Le gouvernement tunisien est en train d’apporter les dernières touches au cadre règlementaire de la finance islamique, qui tarde à démarrer.
Par Marwan Chahla
La finance islamique – qui se fonde notamment sur le principe de l’interdiction de l’intérêt bancaire – représente actuellement la maigre portion de 2,5% des activités bancaires et financières tunisiennes. Il y a cinq ans, sous l’ancien régime, elle était très loin de figurer sur la liste des priorités des autorités tunisiennes. Mais, au lendemain de la révolution de 2011, les gouvernements successifs se sont attelés à la tâche de rattraper le temps perdu et de donner des chances entières à ce mode de transactions et d’opérations financières.
Accès au financement des pays du Golfe
La finance islamique est désormais perçue comme un nouveau moyen pour la Tunisie d’avoir accès aux riches sources de d’investissements des pays du Golfe où les financements et capitaux sont conformes à la loi islamique, la charia.
Avec les encouragements des institutions de réglementation, la Banque Zitouna, le premier établissement prêteur islamique en Tunisie, qui a été fondé par le gendre du dictateur déchu, a établi un plan de développement selon lequel une centaine de ses agences seront opérationnelles à travers tout le pays dans les 5 années à venir.
La société El Wifack Leasing, pour sa part, entend devenir la 3e banque islamique tunisienne à part entière, avant la fin du mois d’août.
Selon Amel Azzouz, la secrétaire d’Etat chargée de la Coopération internationale, le gouvernement tunisien pourrait émettre ses premiers «sukuks» (emprunts obligataires) souverains au courant de l’année actuelle et il œuvre assidument à la préparation du cadre légal dont le secteur de la finance islamique a besoin.
«Tout est fin prêt. Il ne reste plus que quelques détails minimes et le mécanisme régulateur dédié entièrement à la finance islamique sera définitivement finalisé», a déclaré Mme Azzouz, lors de la réunion annuelle du Groupe de la Banque islamique de développement (BID), basée à Djeddah. Mme Azzouz ajoute également que la BID soutient la création en Tunisie d’une institution de micro-finance islamique.
Les entreprises s’engouffrent dans la brèche
Mohamed Frad, membre du conseil d’administration de Best Lease, une entreprise de crédit-bail commercial, a confirmé à l’agence Reuters que les règles régissant l’émission de «sukuks» par les entreprises de crédit sont attendues dans les tout prochains mois. M. Frad, qui est également directeur général à la United Gulf Financial Services-North Africa (UGFS-NA), une société tunisienne qui offre des services de financement d’entreprises, a confié que la première émission de «sukuks» pourrait rapporter à Best Leasing pas moins de 30 millions de dinars tunisiens (MDT), nécessaires à son développement.
M. Frad explique qu’il y a tout lieu d’être optimiste sur l’avenir de la finance islamique en Tunisie. «Les choses sont faciles. La loi existe et il suffit tout simplement de s’entendre sur les modalités de son application», déclare-t-il, ajoutant que l’agrégat des premières émissions de «sukuks» pourrait atteindre entre 100 et 150 MDT.
Nombre d’analystes estiment qu’outre Best Lease, Zitouna Bank et El Wifack Leasing, des sociétés nationales (Steg, Sonede et Tunisair) pourraient se laisser tenter par cette aventure de l’émission obligataire islamique.
La branche tunisienne du groupe bahreïni Al Baraka Banking (ABG) a étendu ses opérations depuis son acquisition du titre de banque résidente, fin 2013: elle offre une gamme complète de services bancaires de gros et une variété de produits de financement, y compris les «sukuks».
Adnane Ahmed Youssef, président exécutif d’ABG, a déclaré à Reuters que «l’initiative prise par Best Lease d’émettre des sukuks est une très bonne idée. Cette démarche nous intéresse à plus d’un titre. Nous y pensons très sérieusement.»
Depuis l’année dernière, Al Baraka-Tunisia a lancé sur le marché tunisien 6 produits financiers islamiques, notamment le crédit achat-voiture et l’épargne-hajj. Cette année, à l’occasion de la rentrée universitaire 2015-2016, Al Baraka compte offrir à ses jeunes clients le produit financement-études.
Au consommateur tunisien, donc, de comparer et de choisir ce qui lui convient: c’est à lui que profiteront, principalement, la diversité et la concurrence des offres bancaires.
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