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‘‘EcoWeek’’ : L’économie tunisienne prise en otage par l’UGTT

Gouvernement-UGTT

L’accord sur les hausses salariales, conclu entre le gouvernement et l’UGTT, est un «marché de dupes», ruineux pour l’économie tunisienne, estime ‘‘EcoWeek’’.

Par Imed Bahri

Le bulletin électronique hebdomadaire publié par Tema, un think Tank fondé et dirigé par l’économiste Hachemi Alaya, indique, dans son n° 33 (lundi 23 septembre 2015), que l’accord conclu, cette semaine, entre le gouvernement Habib Essid, et l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), «est néfaste pour l’économie tunisienne, ruineux pour les finances de l’Etat et impropre à garantir la paix sociale à laquelle aspire le gouvernement pour entamer son programme de réformes».

Le gouvernement bat en retraite

‘‘EcoWeek’’ déplore que les dirigeants de la puissante centrale syndicale soient devenus «les maîtres-arbitres de la politique économique tunisienne» et que le gouvernement continue de «battre en retraite face aux revendications corporatistes au prix d’une politique budgétaire insoutenable», se plaçant ainsi définitivement «dans une situation de dépendance vis-à-vis du pouvoir syndical conduisant à une situation d’inversion de la tutelle.»

Tout en rappelant l’avertissement lancé par la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, lors de sa visite à Tunis, à propos de l’alourdissement de la charge salariale de l’administration publique sur les finances de l’Etat, ‘‘EcoWeek’’ rappelle certains chiffres inquiétants: «la masse des salaires versés aux fonctionnaires de l’Etat a atteint au terme du premier semestre de l’année, 13,7%; celle prévue par la loi de finances complémentaire atteindra 14,0% en fin d’année. «Dans ce domaine, la Tunisie fait nettement mieux que des pays réputés pour la lourdeur de leur machine administrative tels que la France ou la Grèce mais reste en-deçà des records établis par le Danemark et la Finlande», rappelle ‘‘EcoWeek’’.

Pouvoir de nuisance de l’UGTT

Le bulletin de veille économique estime que les augmentations salariales arrachées par l’UGTT, «une organisation dont la représentativité est inversement proportionnelle à son pouvoir de nuisance», en contrepartie d’une promesse de préserver la paix sociale d’ici 2017, est une «victoire à la Pyrrhus». Et tout en émettant des réserves sur ce «marché de dupes», il se demande «si le gouvernement, qui avait à choisir entre la stabilisation macroéconomique et la paix sociale, ne risque pas en fin de compte de récolter le discrédit consécutif à l’aggravation de la crise économique et la guerre d’usure avec les syndicats.»

L’accord entre le gouvernement et l’UGTT, qui procède d’un «calcul politicien à courte vue», pourrait «aboutir à brève échéance à la précarité et à la détérioration du pouvoir d’achat de ceux qu’elle est censée protéger», estime encore ‘‘EcoWeek’’, car la hausse salariale, dans le contexte d’une économie en récession et de l’érosion du dinar, «risque d’avoir deux effets néfastes : d’une part, elle va contribuer à aggraver l’inflation et compromettre les efforts déployés par la politique monétaire pour l’endiguer; d’autre part et surtout, elle discrédite sérieusement la relance de l’investissement public et rend très difficile une inversion de la courbe du chômage.»

Habib-Essid-Houcine-Abassi

Accord gouvernement-UGTT: «un marché de dupes».

En d’autres termes, les augmentations salariales arrachées dans le secteur public et celles qui, par contagion, ne tarderont pas à intervenir dans le secteur privé, «vont avoir pour résultat final un approfondissement de la crise économique, une dégradation des services publics, un appauvrissement du Tunisien et une détérioration de sa qualité de vie», sans qu’aucune trêve sociale ne soit sérieusement envisageable.

Cette trêve est pourtant nécessaire pour la mise en route des réformes urgentes – et jusque-là reportées – des secteurs bancaire, fiscal, douanier, éducatif, énergétique, minier et autres, rappelle ‘‘EcoWeek’’, réformes auxquelles l’UGTT, de par son idéologie, qui perçoit toute réforme comme «un cadeau fait aux hommes d’affaires et aux riches», ne manquera pas de s’opposer.

Doit-on encadrer strictement le droit de grève?

Que faire pour éviter ce scénario-catastrophe ? Citant l’exemple de la Grande-Bretagne, qui est en voie de se doter d’une loi visant à encadrer strictement le droit de grève et à rendre les arrêts de travail difficiles à mettre en œuvre, ‘‘EcoWeek’’ estime que le gouvernement doit «organiser et réglementer le contre-pouvoir syndical.»

«La jeune démocratie tunisienne ne peut souffrir de laisser les représentants des salariés (en fait d’un salarié tunisien sur cinq) imposer leur volonté à un gouvernement qui jouit de la légitimité du peuple. Elle ne peut concéder au pouvoir syndical les moyens d’action susceptibles de lui permettre d’influer sur les choix stratégiques qui engagent l’avenir de la nation sans les encadrer strictement. Elle ne peut tolérer que des salariés qui bénéficient de la garantie d’emploi à vie, d’une durée de vie active parmi les plus courtes au monde et d’une pension de retraite quasiment équivalente à leur revenu de fin de carrière professionnelle, prendre en otage l’avenir du pays», conclue le bulletin économique du think-tank Tema.

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