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Ramadan, révélateur de l’incivisme des Tunisiens

Cafe-Ramadan

A Radès, comme partout ailleurs, une heure avant la rupture du jeûne, tous les trottoirs sont occupés.

Mois de la piété et de la repentance, ramadan est aussi, et surtout, notamment en Tunisie, le mois des tous les abus et de toutes les arnaques.

Par Nadya B’chir

Ramadan, le mois saint des musulmans, est censé être propice à la piété, à la repentance, à l’ablution des péchés et à la prouesse charitable. Il est dit qu’une conduite exemplaire à la lettre divine au cours de ce mois serait un sésame pour une place au paradis. Qu’à cela ne tienne! Beaucoup de Tunisiens se livrent, pendant ramadan, à des activités à caractère pieux dans l’espoir de se refaire une virginité spirituelle qui plaiderait davantage leur cause auprès de Dieu.

Il y a, cependant, anguille sous roche, car cette fraction se permet de dévier du droit chemin, tout en prétendant se conformer aux règles de la religion. En d’autres mots : sous divers prétextes, qui n’ont rien à voir avec la religion, ils se laissent aller à des comportements et des attitudes dénués de tout civisme. Aussi ramadan devient-il un révélateur de l’incivisme de ces Tunisiens, qui n’honorent ni leur religion ni leur pays.

Des voitures sur le trottoir

Une scène des plus insolites a attiré notre attention le premier vendredi du mois saint : une mosquée où des fidèles sont venus en grand nombre. La preuve : d’innombrables voitures sont garées sur tous les trottoirs aux environs de cette maison de Dieu ! C’est une scène surréaliste : les trottoirs encombrés de voitures, les piétons sont contraints de marcher au milieu de la chaussée, au risque de se faire écraser par des conducteurs endormis sous l’effet de la faim et de la chaleur.

Que dire face à une telle scène?! Le vendredi est le jour saint de la semaine, le jour où, à la mosquée, les fidèles se font du coude pour écouter le prêche de l’imam et accomplir la grande prière hebdomadaire. C’est le jour du devoir.

On peut cependant se demander comment les fidèles, citoyens de leur état, peuvent-ils concevoir que leur devoir est bien rempli, alors que, par égoïsme, ils ont consenti de mettre en péril la vie d’autrui?! Est-ce à cela que leur religion, l’islam en l’occurrence, les a initiés? Est-ce cela que les imams leurs ont inculqué à la mosquée?!

Des cafés envahissants

Toujours dans le registre des trottoirs «occupés», mais cette fois-ci, par les cafés dits populaires, qui se trouvent dans chaque coin de quartier, regorgeant de bonnes âmes dont l’unique plaisir est de jouer aux cartes et de fumer des chichas à s’en étouffer.

Pendant ramadan, une heure avant la rupture du jeûne, les trottoirs, des deux côtés de la rue, et même parfois une partie de la chaussée, sont scandaleusement «colonisés» par les tables et les chaises des cafés.

C’est l’appât du gain qui explique cette entorse à la loi, au bon goût et aux règles du bon voisinage : plus il y a des tables et des chaises, plus il y aura des clients et plus les caisses tinteront à grand fracas. Tant pis si les citoyens, en l’occurrence les femmes et les enfants, en pâtissent!

En ce mois saint, seule règne la loi du plus fort et du plus voyou, qui s’arroge tous les droits pour gagner le plus d’argent possible, et dont le credo peut être résumé ainsi : «Je suis libre de faire ce qui me plait !»

Nous avons interpellé, récemment, à ce sujet, le ministre des Affaires locales, Youssef Chahed, qui a répondu positivement à notre alerte et en a pris acte. Il reste cependant à activer le système de contrôle et de sanction pour les fautifs, afin de mettre fin aux comportements abusifs et de préserver l’intérêt général et le bien-être public.

Arnaques à tous les coins

Venons-en maintenant au chapitre des fameuses arnaques spécifiques au mois de ramadan. Quel que soit l’endroit où vous allez pour une soirée ramadanesque, vous aurez une chance sur deux de vous faire escroquer. Et des infractions, il y en a à profusion : la surconsommation obligatoire et imposée, les prix des consommations qui flambent abjectement, la qualité de service qui se détériore dès que l’endroit se remplit de monde, et même, la quantité de la boisson servie qui passe brusquement au régime amaigrissant.

Les propriétaires des lieux de loisir voient dans le mois de ramadan une occasion pour gonfler leurs recettes aux dépens du consommateur, qui, paradoxalement, semble accepter cette fatalité de l’arnaque et la subir même parfois de bon cœur.

Les autorités de tutelle, dépassées ou souvent complices (corruption oblige), ferment les yeux et laissent faire. On ne les voit pas, en tout cas, agir fermement contre les pratiques abusives, qui semblent vouées à un bel avenir.

Certes l’incivisme du citoyen tient, généralement, à sa (mauvaise) éducation, mais il est indéniable que les autorités doivent se montrer plus réactives et plus fermes dans l’application stricte de la loi, qui doit avoir le dernier mot. Nous osons encore en rêver dans ce pays où l’Etat n’a presque plus d’autorité…

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