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Les relations Tunisie – Etats-Unis après la présidentielle du 8 novembre

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Une présidence Donald Trump ou Hillary Clinton changera-t-elle l’appui des Etats-Unis à la Tunisie?

Par Sarah Souli *

Depuis la révolution, «le gouvernement des Etats-Unis a décidé d’accorder un intérêt particulier à la Tunisie et les relations entre les deux pays se sont renforcées, notamment par le biais d’une coopération économique et sécuritaire accrue et un dialogue diplomatique plus intense», observe Sarah Yerkes, chercheure invitée auprès du Centre pour les sciences politiques moyen-orientales relevant de la Brookings Institution.

Une paix tunisienne relative

En effet, pendant tout son parcours, la transition démocratique en Tunisie post-révolutionnaire a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme aux Etats-Unis. Jeffrey Feltham, alors sous-secrétaire d’Etat aux Affaires proche-orientales, avait adressé un e-mail, en 2011, à sa supérieure hiérarchique Hillary Clinton dans lequel il écrivait, notamment, «il s’agit là, réellement, d’une véritable opportunité.»

«Dans une très large mesure, cet intérêt que les Etats-Unis portaient à la réussite de la révolution tunisienne ne tenait pas tant au fait que si les Tunisiens échouaient nous (les Américains, ndlr) perdrions quelque chose de très important sur le plan géostratégique (…) Cela avait plutôt à voir avec le fait que, en cas d’échec de la révolution en Tunisie, nous aurions le plus grand mal à défendre l’idée selon laquelle la démocratie peut prendre racines dans cette partie du monde», observe Sarah Feuer, chercheure auprès de l’Institut des études proche-orientales de Washington.

Avec des pays comme la Syrie, la Libye, le Yémen et l’Irak qui ont tous sombré dans le chaos et la violence, engendrant la mort et le déplacement de nombres énormes de personnes, la Tunisie a tout de même su préserver une paix relative. Bien évidemment, la situation en Tunisie, avec sa position géographique précaire, l’activité terroriste incessante dans les environs du Mont Chambi et le départ en masse des jeunes Tunisiens, hommes et femmes, vers la Syrie et la Libye pour prendre part aux combats dans ces zones de guerre– reste inquiétante.
Certes, sur un plan strictement régional, les relations des Etats-Unis avec la Tunisie sont d’une importance de second ordre. Cependant, «il est de l’intérêt de notre pays que la Tunisie poursuive sa progression sur la voie de la consolidation démocratique – ou, tout le moins, qu’elle évite un retour en arrière et le chaos que pareille régression pourrait engendrer», remarque Sarah Yerkes.

A cet effet, d’ailleurs, l’administration Obama s’est concentrée sur un soutien appuyé des secteurs économique et sécuritaire tunisiens. Depuis 2011, la Tunisie a reçu des Etats-Unis plusieurs centaines de millions de dollars sous des formes diverses de prêts et d’aide – avec, pour la seule année 2016, des crédits d’environ 150 millions de dollars.

En 2014, les deux pays ont entamé leur dialogue stratégique, mené par le secrétaire d’Etat John Kerry lui-même. L’année suivante, le président Barack Obama a accordé à la Tunisie le statut de d’allié majeur non-membre de l’Otan.

Aucun changement à l’horizon

Certains critiques soutiennent que le chef de l’exécutif américain pourrait – et devrait– faire plus, attirant l’attention sur le fait que les enveloppes financières que les Etats-Unis accordent à la Tunisie sont d’une importance bien moindre que celles dont bénéficient certains de ses voisins – par exemple, l’Egypte, la Jordanie et Israël. D’autres observateurs s’inquiètent que les responsables américains n’admettent pas que la transition démocratique tunisienne soit toujours en cours et que le pays a encore besoin de beaucoup plus d’appuis sécuritaire et économique.

Selon Sarah Yerkes, «c’est ce qui a fait défaut dans le traitement du cas tunisien par l’administration Obama: les autorités américaines ne reconnaissent pas que les institutions publiques tunisiennes –le parlement, les ministères, les partis politiques, le service public tunisiens, etc. – ont encore besoin d’être soutenues».

