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La franchise est un frein pour l’industrie tunisienne

Grâce à la franchise, les spéculateurs se convertissent en rentiers, franchisés d’une marque internationale, au risque de poursuivre la destruction de l’industrie nationale.

Par Mohamed Chawki Abid *

Profitant de l’indifférence et de la nonchalance de l’Etat, les affairistes tunisiens continuent d’amplifier le déficit commercial et d’aggraver la désindustrialisation du pays par la promotion de l’exercice de la franchise dans notre pays.

Ayant choisi pour slogan «Ton patron, c’est toi !», la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Tunis et l’Association tunisienne de la franchise (ATF) organisent la 6e édition du Salon Tunis-Med-Franchise.

Par ce forum, les organisateurs invitent les prédateurs et les spéculateurs à se convertir en «rentiers, franchisés d’une marque internationale» et à implanter des projets de distribution de biens de consommation importés.

Descente aux enfers de l’industrie tunisienne

Evidemment pour soigner sa vitrine, le président de la CCI déclare que «la franchise peut jouer un rôle important dans la promotion des exportations tunisiennes en facilitant leur accès aux marchés internationaux».

Il y a lieu de rappeler que depuis une vingtaine d’années, le secteur des «industries manufacturières» continue à se battre dans une crise existentielle, qui s’est confirmée par la chute de sa contribution dans la formation du PIB de 23% en 1993 à 15% en 2014, cédant ainsi sa place au secteur de la distribution de produits importés (concessionnaire auto, hyper/supermarché, magasins franchisés, etc…) et au service non marchand.

Cette décadence s’est traduite sur le terrain par le ralentissement du rythme de réalisation de projets industriels ainsi que par la fermeture de 4.400 petites et moyennes industries (PMI) et la perte de plus de 250.000 emplois, selon récente étude de l’Agence de promotion de l’innovation industrielle (APII).

Cette descente aux enfers des industries manufacturières nationales est imputable au refus infondé de l’administration tunisienne d’enclencher les «mesures de sauvegarde» prévues dans la législation tunisienne (lois 96-106 et 99-09) ainsi que dans l’Accord de libre-échange scellé avec l’Union européenne (UE) en 1995 (Article 35), face au déluge des importations des biens de consommation de divers pays ayant porté préjudices à plusieurs secteurs: textile, cuir et chaussure, ameublement, etc.

En effet, les mesures de sauvegarde prévues à l’article XIX de l’Organisation mondiale du commerce (0MC, ex-GATT) de 1994, sont définies comme étant «des dispositions d’urgence concernant l’accroissement des importations de produits particuliers, lorsque ces importations causent ou menacent de causer un dommage grave à la branche de production nationale du membre importateur».

L’ampleur de la casse

S’agissant de l’étude de l’APII publiée en septembre 2016, elle a confirmé, qu’en terme de moyenne annuelle entre 2011 et 2016 :

– environ 800 projets industriels déclarés ne sont pas réalisés (totalisant ≈30 000 emplois projetés);

– environ 300 nouvelles entreprises industrielles sont créées, contre une moyenne de ≈700 entre 2005 et 2010;

– environ 500 PMI sont fermées pour difficulté financière et insuffisance compétitive (soit une perte de ≈30.000 emplois), contre une moyenne de ≈300 entre 2005 et 2010 (avec approximativement une perte de ≈20.000 emplois).

Quand nous avons des responsables dévoués aux intérêts des puissances extérieures aux commandes de l’exécutif, nous ne pouvons nous attendre qu’à des projets de franchises: chaînes spécialisées, hyper/supermarchés, concessionnaires auto, restauration de marque, etc..

* Ingénieur économiste.

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