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La Poste Tunisienne: Une entreprise résiliente

 

Grâce à un travail de recomposition, de reconstruction et de projection vers des perspectives nouvelles, la Poste Tunisienne a prouvé sa capacité de résilience.

Par Khaled Neji *

À l’heure où l’économie tunisienne subit les chocs politiques, économiques, financiers et technologiques, nous nous devons d’apporter une source de réflexion stimulante pour préparer l’avenir et se prémunir contre les chocs imprévus… et imprévisibles.

Face à de graves difficultés liées aux dysfonctionnements de la chaîne de production, la baisse de la productivité, les échecs commerciaux, l’impasse stratégique, la baisse des investissements…, certaines entreprises révèlent une capacité spécifique à surmonter leurs difficultés. On parle alors d’entreprises résilientes.

S’il est indéniable que la Poste Tunisienne, premier acteur logisticien de bout en bout, a réalisé des progrès en matière de développement du réseau et des services, reflété par plusieurs distinctions internationales décernées à la Tunisie, ainsi que d’avoir su se prémunir des impacts négatifs du marché des échanges des correspondances et des biens, ceci ne doit pas faire illusion sur l’état de développement postal tunisien en général.

En effet, le paysage n’est pas uniforme et cache des disparités, notamment entre le domaine des services financiers et les systèmes liés aux couloirs des échanges d’une part, et le domaine des activités logistiques postales et des nouvelles technologies, d’autre part.

L’ Association tunisienne de la supply chain et de la logistique (Aslog Tunisie) a brossé l’ensemble de l’étendu des processus d’exploitation des plateformes de la Poste Tunisienne et la première remarque soulevée dénote d’un sursaut salvateur pour cette entreprise publique d’importance capitale pour l’ensemble du tissu économique et commercial national, tant elle est le seul fournisseur ayant un portefeuille de prestations le plus complet dans l’e-commerce, alliant tout types de paiements électroniques et de satisfactions des commandes clients avec parfois quelques difficultés dues au manque de moyens et ressources humaines.

Si l’activité financière de la Poste Tunisienne connaît un essor certain et à tous les niveaux (épargne, chèques postaux, monétique, poste assurance, Sicav, transfert d’argent…) et assure une part de marché non négligeable sur ces segments, le domaine de la logistique postale souffre depuis une dizaine d’années de disparité et d’insuffisance au niveau de la production et de la productivité.

Nonobstant l’environnement économique et social qui a prévalu depuis 2011 et les incertitudes ayant touchées les marchés, la Poste Tunisienne a entrepris, ces derniers temps, une montée au créneau très salvatrice.

En effet, l’analyse de près des différents processus démontre que la poste tunisienne a entrepris, plusieurs initiatives et projets pour remédier aux insuffisances ayant impacté négativement son réseau logistique, tels la rénovation et la création de nouveau bureaux de poste, l’adaptation des horaires d’ouvertures au public, la mise à niveau du réseau Rapid Poste et des Colis Postaux, la diversification des offres commerciales et la révision de la tarification pour encourager les entreprises exportatrices de recourir à un réseau fiable et partenaire, le tout adossé en fin de compte à un partenariat solide avec la Poste allemande (DHL International), arraché de toute force et qui permettra à la Poste Tunisienne dans un très proche avenir d’assurer une ouverture internationale aux réseau des échanges fiable et rapide.

Une collaboration très étroite avec le Centre de promotion des exportations (Cepex) a été engagée pour encourager l’export des biens et marchandises des entreprises tunisiennes avec le développement d’une approche commerciale (qui reste à améliorer davantage), outre le développement de l’e-commerce, l’implémentation du projet pilote de l’Union Postale Universelle (UPU) «Easy Export» et «e-com Africa» en Tunisie via un accord avec l’UPU, sans omettre le projet de refonte et de reconstruction du réseau de distribution, talon d’Achille de la Poste Tunisienne et la restructuration des plateformes d’exploitation.

Trois mots d’ordre : optimiser, personnaliser, internationaliser

Toutes ces actions ne sont pas le fruit du hasard. En effet, la Poste Tunisienne a décidé de ne pas abdiquer et de batailler pour survivre avec d’une part le choix de maintenir et améliorer le marché traditionnel actuellement hyper-concurrentiel de la logistique postale (de la collecte à la distribution et retour d’information) et d’autre part de s’engager à fond dans les services électroniques et autres services satellites à valeur ajoutée ainsi que d’appuyer davantage les services financiers notamment via le développement de l’usage des cartes de paiements électroniques , le tout dans une approche participative qui s’améliore de jour en jour.

En suivant de prés les critères d’évaluation des (IPL) rapportés aux dernières réalisations de la Poste Tunisienne, surtout au niveau des infrastructures, de la desserte et de la réactivité aux rebondissements du marché, cette dernière a fait d’énormes progrès malgré quelques retards dans la réalisation de certains processus, qui du reste sont tributaires de disponibilité des RH spécialisés et formés, et d’investissements pour le cours et le moyen terme.

Après des années de turbulence, de mauvaise gouvernance, d’orientations stratégiques initiées à la hâte, l’apparition d’une concurrence déloyale, la Poste Tunisienne a pu rebondir et mériter le statut d’une entreprise résiliente qui a su après une défaite se galvaniser et préparer le terrain pour un avenir meilleur.

