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Anniversaire : Honorer la mémoire de Bourguiba

Habib-Bourguiba

La Tunisie célèbre aujourd’hui, 3 août, l’anniversaire de la naissance de Habib Bourguiba, premier président de la Tunisie indépendante. Comment rendre hommage à ce grand homme tout en lui rendant justice ?

Par Farhat Othman

Au-delà du dithyrambe et d’oiseux panégyrique, il serait d’abord inexact et hors de propos, eu égard à la mentalité de notre époque, de faire de Bourguiba le père de la Tunisie; car les humains ont les pères qui les mettent au monde. De plus, notre temps n’est plus aux pères spirituels ou idéologiques, et qui ne sont que l’engeance de la dictature, physique sinon morale.

L’ère que nous vivons est cet âge des foules soucieuses tout autant que jalouses de leurs droits et libertés.

La première de ces valeurs est la liberté retrouvée par les masses et assumée par elles, ce quitte à verser dans l’anarchie. Celle-ci n’est-elle pas, étymologiquement, l’absence de toute autorité, sinon celle que l’on doit avoir sur soi?

Renouer avec l’émotion

Rendre justice et hommage mérité au grand homme que fut Bourguiba, c’est rappeler impérativement, à satiété s’il le faut, son coup du cœur pour sa mère à travers sa patrie. C’est ce qui fut salutaire pour une Tunisie faite femme.

Ce qu’a réalisé Bourguiba en ce domaine a assuré à notre pays — et continue de le faire — le meilleur antidote contre cette dérive de religiosité qui menace désormais le monde musulman, et bien au-delà, à cause de cette faim de spiritualité qu’incarne la fin du monde ancien.

Grâce à Bourguiba, la Tunisie est donc une femme à jamais digne et altière ; aussi, son futur sera forcément radieux pour qui a la foi en la femme. Or, elle est la mère de l’homme; matrice donc de l’humain. Au-delà des contingences actuelles et du machisme conquérant, la Tunisie est donc femme et son avenir ne sera que féminin. Ne dit-on pas que derrière chaque grand homme il est une femme?

En cela, il est conforme à celui de l’humanité. Que serait donc l’homme sans la femme ? Il n’est rien ! Que serait-il sans sa mère qui ne le met pas seulement au monde, mais l’élève ? Et sans la femme auprès de laquelle il trouve ou retrouve son total épanouissement, que devient de l’homme? N’est-ce pas sa fille aussi qui, bien plus que le fils, assure son honneur et perpétue le meilleur de son œuvre et son souvenir?

Nos cousins les juifs en savent quelque chose du fait de cette judaïté qui a été une riche culture antique, de celles dont on dit être organiques et archaïques au sens de chose première, enracinée dans l’essence même.

Bourguiba-et-les-femmes

Répudier le machisme politique

Rendre hommage à Bourguiba, aujourd’hui, c’est ainsi renier ce qui a terni son œuvre, à savoir son machisme politique. Cela s’est traduit, chez lui, par un ego surdimensionné que nous retrouvons, au demeurant, chez la plupart de nos politiciens, plus attentifs à leur petite personne qu’à l’intérêt de la Tunisienne et du Tunisien.

Chez Bourguiba, il s’est traduit par un autoritarisme exécrable qui a fait dévier la Tunisie de la voie vers l’excellence sur laquelle elle était placée au lendemain de l’indépendance. Aussi, aujourd’hui, plus que jamais, il importe de continuer l’œuvre de Bourguiba en sa bonne part et non la mauvaise, et ce en renouant avec sa politique en élan du cœur et en parfaite harmonie avec l’esprit de notre temps des émotions et des affects.

Cela veut dire, entre autres, que la Tunisie doit être pour ses élites, surtout politiques, bien plus qu’une patrie; car elle est surtout matrie, une Tunisie faite femme depuis toujours, où nulle différence ne doit plus être tolérée entre le masculin et le féminin qui se complètent et s’enrichissent.

Par conséquent, la femme tunisienne doit impérativement devenir au plus vite la parfaite égale de l’homme, notamment et à commencer par ce domaine de misogynie honteuse qu’est l’inégalité successorale.

Cela doit l’être aussi par le reniement du moindre phallocentrisme politicien dont la manifestation la plus évidente est cet autoritarisme passé de mode et que le peuple tunisien ne saurait plus accepter. Or, qu’est-ce qui incarne une telle phallocratie sinon cette législation scélérate, héritée de la dictature et même du protectorat, que nous retrouvons dans nos codes, surtout pénal, où l’autorité de masculin, sous toutes ses formes sexistes, est prédominante.

Voilà comment on rendra un hommage mérité et juste à ce grand homme de Tunisie et du monde que fut Habib Bourguiba !

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