Si elle parvenait à mettre fin à l’évasion fiscale estimée 12,4 milliards de dinars par an (+40% du budget de l’Etat), la Tunisie n’aurait plus besoin d’emprunts extérieurs.
Par Ezzeddine Ben Hamida*
On parle beaucoup en ce moment de l’économie informelle ou, plus précisément, de la contrebande, sans définir pour autant les vrais contours de cette pratique destructrice de l’économie nationale. Pour la clarté du sujet, il convient donc de commencer par déterminer les différentes formes de cette économie informelle, qui sont au nombre de quatre :
– des Tunisiens ou des non-Tunisiens en situation irrégulière (clandestins) travaillent dans des entreprises non déclarées (clandestines) : il s’agit ici d’une forme de banditisme;
– des clandestins ou des Tunisiens qui travaillent sans déclaration dans des entreprises déclarées;
– des heures supplémentaires non déclarées dans des entreprises déclarées ;
– une part de la production non déclarée produite par des entreprises déclarées.
L’économie informelle cause à l’Etat tunisien, chaque année, un manque de recettes fiscales et de cotisations sociales de près de 12 milliards de dinars, ce qui représente plus de 40% du budget de l’Etat.
D’après le rapport de la Banque centrale de Tunisie (BCT), les recettes fiscales en 2015 se sont élevées à environ de 20 milliards de dinars (P. 37); ce qui donne un taux de pression fiscale de 22,2% du PIB (P. 25). Au total, le taux des prélèvements obligatoires (pressions fiscales + cotisations sociales) doit être aux alentours de 40% (en France, il est de 43,5%).
On sait, par ailleurs, d’après certains rapports d’organisations internationales, que l’économie informelle représente au minimum 35% du PIB tunisien – certains parlent même de 50% –, soit un peu plus de 31 milliards de dinars. Le manque de recettes fiscales et de cotisations sociales pour l’Etat s’élèverait donc à 31 milliards * 40% = 12,4 milliards.
On sait aussi que notre déficit budgétaire prévisionnel pour 2016 est de 6,5 milliards et qu’il va être comblé par des emprunts à des conditions très contraignantes.
Si, donc, la lutte contre l’économie parallèle était sérieusement menée, on aurait pu éviter de tomber sous l’égide des organisations internationales et des puissances prêteuses, l’endettement est une véritable épée de Damoclès qui menace notre souveraineté (Lire notre article ‘‘La charité bien ordonnée des pays amis’’).
La lutte contre ce fléau doit être impitoyable car avec de telles recettes supplémentaires nous n’aurons plus besoin, selon toute logique, d’emprunter à l’extérieur et, mieux encore, la sécurité sociale comblera son déficit. C’est donc une question de volonté politique.
* Professeur de sciences économiques et sociales (Grenoble).
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