Chafik Jarraya, baron de la corruption / L’armée tunisienne, rempart pour la patrie.
On s’étonnait récemment que l’armée ait été envoyée contre le peuple manifestant au lieu d’être mobilisée contre le monstre de la corruption. Aujourd’hui, c’est elle qui s’attaque au monstre.
Par Amor Cherni *
Ce qui est en train de se passer, ces jours-ci, est la chose la plus importante depuis la révolution. Nous sommes en train d’abattre le vrai système du despotisme qui a pour nom la CORRUPTION ! Espérons que ce processus aille jusqu’à son terme. Mais d’abord, qu’est-ce que la corruption?
Depuis longtemps, la corruption a été conçue comme une maladie contagieuse. Les corrompus ne sont jamais corrompus seuls. Ils ne le sont que dans la mesure où ils corrompent les autres. C’est une sorte de gangrène qui frappe un organe du corps sain et qui s’étend au reste.
Qu’est-ce que la corruption?
A l’origine, chez les Grecs, elle avait un sens physique et signifiait la décomposition des corps composés et la mort des êtres vivants. Au Moyen âge, elle prend un sens moral et s’applique de préférence aux dirigeants politiques. Pour al-Fârâbî, elle désigne une maladie du pouvoir qui frappe le gouvernant et qui le fait agir, non pour le bien de ses gouvernés, mais pour le sien propre. Elle s’étend, ensuite, aux citoyens, dont chacun n’agit que pour son propre compte et détruit ainsi «l’entraide» qui est le fondement de la cité.
Il s’agit donc d’une pathologie, d’une perversion, ou d’une dénaturation, qui change le bien en mal et l’utile en nuisible. La métaphore la plus courante qui est employée à son endroit est celle de la transformation des remèdes en poison.
Elle s’applique à l’homme politique qui, au lieu de conduire son peuple vers le bien, le conduit plutôt vers le mal qu’il diffuse autour de lui et dans toute sa société, perdant par là sa légitimité, gouvernant par la force et la peur et se transformant en tyran ou despote.
C’est ce sens qui a été retenu et reconduit dans les sociétés modernes, où le pouvoir politique devient une source d’enrichissement personnel et familial, s’adjoignant nombre d’individus qu’il s’asservit et utilise pour asservir le peuple.
Un système de clientélisme et de passe-droits
C’est précisément ce qui s’est passé chez nous depuis le milieu des années 60 et la maladie de Bourguiba. Il s’est constitué alors des groupes politiques, exerçant le pouvoir en son nom, mais à leur profit et à ceux de leurs familles. Pour perpétuer leur hégémonie, ils ont dû instituer un système de clientélisme par des privilèges et des passe-droits. Ce système pourri a abouti au fameux coup d’Etat du 7 novembre qui a engendré un régime franchement despotique, exploitant au maximum les ressorts de ce système et l’adoptant comme forme de gouvernement.
La révolution a fait chuter le despote, mais a été incapable jusque-là d’abattre le despotisme qui, profitant de l’affaiblissement de l’Etat, s’est accru jusqu’à noyauter dangereusement ses structures administratives et politiques. L’instauration de la démocratie lui a ouvert encore un nouveau «marché», assez juteux du reste, qui a pour nom «les élections»! C’est là qu’il a découvert un excellent domaine d’investissement où le taux de profit était à la hauteur de ses calculs. Il y avait des voix, des candidats, des députés, des ministres, etc., à «acheter» et à «vendre» à prix d’or. Il a prospéré et a pris vigueur et fermeté jusqu’à se croire devenu le maître des lieux.
Les masses populaires, les partis de gauche et l’UGTT n’ont jamais cessé de demander sa tête. Mais hélas ! C’était prêcher dans le désert ! Le nouveau président a même tenu, avec opiniâtreté, à présenter une loi qui «blanchit» ce phénomène. Récemment, l’auteur d’un papier sur Kapitalis, s’étonnait que l’armée ait été envoyée contre le peuple manifestant au lieu d’être mobilisée contre ce monstre !
Aujourd’hui on apprend que c’est cette même armée, avec l’aide des manifestants contre lesquels on l’a envoyée, qui s’est attaquée au monstre, l’ayant surpris en flagrant délit de subversion et de mise en danger de la sécurité nationale ! Encore une fois, c’est l’union du peuple et de son armée qui nous sauve du danger.
Est-ce là une «ruse de l’Histoire»? Espérons que cette mère généreuse des peuples opprimés, déjà venue à notre secours un certain 14 janvier, ne nous abandonnera pas aujourd’hui et que, devenue depuis notre amie, elle continuera à nous assister pour venir à bout de bien d’autres monstres qui s’appellent, entre autres, évasion fiscale, économie parallèle, FMI, terrorisme, etc. Que vivent notre grand peuple et notre vaillante armée !
N’avons-nous pas appris, enfants à l’école primaire, «l’armée est un rempart pour la patrie !».
* Académie Tunisienne des Sciences, des Lettres et des Arts.
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