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Le striptease d’Ennahdha: Demain j’enlève le bas!

Ghannouchi-jeune-femme

Que ne feraient pas Ghannouchi et Ennahdha pour se faire accepter des Tunisiens et, surtout, des Tunisiennes?

Les dirigeants d’Ennahdha jettent leurs oripeaux théologiques, leurs vêtements défraîchis et leurs habits trompeurs. Iront-ils jusqu’à montrer le bout des seins ?

Par Yassine Essid

Pour réussir un striptease parfait et donner à ceux qui vous regardent l’envie d’avoir plus, il faut justifier d’un ensemble d’ingrédients incontournables. Il faut avoir un corps attirant, une tenue parfaite qui met en valeur vos atouts et qu’on peut enlever facilement. Il faut surtout que les vêtements appropriés soient suffisamment osés pour que vous puissiez les enlever de la façon la plus sensuelle possible. Sans parler de la lumière tamisée, la musique romantique et une démarche sexy. Enfin il ne faut surtout pas tout dévoiler car il faut faire de la place à l’imagination. Voir, c’est savoir. Mais la vérité n’est pas d’accès facile : elle est souvent cachée, latente, voilée, se dérobe au regard, si bien que sa découverte devient un lent processus d’effeuillage et de mise à nu.

Il en va du striptease comme de la politique, pathétique et pas toujours drôle.

Du statut de paria à celui de partenaire

L’exhibitionnisme idéologique que nous offre aujourd’hui Ennahdha est suffisamment suggestif pour révéler ses intentions intimes, met en évidence ses projets pour un retour prochain au pouvoir, révèle ses plans pour contrôler le présent et s’emparer du futur. Mais le spectacle du striptease ne s’effectue pas seul à seul. Pour éviter méfiance et suspicion, favoriser l’ouverture et la confiance, il fallait passer du statut de paria à celui de partenaire qui se préoccupe aussi de l’intérêt de l’autre d’une façon également favorable à son propre intérêt. Il faut parfois du courage en politique, et la tactique d’Ennahdha est de passer de l’image de ce monstre froid et inquiétant, prêt à tout pour arriver à ses fins, à celle d’un associé doux et affable.

Pour ce faire, il lui faudrait apprendre à accepter la diversité, éviter les conflits irréparables, les références religieuses de plus en plus accusées, éloigner les motifs d’affrontements, savoir dépasser les paramètres strictement religieux et prendre en compte les facteurs nationaux.

Les logiques d’interdépendance qui unissent les deux grands partis, Ennahdha et Nidaa Tounes, les dépassent souvent beaucoup plus qu’on ne le croit. Il faut pour cela coexister en médiatisant fortement ce changement, car jusque-là le principal défaut des analyses politiques est de figer les choses, de les ramener à des oppositions simples : islamistes contre modernistes.

Aussi, depuis peu, dans les images, à chaque déclaration, on retrouve un Rached Ghannouchi dans des postures inattendues, devenu complètement humanisé dans ses propos et ses prises de positions, qui semble se rapprocher de plus en plus de tous les Tunisiens, de leur quotidien et de leurs attentes. Le voilà en bête politique, maîtrisant autant qu’il le souhaite sa communication, utilisant son intelligence relationnelle et faisant preuve d’empathie.

Cependant Ghannouchi ne pouvait pas s’arrêter en si bon chemin, car il a compris que la capacité d’intégrer les islamistes dans la société et la meilleure façon de les amener vers la démocratie est de faire en sorte qu’ils soient acceptés pleinement comme partenaires. Finies donc l’exclusion ou la stigmatisation qui conduisent mécaniquement celui qui est dénoncé à demeurer hors du système.

Ghannouchi-Jeunes

L’opération séduction commence à donner ses fruits.