Elle doit cependant accroître ses exigences en termes de qualité et de productivité et espérer en même temps une rationalisation des coûts. Et doit également prendre en compte de nouvelles contraintes telles que l’impossibilité de prévoir à court termes l’évolution de la demande, l’instabilité des prix du carburant, ou encore les potentiels excédents ou manquants des flux et le dysfonctionnement des autres chaînes de production non maîtrisables par la poste tels que la douane (à l’échelle international) ou les compagnies aériennes chargées du transport.

Pour s’adapter et s’imposer comme un véritable partenaire stratégique, la Poste Tunisienne doit encore, selon notre analyse, relever 3 enjeux clés.

L’optimisation les coûts. Gagner en flexibilité, mieux gérer l’entreposage et massifier les flux sont des passages obligés pour consolider et améliorer la rentabilité des structures postales.

Dans cette optique, la mutualisation apparaît comme une solution centrale. C’est notamment le modèle adopté par les plus grands logisticiens tels Carrefour, ID Logistics ou DHL qui mutualisent les flux des petits fournisseurs de l’enseigne.

Dans ce cadre la Poste Tunisienne a déjà amorcé le virage du plan d’intégration des produits tel que prévu par la stratégie postale de l’UPU avant les dates limites.

La maîtrise de la logistique urbaine et le perfectionnement des systèmes d’information (IPS, RFID, GMS…) ou le recours au lean logistics sont d’autres leviers pour améliorer leur efficacité.

L’extension des services vers plus de valeur ajoutée. Pour répondre aux nouvelles exigences des clients, la Poste Tunisienne doit proposer une offre la plus personnalisée possible et adaptée à leurs spécificités sectorielles.
Cela passe notamment par une meilleure connaissance des secteurs clients (à l’image des offres «DHL Pharmaplus» et «Clinical Express» de DHL et TNT dédiées à l’industrie pharmaceutique) et par la multiplication de services étendus : co-manufacturing, co-packing, reverse logistic, e-logistique, etc. (source : Xerfi).

La mise en place de solutions mondiales de pilotage et de distribution des flux. Pour accompagner l’internationalisation de ses clients, la poste tunisienne se doit de compléter ses offres par un service d’organisation de transport et de distribution à l’international pour toute la gamme des services postaux, e-com, colis et de fret.
En guise de conclusion, faut il tout d’abord souligner que la résilience de l’entreprise postale tunisienne est avant tout un processus, et non pas un état. Par conséquent nous pouvons affirmer qu’après les conséquences de la crise économique et sociale vécue par la Tunisie, l’attaque frontale des concurrents déloyaux, l’absence de modèle d’affaires des différents décideurs qui se sont relayés à la tête de la Poste Tunisienne, l’obsolescence de certaines technologies associées à une crise managériale, la Poste Tunisienne fait preuve de résilience et parvient à surmonter en tirant parti de prédispositions, de compétences et de ressources.

Mais il ne s’agit pas d’un simple retour à la normale, car surmonter ce choc traumatique exige la reconnaissance d’une nécessité de reconversion et un travail de recomposition, voire de reconstruction et de projection vers des perspectives nouvelles. Cette résilience va faire profondément évoluer l’identité même de la Poste, et rien ne sera plus jamais comme avant.

La qualité et la variété des relations humaines en interne comme avec le monde extérieur, pour ne citer que ces aspects, sont déterminants dans les chances de l’organisation postale de pouvoir se ressaisir durablement. En effet, le fait de maintenir l’enracinement de la Poste Tunisienne dans sa forte culture citoyenne a été une condition déterminante dans le redéploiement vers de nouvelles activités tout en assurant une continuité avec un héritage.

La force de la culture d’entreprise et des valeurs préexistantes aux chocs telles que la stabilité, la confiance, la créativité et l’imagination notamment, peuvent permettre à la Poste Tunisienne de surmonter ses difficultés, en analysant, en comprenant, en l’exprimant, et surtout en le dépassant. Par ses prédispositions à la résilience, l’entreprise postale nationale peut rebondir là où d’autres s’effondrent.

La Poste Tunisienne se doit aussi de contribuer à intégrer l’échec comme source d’expérience, car on sait que si elle continue à être orienter vers l’écoute et l’innovation, alors elle doit savoir intégrer l’échec, l’affronter, l’analyser pour mieux le surmonter et poursuivre son développement.

De fait, la résilience de l’entreprise postale tunisienne et sa capacité à surmonter ses difficultés ne doit vraiment rien au hasard. Elle le doit tout d’abord aux essais réussis dans leur majorité à assainir un climat social favorable au travail, à ses femmes et à ses hommes imprégnés de l’esprit d’appartenance, à leur expérience, à la fougue et à la dynamique de sa jeunesse, et surtout à l’écoute et à la réactivité de ses dirigeants et leur volonté à assainir le climat et l’environnement des affaires de la poste dans toutes ses composantes.

L’espoir est permis, la caravane passe et pose ses piliers, laissons lui le temps de mûrir car cette entreprise publique nationale est capable de rendre de précieux services à l’économie tunisienne en général.

* Président de l’Association tunisienne de la logistique.

 

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