l’ensemble des puits nécessaires à la production et avoir une idée de la date à laquelle la production pourra commencer. C’est pourquoi les compagnies pétrolières, qui découvrent un champ et en annoncent les réserves, ajoutent qu’il pourrait entrer en production à telle date ou telle date, qui ne sera d’ailleurs pas forcément respectée.

En se basant sur cette définition, on comprend que les estimations de réserves se font avec incertitude car nous ne connaissons pas la quantité de pétrole présente dans le sous-sol et il n’existe pas de moyens pour mesurer de manière précise le volume des réserves.

Reserves-petrolieres

Cartes des réserves de pétrole dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord établie par l’‘US Geological Survey’’

Réserves prouvées, probables ou possibles

Plusieurs catégories de réserves existent en fonction du degré d’incertitude. Il y a les réserves prouvées et celles probables. Dans cette deuxième catégorie, on distingue les réserves probables et possibles. Ce sont là des expressions courantes.

Quand on parle de réserves prouvées, parfois appelées P90, cela présuppose que les volumes de pétrole, après analyse des données géologiques et d’ingénierie, peuvent êtres estimées avec une certitude raisonnable, être récupérables à une probabilité minimale de 90% et produites à une quantité économiquement viable à partir d’un champ connu, selon des conditions économiques et contractuelles d’installation et d’exploitation.

Ces trois points sont d’autant plus importants que les conditions économiques, les installations et les règlements peuvent changer.

En cas de changement de règlement, un volume que l’on pensait pouvoir produire pourrait devenir impossible, car incompatible avec le règlement imposé par l’exploitant.

Il y a aussi les conditions économiques imposées par la volatilité des prix. Si les prix montent, des réserves qui n’étaient pas considérées comme prouvées et économiquement viables pourraient devenir viables et, par la même, prouvées. Mais quand les prix baissent, il est possible qu’il se passe le contraire.

Quand on parle de réserves prouvées, il faut distinguer entre champs développés et les champs non développés. Car pour pouvoir produire à partir d’un champ, il faut d’abord le développer, forer tous les puits de production, mettre en place les installations nécessaires à la production et installer les oléoducs pour le transport du pétrole.

Cet investissement dans le développement d’un champ, qui est souvent important, peut ou non avoir déjà été réalisé. Si l’investissement a déjà été réalisé, on parle de champ développé et de réserves prouvées développées. Dans le cas contraire, on parle de réserves prouvées non développées.

On parle aussi de réserves probables, basées sur les données géologiques et/ou d’ingénierie, mais dont, pour une raison ou pour une autre, nous ne sommes pas certains. Quand nous n’avons pas le même niveau de certitude que nous pouvons produire à partir de ces réserves, celles-ci ne sont pas considérées comme prouvées, mais comme «probables».

Cette catégorie de réserves probables se divise encore en deux. Nous parlerons alors de réserves probables ou possibles, la différence se faisant au niveau du degré de probabilité.

Quand on parle de réserves probables, communément appelé P50, cela correspond à des réserves ayant au moins 50% de probabilité d’être produites et récupérées, dans les années à venir, à partir de réserves connues. La seconde catégorie, appelée P10, offre moins de 50% de probabilité de production, mais plus de 10%. Quand les réserves offrent moins que 10% de probabilité de production, elles ne sont même plus qualifiées de possibles.

Par conséquent, nous avons au moins 10% de chance de produire du pétrole aux conditions économiques, techniques et contractuelles actuelles à partir d’un puits connu.

Il existe aussi, par ailleurs, le concept d’augmentation de réserves. En fait, celles-ci n’augmentent pas; elles sont toujours les mêmes, mais leurs estimations peuvent changer.

Ce changement peut arriver car en produisant à partir d’un champ connu, on apprend à mieux le connaitre au fur et à mesure de la production. On évalue mieux ses caractéristiques physiques et hydrauliques. En général, l’estimation est revue à la hausse et ce phénomène est appelé «augmentation des réserves».

Lorsque nous parlons de ressources initiales, nous désignons la quantité de pétrole initialement présente dans l’écorce terrestre, dans les réservoirs. Une partie a déjà été mise en production; nous parlons de ressources produites, qui correspondent à la quantité de pétrole initialement présente et que nous avons déjà utilisée.

En général, nous pouvons extraire et produire commercialement, avec une probabilité de 90%, 50% ou 10%, une partie des réserves initiales, qui alors classées comme prouvées, probables et possibles.

Les ressources dites spéculatives

Il existe également certaines ressources potentielles qui restent peut être encore à découvrir, ce sont les ressources dites spéculatives. Nous croyons à leur existence car nous connaissons les bassins sédimentaires.

Nous avons des informations sur elles; nous pouvons ainsi établir des parallèles, comparer les bassins parfois grâce à un tout petit nombre de puits forés car nous savons qu’un bassin est semblable à un autre précédemment exploité. Nous pouvons donc nous attendre à trouver du pétrole dans les mêmes quantités que pour le premier.

Ceci est caractéristique de la relation entre l’Afrique de l’Ouest et le Brésil car, dans le passé, ces deux continents étaient soudés. Lorsqu’on a découvert des gisements de pétrole offshore au Brésil, entreprises, experts et géologues en sont arrivés à la conclusion que la même chose devrait exister en Afrique de l’Ouest et, sans surprise, des découvertes ont suivi. Mais avant les découvertes, tout ceci n’était que spéculation.

L’Arctique est, aujourd’hui, un exemple de la spéculation. Nous croyons que le sous-sol arctique referme beaucoup de pétrole mais jusqu’à maintenant les quelques puits creusés ont donné peu de résultat. Nos connaissances concernant ce bassin restent rudimentaires et il nous faudra attendre encore longtemps avant de pouvoir parler d’estimations raisonnables. Sans même parler de réserves prouvées, mais tout au moins possibles ou de bonnes estimations.

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