La bonne gouvernance des entreprises passe par la lutte contre la corruption et le respect de l’éthique des affaires.
Par Wajdi Msaed
Doit-on apporter une dose d’éthique au processus managérial des entreprises publiques ? Telle est la question à laquelle a essayé de répondre, à travers une intervention plutôt académique, le ministre de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, Kamel Ayadi, lors d’une soirée ramadanesque organisée, jeudi, par l’Association tunisienne des contrôleurs de gestion et responsables financiers (Cogeref) autour du thème : «Responsabilité sociétale des organisations : Quelles opportunités pour les entreprises tunisiennes».
Nouvelle vision des responsabilités sociétales
«Parler de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) tunisiennes et surtout publiques est une thématique de grande actualité», a lancé M. Ayadi, avant de présenter une nouvelle vision du management des entreprises publiques, basée sur le renforcement du système de bonne gouvernance et le concept de l’étique des affaires.
«Nous envisageons d’organiser une journée nationale qui sera consacrée à la réflexion sur les moyens à mettre en œuvre pour assurer la bonne gouvernance», déclare le ministre, qui a commencé par faire l’état des lieux de la gouvernance des entreprises publiques: absence de stratégie actionnariale de la part de l’Etat, lourdeur des processus d’exercice de la tutelle et déficit chronique estimé à 3 milliards de dinars, au cours des 3 dernières années.
Deux tendances complémentaires sont en train de se généraliser à travers le monde, explique M. Ayadi. Il y a l’internationalisation de l’éthique et de la reconnaissance de la part de l’entreprise de sa responsabilité vis-à-vis de la société. L’objectif de l’entreprise ne doit plus se limiter à la satisfaction des attentes de ses actionnaires quant à l’activité commerciale et au profit financier; les attentes de la société sont à prendre également en considération.
L’entreprise se trouve, ainsi, appelée à respecter la triple approche de la RSE qui se résume par les 3 P (Peuple, Planète et Profit). C’est-à-dire penser, à côté du volet matériel et financier, à l’être humain à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise, ainsi qu’à l’environnement garant du développement durable.
Ont été présentés, dans ce contexte, des témoignages sur des entreprises ayant adhéré au concept RSE, comme la société de téléphonie mobile Orange Tunisie qui, en plus de l’intérêt accordé à la formation et à la promotion du personnel, s’ouvre sur son environnement en procédant à la vulgarisation de l’outil informatique à travers la création de clubs spécialisés en la matière.
On a cité aussi le cas de la Société des ciments de Djebel Jelloud (CAT), située sur la sortie sud de Tunis, qui, en plus des différentes actions sociales au bénéfice de ses agents, s’intéresse à l’environnement dans lequel elle évolue. Elle a ainsi contribué au financement des travaux de construction du tronçon de route reliant la GP1 et la Z4.
Le clean-business
Evoquant ensuite le concept de clean-business, qui repose sur la transparence, l’intégrité et la lutte contre la corruption, le ministre a précisé que «le débat sur l’éthique est au cœur du développement stratégique de l’entreprise», ajoutant qu’il faut réussir à associer deux leviers importants pour pouvoir orienter les comportements humains : à savoir une gouvernance basée sur les règles et les mesures à appliquer, d’une part, et d’autre part, une éthique fondée sur les valeurs à faire valoir en son âme et conscience.
C’est dire qu’il y a lieu de «réinventer le management de l’entreprise pour l’aider à surmonter les défis et les conjonctures défavorables».
On peut se demander, et pas seulement dans les sphères managériales, pourquoi ce regain d’intérêt pour l’éthique alors que le concept remonte à 400 ans avant J.-C.? La réponse est que l’éthique apparaît, aujourd’hui, comme un modèle de management qui aide à prendre les bonnes décisions et à surmonter les entraves à la bonne gouvernance.
Les scandales qui ont éclaté ces dernières années autour de la gestion de quelques grandes entreprises à l’échelle mondiale ont donné la preuve que «l’étau se resserre de plus en plus autour des entreprises corrompues» et que «l’on passe de la culture de l’éthique implicite à l’éthique explicite», qui consiste à dévoiler les malversations qui relevaient, autrefois, du secret professionnel.
Le clean business suppose la mise en œuvre par l’entreprise de moyens de prévention contre la corruption. Le défaut de prévention est, ainsi, criminalisé et l’accusation est orientée directement vers le premier dirigeant. Aussi, l’entreprise doit-elle se faire certifier pour pouvoir être à la hauteur des obligations claires et bien définies de la bonne gouvernance.
Certification ISO 37001
Soumettre une entreprise à la certification ISO 37001 va faire certainement date dans les annales des entreprises en Tunisie et dans le monde, puisque le ministre de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption allait procéder, le lendemain même (vendredi 1er juillet 2016), à la signature, avec son collègue des Transports, une convention permettant à l’Agence technique des transports terrestres (ATTT) de souscrire à cette certification. «Elle sera la première au monde», s’enorgueillit M. Ayadi.
Cette certification est un premier pas pour épargner au pays ce fléau ravageur qui ronge nos entreprises, nos administrations et l’ensemble de l’écosystème, à savoir la corruption, qui augmente de façon illicite les revenus de certaines personnes, réduit ceux de l’Etat, accroît les dépenses publiques et aggrave, ainsi, les déficits budgétaires.
Il faut donc «travailler sur la culture de l’entreprise qui doit être citoyenne, pérenne et créatrice de valeurs», conclut le ministre de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption.
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