En voulant à corriger des erreurs commises par Ben Ali , dans le litige opposant l’Etat tunisien à ABCI à propos de la BFT, les gouvernements post-révolution en ont commises d’autres.
Officiellement, le procès pénal en cours d’instruction depuis bientôt 3 ans pour soupçons de malversations en rapport avec le procès-verbal de règlement amiable du litige opposant l’Etat tunisien et la société ABCI au sujet de la Banque franco-tunisienne (BFT) – conclu le 31 août 2012 – ne vise que le conseiller rapporteur auprès du Contentieux de l’Etat, Hamed Nagaoui, et, depuis peu, l’ancien ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, Slim Ben Hmidane.
En réalité, la vraie cible de cette procédure judiciaire n’est autre qu’Abdelmajid Bouden, ancien président du conseil et actionnaire de la BFT – il détient encore 89 actions à titre personnel. C’est ce que prouve le procès-verbal d’un conseil des ministres réuni le 21 novembre 2013 et dont nous avons obtenu copie.
On y apprend que Mounir Klibi, directeur général à la Banque centrale de Tunisie (BCT), a, lors de cette réunion, parlé de «nouveaux faits dans le procès pénal engagé en Tunisie contre le dénommé Abdelmajid Bouden».
Pourtant, après avoir laissé entendre que des actes de corruption entachent ledit procès-verbal et échoué à le prouver devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), relevant de la Banque mondiale, la partie tunisienne avait déclaré au tribunal arbitral que M. Bouden n’est nullement concerné par ce procès. Il s’avère aujourd’hui qu’il ne s’agissait là que d’un changement de tactique et d’objectif.
Alors que la manœuvre visait en 2013 à frapper de nullité le PV du 31 août 2012 pour ne pas avoir à le dénoncer, le but serait autre aujourd’hui. D’après, une source tunisienne, les autorités auraient l’intention d’utiliser ce procès pénal pour condamner M. Bouden ou la société ABCI, ou les deux, à une amende équivalente au montant des réparations que va leur accorder le Cirdi. Pour, espère-t-on, «créer une situation de parité».
Or, cet acte serait inutile, car le jugement prononcé le cas échéant en Tunisie n’aura aucune valeur pour le Cirdi et donc aucune influence sur l’issue de la procédure arbitrale et l’exécution de la sentence qui sera prononcée.
Les manœuvres et gesticulations de l’Etat tunisien sont pathétiques, car en cherchant à corriger une bêtise – pour ne pas dire un acte de banditisme international – commise par l’ancien président Ben Ali et ses sbires, les gouvernements post-révolution en ont commis d’autres. Ce qui risque d’alourdir davantage la facture à payer à ABCI.
Cette facture est d’ailleurs déjà lourde, si l’on considère la situation financière catastrophique de la BFT et les frais de conseil et d’avocat déjà déboursés en près de 30 ans de procédures…
Nabil Ben Ameur
Donnez votre avis