Avec la mise en place du réseau 4G, on va rapidement changer d’époque et c’est l’économie nationale qui va le plus en bénéficier.
Par Wajdi Msaed
«4G et après» a été le thème de la conférence-débat organisée par l’Association des Tunisiens des grandes écoles (Atuge), le mardi 26 avril 2016. Le panel, modéré par Khaled Abdeljaoued, Sale Director@Redknee, regroupait les représentants des 3 opérateurs de téléphonie mobile en Tunisie : Nizar Bouguila, Pdg de Tunisie Télécom (TT), Hatem Masmoudi, Coo d’Orange Tunisie et Hatem Mestiri, CTO d’Ooredoo Tunisie, ainsi que Walid Belhaj Amor, DGA de Comete Engineering (CE), le bureau d’études ayant réalisé, pour le compte de l’Etat, l’étude relative au lancement du réseau du très haut débit (THD).
Une infrastructure à développer
Cette étude a mis en exergue l’opportunité d’introduire la 4G, eu égard au nombre sans cesse croissant d’utilisateurs de data mobile et aux insuffisances constatées sur le réseau de la 3G en matière de débit, resté en-deçà des besoins d’un trafic en très nette augmentation, a précisé d’emblée le DGA de CE. «Le mérite de la 4G est qu’elle assure le haut débit escompté et permet de changer les business modèles dans la gestion des entreprises», a-t-il ajouté. Selon M. Belhaj Amor, l’investissement dans la 4G demeure bénéfique à plus d’un titre, au niveau notamment de son impact sur la baisse des prix d’accès à internet et sur la flexibilité de la politique de commercialisation des entreprises.
Cette évaluation a été partagée par les représentants des 3 opérateurs, qui ont insisté sur la nécessité de développer l’infrastructure 4G, qui doit couvrir tout le territoire du pays.
«S’il ne reste que quelques villages à couvrir par le réseau 3G, les travaux avancent dans les grandes villes pour celui de la 4G, l’objectif étant de fournir le haut débit partout et permettre à tout un chacun un meilleur accès facile à internet», a fait constater Hatem Mestiri.
«Le réseau de la 4G devra bientôt atteindre toutes les régions du pays pour assurer la disponibilité du service partout d’ici la fin de l’année en cours», a assuré Nizar Bouguila. «La 4G c’est l’avenir et c’est une grande porte ouverte pour le développement de l’économie numérique, qui fait partie des objectifs stratégique de l’Etat tunisien», a-t-il aussi affirmé. Et pour cause : la 4G qui est une technologie mature, qui offre une bonne performance d’internet mobile et elle doit être à la portée des Tunisiens, dont la moyenne de consommation de la téléphonie est supérieure de 50% à la moyenne mondiale, a rappelé M. Bouguila.
Des terminaux non compatibles
Le Pdg de Tunisie Telecom a soulevé, ensuite, la question de la compatibilité des terminaux existants avec la 4G. «Le nombre de smart-phones adaptés à la 4G est nettement faible et nous devons investir pour accompagner le client et lui permettre d’accéder aux bénéfices de nouvelle technologie», a-t-il affirmé. Et c’était bon à entendre, car, paradoxalement, cette question de la compatibilité n’a pas été vraiment posée par les opérateurs dans leurs campagnes de publicité et leurs efforts de communication sur la 4G, comme si l’essentiel était de vendre le nouveau produit, sans tenir réellement compte du fait que le consommateur dispose ou non du terminal ou du handset requis.
Noomane Fehri s’est invité au débat.
D’ailleurs, Noomane Fehri, ministre des Technologies de l’information et de la Communication, qui a tenu à être présent à la rencontre-débat, et d’abord en tant qu’Atugéen, a été direct dans l’explication de ce phénomène, en posant le problème du marché parallèle qui inonde le marché de terminaux non compatibles. Le gouvernement s’emploie à résoudre ce problème pour aider le secteur à repartir sur une dynamique nouvelle, a-t-il assuré. Souhaitons bonne chance au ministre atugéen, qui plaide la cause des opérateurs. «Ce sont les leaders de la transformation numérique. Ils ont payé cher leur licence et vont beaucoup investir pour pouvoir l’exploiter. Aussi devrions-nous trouver le moyen d’assurer une augmentation de 40% du volume des consommations, afin que la 4G puisse bénéficier aux opérateurs et à leurs clients», a précisé M. Fehri.
Réduire la fracture numérique
Tout en précisant que le taux de couverture en 4G atteint actuellement 60% de la population tunisienne, Hatem Masmoudi a ajouté que les efforts ne vont pas être focalisés uniquement sur les zones côtières et qu’une attention particulière est accordée aux régions du sud et du nord-ouest. «Le plus important, a-t-il expliqué, est de réduire la fracture numérique au plan national, eu égard à l’impact de cette nouvelle technologie sur le développement socio-économique du pays et aux grandes opportunités qu’elle peut offrir pour dynamiser le marché de l’emploi».
Le débat a permis de soulever plusieurs questions pertinentes. Au moment où les opérateurs sont en train de mettre en place leurs réseaux respectifs de fibre optique, peut-on penser à une sorte de rooming national, d’autant que le cahier des charges le oblige ces opérateurs à assurer la couverture de 95% des zones de développement régional? Face au développement, qui s’annonce rapide, du réseau 4G, doit-on inciter les commerçants à liquider leurs stocks de terminaux 3G? Quel effort doit-on fournir en matière de contenus, sachant que le Tunisien est plutôt porté sur les contenus locaux, tout en continuant à consommer les contenus étrangers? Les jeunes de moins de 30 ans sont familiarisés avec internet, mais le service 4G reste élitiste et trop cher; peut-on alors penser à une subvention de l’Etat accordée aux personnes et aux familles nécessiteuses pour leur permettre d’accéder à ce service, qui va devenir rapidement un besoin? L’administration numérique va-t-elle vraiment profiter de cette évolution technologique pour changer rapidement la vie quotidienne des gens en instaurant le e-commerce, le e-santé, le e-gov et le e-éducation, dont on parle beaucoup mais dont on ne voit pas encore la concrétisation?
Toutes ces questions, soulevées par l’assistance composée en majorité de chefs d’entreprises et de professionnels du secteur, requièrent des réponses pratiques de la part des décideurs.
La 5G en 2020
Khaled Abdeljaoued a tenu à signaler que la 4G, qui est génératrice de valeur ajoutée, va avoir un impact important sur l’écosystème de l’entreprise. Se montrant optimisme, il a pronostiqué que, dans les 5 ans à venir, toute la population tunisienne va accéder à internet, soit par l’ADSL soit par la 4G. Nizar Bouguila a surenchéri en annonçant l’introduction de la 5G à l’horizon de 2020, les essais sur ce nouveau segment devant commencer en 2017-2018. Il a cependant tranquillisé l’assistance quant à la pérennité de l’ADSL grâce au réseau de téléphonie fixe. Ce réseau, qui souffre de quelques petites anomalies (câbles, service technique…), sera performant une fois ces problèmes résolus, a-t-il assuré.
Quoi qu’il en soit, on doit raisonner en projet numérique et non en projet 4G et c’est l’économie nationale qui va être impulsée par les mutations technologiques en cours, a conclu un pénaliste.
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