La Tunisie a enfanté des dirigeants syndicaux exceptionnels comme Hammi et Hached. Elle a aussi enfanté le sieur Yaacoubi, dont l’irresponsabilité est tout aussi exceptionnelle.
Par Tarak Arfaoui *
La «syndicalite aiguë» est une maladie pernicieuse qui s’est abattue sur la Tunisie. Ces derniers temps, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), un monument historique national, est en train de dériver dans les méandres des revendications insidieuses et irréalistes sous l’emprise de certains dirigeants qui ont malheureusement l’air de confondre syndicalisme, corporatisme et ambitions politiques sournoises. Farhat Hached, fondateur de la centrale syndicale qui a fête l’année dernière son 60e anniversaire, doit bel et bien se retourner dans sa tombe.
Il serait superflu de rappeler l’extrême importance de l’UGTT dans la l’histoire sociale contemporaine de la Tunisie aussi bien dans son combat pour l’indépendance que celui pour le développement économique du pays.
Il serait aussi fastidieux de rappeler la stature et l’envergure de ses dirigeants historiques (Mohamed Ali Hammi, Farhat Hached, Habib Achour…), personnalités emblématiques qui ont marqué de leur empreinte le militantisme syndical authentique et sincère, défendant à la fois l’intérêt des travailleurs et celui du pays.
L’UGTT à la croisée des chemins
Malheureusement, les récents événement sociaux qui secouent le pays dénotent clairement que les années glorieuse de l’UGTT sont bien révolues et que la centrale syndicale, prise au piège des tiraillements politiques et des luttes claniques entre divers courants idéologiquement opposés, a été transformée en une véritable boite de Pandore semant un vent maléfique sur le tissus social du pays.
Les grèves roulantes se suivent dans tous les secteurs et brisent l’élan du pays vers le progrès. Des arrivistes de tous bords, démocratie oblige (un atout qu’il faut reconnaître à l’UGTT) ont été propulsés à des postes de haute responsabilité, auxquels leur inculture, leur incompétence, leur soif de pouvoir et leur immaturité politique ne prédestinaient nullement, prennent de graves décisions qui engagent l’avenir du pays et de nos enfants sans qu’ils soient rappelés à l’ordre.
Tout le monde attendait de la nouvelle direction de l’UGTT, issue de son dernier congrès, un effort substantiel afin d’apaiser les tensions sociales et de pousser les travailleurs à des sacrifices conséquents pour faire sortir le pays du marasme économique et social dans lequel il est empêtré.
Malheureusement ni les chiffres record du taux de chômage (600.000 chômeurs dont 30% de diplômés universitaires) ni la dette vraiment inquiétante (dépassant désormais 60% du PIB) obligeant le pays à quémander de l’argent chez les bailleurs étrangers pour assurer les salaires des fonctionnaires et… rembourser ses dettes anciennes, ni la faiblesse du taux de croissance (chiffré à 1% cette année pour les plus optimistes), ni le désengagement des centaines d’investisseurs qui ont mis les clés sous la porte, lassés par les grèves roulantes, n’ont été de sérieux signaux d’alarme pour les (ir)responsables syndicaux actuels.
Et comme pour donner le ton, Noureddine Taboubi, le nouveau secrétaire général de l’UGTT, n’a pas trouvé mieux, dans sa première déclaration officielle aux médias, que de demander la tête de Néji Jalloul, le ministre de l’Education nationale (pour quels motifs?), emboîtant le pas à Lassaad Yaacoubi, le secrétaire général du syndicat de l’enseignement secondaire, qui lui en fait une affaire personnelle.
Le syndicalisme outrancier, une nouvelle tare nationale
La Tunisie, pays d’hommes exceptionnels, a certes enfanté Hammi et Hached, mais aussi le sieur Yaacoubi, un homme dont la bêtise et l’irresponsabilité sont tout aussi exceptionnelles.
M. Jalloul qui, malgré ses maladresses, a eu l’outrecuidance de secouer le cocotier de son ministère, noyé dans des programmes anachroniques, miné par les absences injustifiées des enseignants et gangrené par l’épidémie des cours particuliers, gène certains tire-au-flanc de la centrale syndicale, qui se sont tous donné le mot d’ordre de l’abattre comme d’autres ministres qui dérangent et dont le tour viendra (Samir Taieb à la tête de l’Agriculture ou Majdouline Charni à la Jeunesse et Sport).
Il s’agit la d’un véritable exploit national, certainement unique dans les annales du syndicalisme mondial, où une centrale syndicale organise des grèves non pas pour des revendications sociales mais pour faire destituer un ministre.
Dorénavant, en Tunisie, un ministre doit être aux bottes des syndicats et n’a de compte à rendre ni au chef du gouvernement qui l’a nommé ni au parlement! Ou va t on ?
* Médecin de pratique libre.
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