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La Tunisie face au chantier des réformes économiques

Economie-tunisienne

Pour la Banque Mondiale, la Tunisie a intérêt à lancer des réformes structurelles pour jeter les bases d’une économie dynamique et inclusive.

«Les cinq prochaines années offrent des opportunités sans précédent à la Tunisie, qui peut prendre un tournant historique et capitaliser sur ses atouts et son potentiel, en mettant en oeuvre des réformes durables», souligne le document «Diagnostic Pays Systématique» (DPS), devant informer la stratégie d’appui du Groupe Banque Mondiale à l’économie tunisienne pour la période 2016-2020.

Un draft de ce document, en cours de finalisation, a été présenté, début juin, pour consultation, à la commission des finances de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), à la société civile, aux universitaires et au secteur privé.
Faire rimer croissance et progrès social

Pour les experts de la BM, la Tunisie peut, aujourd’hui, passer à la vitesse supérieure et mettre en oeuvre une nouvelle génération de réformes, y compris des changements profonds et vitaux, et ce, après la mise en chantier, à la suite de la transition démocratique, de nombreuses réformes novatrices.

Ces changements vont de la réforme des structures économiques à une nouvelle vision globale de la gouvernance socioéconomique et politique.

La réussite de ce programme de réformes dépendra, pour l’institution mondiale, de la capacité des acteurs politiques et sociaux de la Tunisie à travailler en combinant un niveau adéquat de consultation et de participation et une mise en oeuvre ferme, qui réduira le décalage entre l’adoption des réformes et les résultats sur le terrain.

Le diagnostic préconise le renforcement du lien entre la croissance et le progrès social, notamment par la création de plus d’emplois de meilleure qualité, et cela déterminera la mesure dans laquelle la Tunisie pourra prendre un chemin de développement plus solide, durable et inclusif.

De nouvelles réformes institutionnelles seront également nécessaires, en particulier dans le secteur public, afin de mieux servir le programme de transformation économique et d’inclusion sociale.

Des politiques de relance

Selon la BM, la Tunisie reste vulnérable aux chocs, la baisse de la croissance et les déséquilibres extérieurs plus importants remettant en cause la soutenabilité macro-économique et fiscale. «Au cours des trois années qui ont suivi la révolution, la Tunisie a laissé ses mécanismes de protection contre les chocs se détériorer. L’espace macro-économique nécessaire à des politiques de relance a désormais disparu. Si la dette publique et la dette extérieure restent encore acceptables au vu des normes internationales, elles risquent fortement de devenir insoutenables si des réformes ne sont pas mises en oeuvre».

Les spécialistes de la BM rappellent dans ce cadre que depuis la révolution, les politiques budgétaires expansionnistes ont entraîné une croissance du déficit budgétaire et de la dette publique, entre 2010 et 2013. Le déficit budgétaire est ainsi passé de 1% à 6,2 % du PIB, et la dette publique de 40,7% à 44,8%.

«Bien que cette augmentation se situe dans une fourchette acceptable, la dette publique pourrait atteindre 56% du PIB en 2017, avant de décliner lentement à moyen terme. Ce scénario de base se fonde sur l’hypothèse d’un assainissement budgétaire et d’une reprise de la croissance, en 2015, mais en l’absence de réformes d’assainissement budgétaire, la dette publique risquerait d’atteindre un record de 62% du PIB, en 2019, tandis que le choc causé par une croissance négative permanente creuserait la dette publique à environ 67 % du PIB en 2019».

Cependant avec une intensification de l’assainissement des finances publiques à moyen terme, le déficit devrait progressivement chuter de 6,5 % du PIB, en 2014, à 3,2 %, en 2019.

Ce DPS identifie certains domaines clés porteurs d’opportunités, qui pourraient aider à orienter les futures politiques de développement du pays, et ce, via des actions réformatrices.

