La visite, aujourd’hui, du chef du gouvernement Youssef Chahed, à Tataouine, ne semble pas avoir calmé la colère des habitants de cette région déshéritée. Et pour cause…
Par Salah El-Gharbi
Partie de la région de Tataouine, la grogne «populaire» gagne du terrain et les protestations, de moins en moins pacifiques, prennent des proportions inquiétantes.
Partout, on revendique à l’unisson «le droit au travail et au développement» et on appelle au partage des richesses…
A Tataouine, au fin fond du sud tunisien, les manifestations et les sit-in ne suffisent plus; les activistes, encadrés par le bureau régional de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), cherchent, désormais, à geler l’activité des sociétés pétrolières, en bloquant les routes qui mènent aux champs pétrolifères. Et l’escalade continue.
Pis encore, ces mouvements de protestation ont, depuis lundi 24 avril 2017, un comité national, constitué de syndicalistes d’extrême gauche (à leur tête Kacem Aifa, le rival de Noureddine Taboubi au poste de secrétaire général de l’UGTT, lors du dernier congrès de l’organisation) et de droits-de-l’hommistes notoires, et qui se propose de défendre les droits des manifestants et de «les protéger contre les éventuelles persécutions des autorités».
En somme, le pays, déjà meurtri, est sur un volcan. Et il semble que face à cette situation inédite, pire que tout ce que la population avait connu sous la «révolution» de janvier 2011, il n’y ait pas d’issue.
Côté gouvernement, on est tétanisé, incapable de circonscrire les foyers de contestation et de calmer la colère, chaque jour plus grande, impuissant face à ces jeunes désœuvrés, manipulés et embrigadés par les apprentis politiciens cyniques qui, profitant des maladresses des gouvernants, cherchent à déstabiliser le pays.
Où est le président de la république Béji Caïd Essebsi? Où est son fils Hafedh, qui se targue d’être le chef de Nidaa Tounes, le parti vainqueur des dernières élections et dont le chef du gouvernement Youssef Chahed est issu? Où sont les partis qui forment le gouvernement d’union nationale, à commencer par le parti islamiste Ennahdha, dont on ne sait plus s’il est au pouvoir ou dans l’opposition?
Tous sont aux abonnés absents, la tête enfouie dans le sable en attendant que l’ordre règne et que la paix sociale revienne miraculeusement. On préfère attendre pour voir, en se contentant de s’occuper à préparer les élections à venir en rouvrant les locaux de partis fermés depuis deux ans, en badigeonnant les murs et en préparant les chaises pour accueillir le public des partisans.
De cette situation explosive, le président autant que son fils et que son «Premier ministre» sont, à des degrés différents, responsables. Car, en accédant aux responsabilités, après voir promis monts et merveilles, ils ont montré qu’ils ne sont pas à la hauteur des attentes de la population et au lieu de restaurer l’autorité de l’Etat et de veiller à mériter la confiance de la population, ils ne font, depuis des mois, que gesticuler, ronronner, tourner en rond, entourés des éternels ronds de cuir, aussi incompétents et inutiles que et mielleusement opportunistes.
Désormais, le pays est livré à lui-même, trahi par la lâcheté et la cupidité de sa classe politique, jeté à la merci des mouvements de masses et du délire vénéneux des extrêmes.
Désormais, le pays est livré aussi à ceux qui ne savent que dénoncer le modèle de développement erroné et les choix économiques prétendument dictés par les institutions financières internationales, tout en continuant à se la couler douce – et à se faire payer leurs gros salaires de fin mois – dans les salons feutrés de la capitale.
Le pays est en proie à ceux qui appellent au «changement démocratique, social et économique afin de réaliser les objectifs de la révolution», sans proposer la moindre solution qui vaille.
Aujourd’hui, il est vrai que le pouvoir, en perte de crédibilité et de légitimité, est impuissant. Et c’est cette impuissance qui nourrit les appétits de ses adversaires et en particulier tous ceux qui n’avaient pas eu les faveurs des urnes, ni en 2011 ni en 2014 et qui cherchent à prendre leur revanche en se cachant derrière des slogans creux, des discours démagogiques et des prises de position irresponsables, jetant de l’huile sur le feu, mettant en danger la paix sociale et compromettant, ainsi, la relance d’une économie exsangue.
Que ces illuminés sachent qu’à force de parler de «régions marginalisées», on finit par démobiliser les jeunes de ces contrées, en étouffant, chez eux, toute velléité d’action, en tuant, en eux, tout esprit d’initiative, en les réduisant, ainsi, à des assistés qui ne rêvent que d’«une planque» dans la fonction publique.
La vraie révolution consisterait à libérer les énergies, à encourager les initiatives et à donner un nouvel espoir pour la jeunesse. La victimisation ne saurait être une solution pour résoudre une question aussi cruciale que celle du chômage.
Les discours populistes qui cherchent à séduire les âmes fragiles ne font qu’exacerber les frustrations, provoquer des colères malsaines et générer des désordres qui, en fin de compte, ne bénéficieront pas à ceux que l’on prétend défendre.
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