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La Tunisie n’a pas besoin de textes de lois, mais d’une vision

En 7 ans, nous avons eu droit, en Tunisie, à 13 lois de finances et plus que 500 nouvelles mesures fiscales. Il n’y a pas mieux pour rendre notre système fiscal non maîtrisable.

Par Anis Wahabi *

Pour ceux qui s’intéressent à la programmation neurolinguistique, la pyramide de Dilts décrie 5 niveaux logiques qui accompagnent le développement humain. Ça part de l’environnement, puis la compétence pour arriver à la capacité. Mais pour dépasser le «piège» de l’identité, il faut avoir une vision.

Notre Tunisie est l’illustration même de cette pyramide, ne serait-ce que pour la période post-révolution qui nous a bloqués dans une crise identitaire profonde.

Une crise que nous n’arrivons pas à nous défaire, même avec une coalition politique qui brasse large et un nième dialogue national.

L’art de brasser du vent

Nous avons cru à une «Tunisie en marche» ou «un changement ensemble maintenant» avec un chef de gouvernement qui vient tout juste de dépasser la quarantaine. À la vitesse avec laquelle les choses «avancent», nous sommes loin du compte. Je dirais même que le verbe «avancer» n’est pas approprié, quant notre classement mondial en termes de compétitivité recule de 63 positions en 7 ans, ou quand la Banque Mondiale nous mets en 77e position en matière de facilité des affaires en 2017 au lieu de la 55e cinq ans avant.

Qu’a-t-on fait durant ces 7 dernières années pour sombrer dans ce gouffre? Mise à part la crise identitaire dans laquelle nous nous somme coincés, à chaque fois que deux choix se pressentent, nous avons eu l’«intelligence» de choisir le plus difficile. Partant de la lumineuse idée de partir d’une page blanche pour mener la réforme constitutionnelle, jusqu’au choix pris par le premier président tunisien élu démocratiquement de mélanger figue et raisin. Si en cuisine cela dépend des goûts, en matière de gouvernance des pays, cela s’appelle «laisser passer une opportunité historique».

Avec un régime parlementaire d’amateurs, nous nous somme pris à produire des textes, des textes de tout genre et qui touchent à tout : au blanchiment d’argent alors qu’on a déjà une loi qui date d’une dizaine d’années, au redressement des entreprises en difficultés alors qu’on n’a rien ajouté à l’ancienne. Après avoir créé une loi régissant chaque instance constitutionnelle indépendante (Isie, CSM, INLCC, etc.), nos leaders ont jugé bon de rédiger une loi qui régi l’ensemble de ces lois. Si vous trouvez un mot plus expressif que «gâchis», dites le moi.

Ô combien les débats stériles sont capables et reproduire des idées ! Ô combien ils sont capables de pondre des lois incolores, inodores, comme l’eau qui coule au-dessus de notre économie !

Un pouvoir législatif hyperactif pour brasser du vent et ajouter de la complexité à la confusion. 

Un sentiment trompeur de changement

Si au cours des premières années de l’indépendance, nous avons eu un pouvoir législatif hyperactif, c’est parce qu’il y avait un État jeune à bâtir. En revanche, la diarrhée de textes que nous subissons aujourd’hui ne peut qu’esquinter l’Etat. Non seulement parce que cette situation est à l’origine d’une instabilité législative accrue, mais aussi parce qu’elle crée un sentiment, ô combien trompeur de changement.

En 7 ans, nous avons eu droit à 13 lois de finances et plus que 500 nouvelles mesures fiscales. Il n’y a pas mieux pour rendre le système fiscal non maîtrisable. Telle que ça s’annonce, nous aurons une 14e, et probablement une 15e loi de finances qui vont nous ôter les quelques acquis de «citoyenneté» à laquelle nous avons espéré, pour nous engouffrer, encore une fois, dans le grade de «sujet».

Les circulaires de la Banque centrale se multiplient pour serrer les ceintures et faire obstacle à la fuite de devises. Des centaines de pages de circulaires qui n’arrivent pas à soutenir les réserves au-delà du seuil psychologique de 90 jours. Au contraire, la réglementation tunisienne en matière de change est préhistorique, «à l’âge» de ceux qui la gouvernent. Idem pour la réglementation du numérique. C’est tout à fait logique quand on laisse notre sort dans les mains de gens dont l’esprit est plus âgé que la calculatrice, et quand l’économie du pays est gérée par des gens dont les références idéologiques remontent à la période abbasside.

La Tunisie n’a pas besoin de nouvelles lois, mais plutôt de vision. Une vision qui nous montre le chemin, qui place la barre à la hauteur de nos rêves, qui impose l’application de la loi, qui simplifie la vie au citoyen et donne envie aux promoteurs d’y investir et de s’investir.

La Tunisie a besoin de gens qui dirigent le modèle de société pour qu’il devienne conciliant et le modèle économique pour qu’il devienne créatif.

La Tunisie a besoin de leaders capables de renforcer la capacité opérationnelle de l’Etat, des administrations, des entreprises publiques et privées.

En attendant que ces leaders soient nés, nous gagnerons à laisser le système stable, pas par suffisance, mais pour maintenir les derniers acquis.

* Membre du conseil de l’ordre des experts comptables.

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