Le 13-Août, fête nationale de la femme, elles étaient toutes là, au palais de Carthage, sauf une, Nourane Houas, qui n’a même pas eu le droit à un mot de soutien ou de réconfort.
Par Nadya B’Chir
Au moment où la Tunisie célébrait en grandes pompes la fête nationale de la femme, à la présidence de la république, et au beau milieu de la cérémonie aux allures festives, une nouvelle retentit comme un clairon: les ravisseurs de la fonctionnaire humanitaire franco-tunisienne Nourane Houas exigent une rançon et menacent, en cas de non-paiement, de l’exécuter.
Une séquence qui donne froid au dos
La jeune femme est apparue dans une vidéo, filmée par les preneurs d’otage, dans un état physique et psychologique qui fait craindre le pire.
Pendant ce temps là, les autorités tunisiennes s’abstiennent de toute réaction et les informations sur la situation de Nourane Houas, enlevée par un groupuscule armé à Sanaa, capitale du Yémen, sont rares. La vidéo postée par ses ravisseurs, vendredi dernier, est la deuxième depuis son enlèvement il y a huit mois. Et elle n’est pas de nature à rassurer sur l’état de santé de la Franco-tunisienne et encore moins sur son sort, apparemment scellé par ses ravisseurs.
La séquence donne froid dans le dos : Nourane porte cette odieuse tenue orange dont les combattants de l’organisation terroriste de l’Etat islamique (Daêch) habillent leurs victimes avant leur exécution. Pâle mine et très amaigrie, la jeune femme est mise à genoux, sous la menace de l’arme de l’un de ses ravisseurs. Elle lit un bout de papier, où il est question d’une rançon demandée au gouvernement français et aux organisations internationales dans un délai de 72 heures, sous peine d’être exécutée.
Depuis la diffusion de cette vidéo, les réactions officielles se font timides et, en tout cas, pas convaincantes, car elles traduisent une incapacité à agir qui s’apparente à un quitus donné aux ravisseurs.
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), employeur de Nourane Houas, a réagi en implorant «les ravisseurs de la libérer saine et sauve» et en assurant qu’il garde un contact permanent aussi bien avec la famille de Nourane qu’avec les autorités de tutelle au Yémen.
Il n’y a donc pas vraiment de contact avec les ravisseurs : ce qui est aussi inquiétant que surprenant.
Un oubli difficile à expliquer
Enlevée depuis décembre 2015, le fonctionnaire humanitaire n’a pas beaucoup retenu l’attention et l’intérêt du gouvernement tunisien via son ministère des Affaires étrangères. Bien que les ravisseurs se soient adressés exclusivement au gouvernement français, il n’en demeure pas moins que Nourane est une citoyenne tunisienne et mérite, à ce titre, l’intérêt des autorités tunisiennes et leur engagement pour la faire libérer.
L’action de ces autorités s’est limitée, jusque-là, à l’établissement de contacts intensifs avec la mission tunisienne permanente auprès des Nations Unies ainsi qu’avec le CICR. Et à la diffusion de communiqués fades et vides, comme le sont souvent les communiqués diplomatiques. Tout en arguant de la nécessaire discrétion requise pour la gestion de pareilles affaires, comme pour justifier l’absence d’engagement officiel voire l’oubli et l’abandon de la pauvre Nourane.
Aussi la diffusion de la vidéo de la Franco-tunisienne, la veille même de la célébration de la fête nationale de la femme, a-t-elle été reçue comme un coup de massue et est venue nous rappeler un certain nombre de principes, dont celui de la responsabilité de l’Etat envers ses citoyens. Car au-delà du faste des réceptions données en l’honneur des Tunisiennes dans les jardins du palais présidentiel et des décorations officielles attribuées à certaines d’entre elles, l’oubli de Nourane, abandonnée à son triste sort, vient rappeler les manquements dont les femmes en général continuent de souffrir de la part de l’Etat.
Pas de doute : la marge de manœuvre des autorités tunisiennes pour sauver Nourane Houas des griffes de ses ravisseurs est quasi-nulle, d’autant plus que l’enlèvement a eu lieu sur un territoire étranger en état de guerre. Encore faut-il que celles-ci fassent au moins le minimum, ne fut-ce que sur le plan de la communication. On aurait souhaité voir l’Etat tunisien, c’est-à-dire la présidence de la république, le gouvernement et l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), publier un communiqué, le jour de la célébration de la fête nationale de la femme, pour évoquer le drame de Nourane Houas. Car à défaut de pouvoir faire libérer l’otage, une communication adéquate aurait, au moins, envoyé un message à ses ravisseurs, pour leur dire que la Tunisie n’abandonne pas Nourane et suivent avec intérêt l’évolution de sa situation. Et à Nourane et ses parents pour leur dire que la Tunisie n’oublie jamais ses enfants.
Cela n’a malheureusement pas été fait et cette omission est difficile à admettre ou à justifier.
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