Si le gouvernement veut lutter efficacement contre la toxicomanie, il doit déclarer la guerre aux trafiquants et cesser de harceler les consommateurs.
Par Farhat Othman
Il existe à Sfax le seul centre de lutte contre la toxicomanie et de désintoxication en Tunisie et au Maghreb. Il existait devons-nous dire, car il a décidé de fermer ses portes le 26 janvier 2016, comme l’annonce son directeur exécutif, Zied Missaoui, sur la page Facebook du centre.*
Cautère sur jambe de bois
Créé en 2007, situé à Thyna, ce centre d’aide, d’écoute et de prise en charge des usages de drogues n’a jamais eu réellement les faveurs des autorités, ne recevant qu’avec parcimonie l’aide que sa mission imposait.
Or, l’intérêt de son existence et sa pérennité ne sont plus à démontrer au moment même où toutes les études sérieuses traitant de toxicomanie insistent sur l’impératif de dépénaliser totalement la consommation des drogues douces et de privilégier la prévention et la désintoxication.
On peut ainsi se référer utilement à ce sujet au dernier rapport exhaustif sur la question de la Commission de l’ONU chargée de la question.**
Toutefois, malgré les preuves accablantes, le gouvernement ne semble pas convaincu sur l’inanité, sinon la gravité, de sa politique répressive, continuant à réagir en la matière par dogmatisme, refusant d’user de la seule arme efficace qui soit, qui est la dépénalisation des drogues douces, et ce au nom d’un prétexte fallacieux moral et religieux.
En effet, son projet en cours d’examen ne dépénalise pas la consommation du cannabis, car il se limite à ne réserver de traitement compréhensif et préventif qu’à la première fois; or, il est avéré qu’il n’est que rarement de première fois en matière de toxicomanie.
Aussi, limiter le dispositif envisagé dans la loi traitant de prévention aux primo-consommateurs, c’est condamner à l’échec la politique gouvernementale de lutte contre la toxicomanie, la limitant à n’être qu’un cautère sur une jambe de bois.
Dépénaliser les drogues douces
Si le gouvernement se veut être crédible et efficace dans sa volonté de lutter contre les ravages de la toxicomanie dans le pays, il faut impérativement déclarer la guerre aux trafiquants et cesser immédiatement de harceler leurs victimes qui sont pour la plupart des jeunes dont on ruine l’avenir, en faisant de surcroît des délinquants à la suite de leur emprisonnement. La prison n’est-elle pas une fabrique idéale de la délinquance?
Ce qu’il faut donc, c’est dépénaliser totalement la consommation, et ce de façon absolue; car le cadre de liberté est seul en mesure d’ôter l’effet d’attraction de l’interdit. De la sorte, il pourra se concentrer plus efficacement sur les organisations maffieuses du trafic. Le gouvernement le veut-il vraiment? Le peut-il surtout avec les intégristes religieux de la coalition au pouvoir et ses faux libéraux?
Ce qu’il faut également et de toute urgence, c’est commencer par empêcher la fermeture du centre de Sfax et, quitte à l’intégrer dans le secteur public, renforcer ses activités et ses initiatives salutaires par le soutien public qui s’impose pour une cause nationale.
Les autorités sanitaires du pays ne peuvent se soustraire au soutien effectif que nécessité la mission éminente du centre de désintoxication de Thyna, reconnaissant ainsi son absolue nécessité, son incontournable utilité.
Ce n’est pas seulement une question de santé et de salubrité publiques; elle est aussi une question de responsabilité politique tout autant qu’un impératif éthique. Il y va de la santé de notre jeunesse de plus en plus gangrénée par un mal qui se nourrit du dogmatisme de certains politiciens et de l’intégrisme d’autres et de la courte vue de tous.
Notes:
* Page Facebook du centre de Thyna.
** Rapport de septembre 2014 de la Commission globale en matière de drogues de l’ONU.
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