A la barbe de la Gauche et des Destouriens

Ghannouchi n’hésite plus à quasiment siphonner les partis dits modernistes de leurs arguments. La démocratie? Rappelez-vous toutes les concessions d’Ennahdha pendant la rédaction de la constitution. L’homosexualité? Pourquoi pas, tant qu’elle reste limitée à la sphère privée. L’UGTT, les Destouriens, la Gauche? Des partenaires incontournables, indispensables à la paix sociale. Bourguiba? Ghannouchi s’en réclame à la barbe des destouriens. Il en devient même le fidèle disciple de son enseignement prônant l’islam médian, tolérant et de juste milieu. L’égalité de l’héritage entre hommes et femmes? C’est un sujet délicat mais pas tabou. L’accord d’arbitrage signé par Slim Chiboub? C’est une évolution positive qui va dans le sens et de réconciliation nationale et l’esprit de concorde et annonce l’assainissement des rapports entre certains hommes d’affaires et l’Etat. Enfin, cerise sur le gâteau, c’est Béji Caïd Essebsi en personne qui fera l’honneur insigne à tous les «frères» d’inaugurer leur prochain congrès!

Il est évident que le retour aux affaires est l’obsession première des islamistes. Sauf qu’on les a beaucoup aidés pour ça.

D’abord la belle et étrange histoire d’amitié qu’écrivent à leur manière et au quotidien Rached Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi. Ensemble, ils ont développé une bonne complicité, sont devenus presque du même bord et Ghannouchi n’hésite plus à parsemer ses paroles de calembours repris à ‘Si El-Béji’. Désormais ce sont deux copains, deux potes qui s’entendent comme des larrons en foire, si bien qu’on imagine qu’ils pourraient très bien faire des bêtises ensemble. A commencer par la nomination d’Habib Essid à la tête du gouvernement. Un illustre rejeton, fruit d’une connivence habile entre deux protagonistes d’une république dans laquelle s’activent des petits patrons indifférents à l’opinion d’autrui, des responsables politiques oublieux des regards des autres qui se pavanent sans pudeur sur les plateaux de télévision parfaitement insensibles aux désillusions qu’ils provoquent.

A la reconquête du pouvoir

Il y a ensuite la déconfiture de Nidaa Tounes qui incarna autrefois les espoirs de 3 millions de Tunisiens inquiets et excédés à la fois. Un parti marqué par les idées de la république, de laïcité, de droits de l’homme, de justice et de promotion socioéconomique. Un mouvement politique qui plaçait l’Etat au cœur de la société dont il est la véritable armature ainsi qu’un moteur du progrès social. A peine aux commandes, il s’illustre non par l’exécution de son programme mais par ses déchirements internes et ses dissidences. La confrontation entre l’espoir suscité par Nidaa Tounes au pouvoir et la réalité, les compromissions de son fondateur avec les islamistes qu’il combattait hier encore, les effets pernicieux de l’immixtion d’Ennahdha par personnes interposées pour accentuer les divisions.

Autant de conditions qui débouchent sur des luttes intestines menées par des novices nullement préparés à la pratique du pouvoir et contraints par conséquent de revenir sur leurs promesses mirifiques face à la réalité du pouvoir. C’est aujourd’hui un parti exsangue et moribond, vivant ses derniers soubresauts.

La difficile conquête du pouvoir est souvent suivie par une incapacité pour le conserver. Les islamistes ont fait l’erreur une fois, mais il n’y aura pas une deuxième. Il faut donc changer de stratégie et adopter de nouvelles tactiques rendues encore plus faciles par l’état moribond du principal parti d’opposition.

Dans ce libertinage auquel s’adonnent les islamistes, l’année 2016 est une année féconde leur permettant de bâtir une stratégie pour reconquérir le pouvoir. Alors ils se mettent à jeter leurs oripeaux théologiques, leurs vêtements défraîchis, leurs habits trompeurs et n’hésitent pas à dévoiler leurs poitrines sans toutefois aller jusqu’à montrer le bout des seins.

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