Les réformes devront exploiter les capacités sous-jacentes du pays et réaligner les mesures incitatives afin de favoriser une croissance soutenue et inclusive.

Une croissance stimulée par le secteur privé

Dans ce contexte, ce diagnostic identifie la promotion de la croissance stimulée par le secteur privé et le renforcement de l’égalité des chances comme les deux principaux moteurs du changement pour lesquels de nouvelles initiatives politiques sont recommandées.

La BM recommande la mise en place d’un cadre macro-économique sain et la restauration de la durabilité macro-économique et fiscale pour stimuler la croissance économique et modèle économique réellement inclusif.

Parmi les mesures à engager pour préserver la soutenabilité de la dette et garantir la stabilité macro-économique et du secteur financier, l’institution mondiale préconise «la consolidation des subventions aux entreprises publiques, le renforcement de leur gouvernance et la maîtrise de l’augmentation des dépenses salariales dans le secteur public». «Il s’agit, en outre, de la rationalisation des subventions à la consommation et des programmes d’assistance sociale, de manière à rééquilibrer la composition des dépenses en faveur d’investissements productifs stimulant la croissance et des services sociaux essentiels, particulièrement dans les régions défavorisées».

Améliorer le climat des affaires

Au sujet de la réforme de l’environnement des affaires, la BM recommande «la suppression des barrières à l’entrée et à la concurrence qui permettrait d’améliorer significativement la performance de l’économie tunisienne et de stimuler la capacité des entreprises productives à croître et à créer des emplois de bonne qualité».

La suppression des entraves à la compétition sur le marché devrait commencer par les secteurs des services d’épine dorsale, dits «backbone», essentiels (autrefois les plus préservés de la concurrence) et les secteurs à fort potentiel de création d’emplois, notamment le commerce et les télécommunications, afin de multiplier considérablement les investissements dans ces secteurs.

La BM prône l’ouverture d’un dialogue public-privé pour accompagner des réformes réglementaires plus poussées.
Toutefois, bon nombre de régulations et de pratiques qui engendrent des rentes par abus de marché existent toujours et de nombreuses entreprises continuent d’en bénéficier. «Une simplification draconienne de l’ensemble des réglementations entravant l’activité du secteur privé, ainsi qu’une limitation du pouvoir discrétionnaire dans leur mise en œuvre, sont indispensables pour l’instauration d’une croissance stimulée par le secteur privé», note le document.

Une stratégie nationale du secteur financier

Il importe pour les experts de la BM d’élaborer et mettre en œuvre une stratégie nationale pour le secteur financier, en vue d’accroître les opportunités économiques, vu que l’accès aux services financiers est crucial, tant pour les ménages que pour les entreprises.

«L’objectif est de catalyser le développement du secteur privé, améliorer l’accès aux services essentiels et multiplier les opportunités économiques pour les plus vulnérables. Il s’agit de renforcer l’accès des entreprises au crédit, notamment des entreprises sans antécédents de crédit et avec des garanties limitées (principalement des MPME et des start-ups) et en créant de nouvelles sources de financement».

Au niveau des ménages, une plus grande inclusion financière (par l’accès aux services financiers formels et leur utilisation, tels que les comptes, les financements destinés à la consommation et au logement, l’assurance) est cruciale pour favoriser l’accès aux services essentiels (logement, éducation, etc.), stimuler la génération de revenus et l’emploi, mais aussi aider à gérer les chocs économiques.

«L’amélioration de la gouvernance, du cadre institutionnel et réglementaire permettra de redynamiser l’investissement et de favoriser une fourniture de services plus viable, réduisant de ce fait une inégalité persistante dans l’accès et la qualité des services dans toutes les régions», souligne le DPS, qui souligne, en conclusion, que «l’assainissement fiscal nécessitera une action continue en termes de discipline de la masse salariale dans le secteur public, la poursuite de l’élimination des subventions, la restructuration du secteur des entreprises publiques et du système de retraite du secteur public».

Source : Tap.

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