1- Salah Ben Youssef et Tahar Ben Ammar. 2- Lazhar Chraïti et les Fellagas. 3- Habib Bourguiba et Lamine Bey.
La justice transitionnelle demeure, en Tunisie, un moment historique et un moyen de rendre justice à tant de victimes de nos régimes autoritaires.
Par Noura Borsali *
Le séminaire doctoral sur «la mémoire, l’histoire et la justice transitionnelle» en Tunisie, au Maroc et en Pologne organisé, le samedi 8 avril 2017, par le professeur Habib Kazdaghli, historien-universitaire et doyen de la Faculté des Lettres de la Manouba, a été, pour moi, une belle opportunité pour aborder toutes ces questions dans le calme et la sérénité qu’exige un espace universitaire, loin de tout ce brouhaha hostile à la justice transitionnelle et à l’Instance Vérité et Dignité (IVD).
A ce séminaire ont été invités Patrick Pleskot (chercheur à l’Institut de la Mémoire Nationale de Pologne), Houria Esslami (Conseil national des droits de l’Homme, CNDH, Maroc) et Jérôme Heurteaux (chercheur à l’IRMC ayant travaillé sur l’expérience polonaise), Béchir Yazidi (chercheur à l’Institut supérieur d’histoire de la Tunisie contemporaine, ayant dirigé une unité sur les témoignages oraux) et moi-même (ex-membre de l’IVD).
Nous avons tenté, chacun à sa manière, d’apporter des informations et des éclaircissements importants sur les diverses expériences de justice transitionnelle ou de travail sur les témoignages oraux dans nos pays respectifs.
Dévoiler des vérités sur l’état des violations,
Pour moi, le processus de justice transitionnelle demeure, sans conteste, un des piliers fondamentaux de la transition démocratique. Bien évidemment, et en dépit de ma démission de l’IVD, à aucun moment, il n’a été question, pour moi, de dénigrer l’IVD, ni sa présidente, ni ses membres restants.
J’ai tenu, en respectant mes profondes convictions, à tracer le parcours de justice transitionnelle qui demeure, à mon sens, méconnu même par une certaine élite parce que diabolisé par des forces obscures qui ont fini par exprimer leur hostilité au grand jour.
Au vu du retour arrogant de certaines figures ayant servi l’ancien régime et profité de ses privilèges (contre services rendus), on ne peut que s’attacher davantage au processus de justice transitionnelle. Ce dernier a, en effet, le mérite de dévoiler des vérités sur l’état des violations, de briser le silence en donnant la parole aux victimes devant lesquelles nous nous inclinons, en les réhabilitant, en déterminant les responsabilités de tant d’abus et enfin en réconciliant le Tunisien avec ses institutions, son histoire, en somme son pays. Pour qu’à l’avenir toutes ces histoires autoritaires et répressives ne se répètent plus.
Certes, le processus de justice transitionnelle, dans notre pays, connaît des heurts et des erreurs et n’est pas au-dessus de tout soupçon. Et cela est dû à différents facteurs et diverses responsabilités allant du pouvoir judiciaire à certains partis politiques, voire à certaines composantes de la société civile, sans négliger de toute évidence les problèmes internes que connaît l’IVD ainsi que son instrumentalisation au profit de certaines tendances politiques. Ajoutons à cela le contexte d’hostilité et de manipulations politiciennes dans lequel se meut l’IVD.
Faut-il reconnaître que, dès le départ, le processus était biaisé? Mais l’on pourrait aussi incriminer la complexité de la justice transitionnelle qui est une expérience première et unique dans notre histoire.
Oui, il est de notre droit de critiquer l’IVD quand il y a des failles et des erreurs mais, en aucun cas, nos critiques ne doivent se transformer en campagnes mensongères, personnalisées et haineuses.
Nous avons tant besoin de critiques constructives qui nous aident à avancer, à améliorer l’état des choses et à garantir le succès à une expérience réparatrice des maux dont a souffert le pays depuis plus de soixante ans dans un contexte où la mémoire de l’oubli semble l’emporter. En dépit de tous les griefs qu’on peut lui adresser, la justice transitionnelle demeure, dans notre pays, un moment historique que nous ne vivrons plus de sitôt parce qu’un moyen de rendre justice à tant de victimes de nos régimes autoritaires.
Ce sont mes profondes et sincères convictions.
P.S. : J’aurais souhaité qu’un(e) représentant(e) de l’IVD ait été convié(e) à ce séminaire. Nous aurions eu des regards croisés fort intéressants.
* Ecrivain, auteur de l’ouvrage ‘‘Bourguiba à l’épreuve de la démocratie’’ paru en français en 2008 et 2012, et en arabe, en 2016, الديمقراطية والمسالة بورقيبة (sélectionné par le jury du Prix Sadok Mazigh de la traduction de la Foire internationale du Livre de Tunis, 2017).
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