Avec le scrutin présidentiel américain qui se tiendra dans un peu plus de cinq semaines, une présidence Donald Trump ou Hillary Clinton changera-t-elle la situation?

Feuer répond que: «Dans une certaine mesure, il ne faut pas s’attendre à ce qu’un changement radical puisse avoir lieu dans les relations bilatérales américano-tunisiennes – peu importe le résultat de ce scrutin.»

Donald Trump, le candidat républicain à la présidentielle américaine du 8 novembre prochain, n’a jamais dit publiquement le moindre mot sur la Tunisie. Les objectifs de sa politique étrangère sont «si farfelus qu’il est très difficile d’y trouver une approche cohérente», estime Feuer, ajoutant qu’«étant donné que les alliances de cet homme se fondent sur des relations transactionnelles, je me demande s’il va être enclin à aider un petit pays comme la Tunisie à se sortir des difficultés dans lesquelles il se débat. D’un point de vue géostratégique, je l’imagine assez facilement poser, crûment, la question de savoir ce que les Etats-Unis peuvent obtenir en retour d’une alliance avec la Tunisie.»

«Avec Trump à la tête de l’exécutif américain, la Tunisie ne sera perçue que d’un point de vue sécuritaire. Si Donald Trump est élu président, la Tunisie devra s’attendre à moins de gestes symboliques, de la part des Etats-Unis, et à moins de fonds de soutien au développement et à la démocratisation», selon l’analyste tunisien Youssef Chérif.

Donald Trump, un fauteur de troubles

Par ailleurs, les propos incendiaires de Trump sur les musulmans et les Arabes pourraient avoir des effets négatifs sur les relations tuniso-américaines. Récemment, les crimes haineux contre les musulmans ont sensiblement augmenté aux Etats-Unis, bien que, selon Feuer, «dans une sorte de logique curieuse, Trump ne semble pas avoir de problèmes avec les musulmans qui restent chez eux…»

«Le sentiment anti-américain n’est pas particulièrement fort en Tunisie, mais l’inquiétude existe qu’un Donald Trump à la Maison Blanche puisse susciter des mouvements de protestation, voire des réactions violentes, semblables à celle de 2012, lorsque des manifestants ont attaqué l’ambassade des Etats-Unis à Tunis», déclare Yerkes.

La démocrate Hillary Clinton, qui était secrétaire d’Etat au moment du déclenchement de la révolution tunisienne, est généralement considérée comme la candidate la mieux préparée pour diriger les affaires étrangères américaines (…). «Clinton avait ardemment soutenu la révolution en Tunisie et … j’imagine qu’une fois présidente des Etats-Unis elle serait plus intéressée que l’administration Obama à ce que l’expérience démocratique tunisienne aille jusqu’au bout et qu’elle réussisse», estime Yerkes.

Pourtant, selon Feuer, l’impact principal d’une présidence Clinton ou celle de Trump ne proviendra des relations directes qu’entretiennent les Etats-Unis avec la Tunisie, mais «plutôt d’un changement de la position américaine vis-à-vis des autres conflits majeurs qui pourrait affecter la Tunisie d’une manière significative, c’est-à-dire en Syrie, en Irak, ou en Libye… Si, par exemple, le successeur de Barack Obama décide d’adopter une attitude plus musclée à l’égard de ce qui se passe en Libye, inéluctablement, la défaite de l’Etat islamique pousserait au retour en Tunisie les militants de cette organisation terroriste. Et cela poserait un sérieux problème pour la Tunisie.»

Indépendamment de l’issue de la course à la Maison Blanche, le 8 novembre 2016, cette tournure des choses est une triste réalité, une triste certitude à laquelle la Tunisie devra se préparer.

Synthèse traduite de l’anglais par Marwan Chahla

Source: ‘‘Al-Monitor’’.

*Sarah Souli, journaliste freelance, est actuellement basée à Tunis. Elle couvre les affaires politiques, sécuritaires et culturelles pour le compte d’Al Jazeera en anglais, Quartz, Vice News, Middle East Eye, Roads & Kingdoms, entre autres.

**Les titre et intertitres sont de la rédaction.

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