Le problème du partage des eaux de l’Indus aggrave les tensions politiques et militaires entre l’Inde et le Pakistan.
Par Dr Mounir Hanablia *
Le conflit pour les eaux de l’Indus et des cinq rivières, l’un des facteurs compliquant le plus les relations indo-pakistanaises, est la toute nouvelle question du partage des eaux depuis qu’elle a été remise sur le tapis par l’actuel Premier ministre indien Modi, à la suite de l’attaque d’un camp de l’armée indienne par des séparatistes du Kashmir, que l’Inde accuse le Pakistan d’abriter et de soutenir, et des échanges d’artillerie sur la ligne de contrôle séparant les armées des deux pays au Kashmir.
La prochaine guerre indo-pakistanaise
Pourtant, le traité de l’Indus ratifié par les deux pays en 1960 avait résisté à toutes les tensions et même toutes les guerres qui avaient opposé les deux pays. Le problème est que l’Indus ainsi que les cinq rivières qui ont donné leur nom au Punjab (Jhelum, Chenab, Rawi, Beas, Sutlej) naissent tous en territoire indien, dans le Kashmir, avant de couler en territoire Pakistanais, et que récemment l’ultranationaliste Modi a déclaré que l’Inde, dont les besoins en eaux ont sans doute crû alors que le débit d’eau disponible diminuait, allait construire un barrage géant pour la retenue des eaux de ces rivières parce que ses fermiers en avaient besoin.
En réalité la construction d’un tel barrage nécessiterait des années et le pays ne dispose pas d’un réservoir naturel capable d’emmagasiner une telle réserve d’eau. Même le lac de Srinagar serait insuffisant, à cet effet, l’accroissement de sa retenue pouvant aboutir à de graves inondations en aval.
Toujours est-il que la question de l’Indus en soulève une autre, celle du Brahamaputra, ce fleuve qui naît dans le Tibet chinois et qui chemine parallèlement à l’Himalaya avant de se jeter par le biais de Delta dans le Golfe du Bengale entre le Bengale Indien et le Bangladesh. La Chine aurait l’intention de retenir les eaux du fleuve dans un système de barrages, avec toutes les conséquences économiques et écologiques en aval.
Mais évidemment la question des eaux aggrave la tension politique, et explique également la constance pakistanaise dans son soutien aux séparatistes Kashmiris que l’Inde qualifie de terroristes. Et les risques de confrontation militaire se multiplient : le chef de l’armée de l’air du Pakistan a récemment déclaré que son pays était prêt à parer à toute éventualité et à toute menace, ce qui dans le contexte actuel revient à dire que l’armée n’hésiterait pas à détruire les barrages si le besoin s’en faisait sentir.
Déclarations tonitruantes et bruits de bottes
Des déclarations corroborées par d’autres, en particulier d’Aziz Sertaj, conseiller du Premier ministre pakistanais, affirmant que son pays n’accepterait jamais une prééminence stratégique de l’Inde. Et la possession par les deux pays de l’arme nucléaire ne fait que rendre les risques de confrontation beaucoup plus sérieux.
Du côté indien, on considère que le traité de l’Indus n’est pas immuable et qu’il doit être renégocié; et on insiste évidemment sur le droit à disposer de ses propres ressources hydriques. Mais mis à part de la question de l’eau, qui pourrait être résolue avec de la bonne volonté, c’est le contexte politique général qui inquiète, en particulier les déclarations bellicistes des deux voisins. Le Premier ministre Modi a déclaré que l’Inde soutenait le droit du peuple Baluch du Pakistan à l’indépendance. Et fait sans précédent, après l’attaque d’Uri, de nombreuses voix se sont élevées en Inde appelant au boycott des artistes pakistanais et à leur départ, des films ont été suspendus. Une véritable xénophobie s’est installée évoquant une mobilisation psychologique de l’opinion publique, orchestrée par les médias, en faveur de la guerre.
* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.
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