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Un mal tunisien : La formation contre l’emploi

Formation

L’inadéquation entre le système de formation et les besoins du marché de l’emploi est la principale cause du chômage des diplômés en Tunisie.

Par Wajdi Msaed

L’inadéquation entre le système de formation et les besoins de l’appareil de production a été le fil conducteur de toutes les interventions au séminaire organisé, le mardi 20 octobre 2015, par le Centre de jeunes dirigeants (CJD), en collaboration avec la Chambre tuniso-allemande de l’industrie et du commerce (AHK) et la fondation Konrad Adenauer Stiftung, en présence de Annegret Kramp-Karrenbauer, Première ministre de la Sarre.

Le capital humain est, on le sait, la principale ressource de la Tunisie, dont la population, relativement jeune et éduquée, est un important vecteur de croissance et de développement. Mais, pour être opérationnelle et productive, cette population a besoin d’un encadrement éducatif et professionnel de meilleure qualité, surtout avec la prolifération du nombre de chômeurs, environ 600.000 (15,2% de la population active), dont le tiers sont des diplômés de l’enseignement supérieur.

Manque de profils appropriés

Malgré tous les efforts consentis par l’Etat tunisien pour développer l’éducation avec ses trois volets (primaire, secondaire et universitaire), une lacune a toujours entaché ce secteur qui n’a pas réussi à être compatible avec les besoins de l’appareil économique. D’où la nécessité de le réformer, dans le sens d’une meilleure adéquation entre éducation, formation et emploi.

Tarek Ben Salem, président du CJD Tunis, a insisté sur l’inadéquation entre les besoins de l’entreprise et la qualité de la formation des jeunes diplômés, qui constitue un handicap majeur pour l’économie tunisienne. «Nous voulons débattre de cette problématique, afin de proposer des solutions alternatives permettant de rapprocher l’offre et la demande sur le marché de l’emploi», a-t-il précisé. Et d’ajouter : «Il s’agit de définir des solutions pratiques pour améliorer la compétence, générer la qualité et promouvoir l’innovation auprès d’une nouvelle génération de cadres et de promoteurs, capables de relancer l’économie tunisienne».

L’importance que revêt le secteur de la formation en général et de la formation professionnelle en particulier a donc été au cœur du débat.

Pour Hardy Ostry, représentant résident de la Konradd-Adenauer-Stiftung en Tunisie, la formation est d’une importance telle qu’elle «assure l’intégration des femmes et des hommes en leur accordant l’emploi garant de leur dignité».

Martin Henkelmann, directeur général de l’AHK Tunisie, a rappelé, de son côté, que 55% des Allemands sont diplômés de la formation professionnelle et que les diplômés des universités ne dépassent pas 20% de la population globale. La formation professionnelle et surtout la formation par alternance jouent ainsi un rôle prépondérant dans la réduction du chômage en Allemagne, locomotive économique de l’Europe. Et M. Henkelmann, qui connait bien la situation en Tunisie, grâce à ses déplacements réguliers dans plusieurs régions tunisiennes, de déplorer les ratés de la politique de formation professionnelle dans notre pays et dont témoignent les offres d’emploi qui ne trouvent pas les profils professionnels appropriés.

La formation à l’international

Annegret Kramp-Karrenbauer, la première ministre de la Sarre, a insisté, elle aussi, sur l’importance de la formation professionnelle dans le développement d’une économie. «L’économie allemande, qui est essentiellement portée par l’industrie, a besoin de main d’œuvre qualifiée, et elle tire sa force de l’importance qu’elle accorde à la formation professionnelle qui facilite l’emploi, évite l’exode et fixe les jeunes dans leurs régions», a-t-elle expliqué.

Considérant que la Tunisie peut jouer le rôle de pont entre l’Europe et l’Afrique, la première ministre a estimé que notre pays doit profiter de cette position stratégique pour renforcer sa coopération avec l’Europe. Elle doit, surtout, eu égard à ses besoins actuels en matière d’emploi, intégrer ses jeunes dans le système européen de formation professionnelle et leur ouvrir ainsi les portes de l’emploi en Europe. Forts d’une formation de qualité, ces derniers seront, une fois revenus au pays, mieux outillés pour donner une valeur ajoutée aux postes qu’ils occuperont ou pour créer des entreprises. Aussi, «le projet de création d’une université tuniso-allemande revêt-il une certaine urgence et nécessite-t-il une réflexion approfondie», a conclu Mme Kramp-Karrenbauer.

«L’Allemagne est pour nous une source d’inspiration», a admis le ministre de la Formation et de l’Emploi, Zied Ladhari, tout en soulignant l’urgence des réformes à mettre en route en vue de garantir une meilleure adéquation entre formation et emploi et doter ainsi les jeunes diplômés de la compétence et du savoir-faire nécessaires à leur intégration professionnelle.

Déplorant l’inflation des diplômes dans notre pays, où, paradoxalement, plus on est diplômé moins on a une chance de trouver un emploi, le ministre a appelé à un nouveau modèle de développement où l’Etat cessera d’être le principal employeur et où le secteur privé jouera un rôle primordial à cet égard. Le Plan de développement 2016-2020 est, d’ailleurs, orienté vers cet objectif, a-t-il signalé dans ce contexte.

Analphabètes trilingues

Les travaux du séminaire ont ainsi porté sur le rôle des entreprises privées et des structures d’appui dans le rapprochement entre l’offre et la demande sur le marché de l’emploi et on a eu droit à plusieurs témoignages sur des expériences réussies dans ce domaine. Mais plusieurs intervenants ont relevé aussi les carences structurelles qui empêchent la Tunisie d’atteindre cet objectif.

Le directeur l’Université virtuelle, qui assure la formation continue et à distance, a insisté sur la nécessité d’améliorer la gouvernance des établissements universitaires, qui sont gérés de manière archaïque, ne répondant pas aux exigences de flexibilité, d’adaptabilité et d’efficience.

Le 2e exemple présenté est celui de l’université privée Esprit, spécialisée dans la formation d’ingénieurs, qui compte 5000 étudiants et 250 enseignants permanents, assurant 40 heures de cours par semaine. Cet établissement est certifié par 3 organes internationaux et ses diplômés ne sont pas des «analphabètes trilingues», comme on dit de certains diplômés du supérieur dont les diplômes sont inadaptés aux besoins du marché de l’emploi. Pour preuve : ils sont, la plupart du temps, recrutés dès la fin de leur cursus et 40% à l’international. Secret de cette réussite: la qualité de l’enseignement, bien sûr, mais aussi la proximité avec le monde de l’entreprise. «C’est l’entreprise qui nous passe commande», précise son directeur, sans ironie aucune.

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