L’inscription de la Tunisie sur la liste des paradis fiscaux de l’Union européenne (UE) aurait pu être évitée et pourrait être réparée.
Par Imed Bahri
C’est ce qu’a indiqué Patrice Bergamini, représentant de l’Union européenne (UE) à Tunis, dans un entretien avec la Radio nationale, aujourd’hui, mercredi 7 décembre 2017.
Interrogé sur les circonstances et les conséquences de l’annonce, hier, de l’inscription de la Tunisie dans la liste des 17 pays considérés par Bruxelles comme des paradis fiscaux, M. Bergamini a tenu à rappeler le processus qui a abouti à cette décision.
Il a commencé par souligner un point qu’il considère important. «Depuis plus d’un an que je suis ambassadeur de l’Union européenne en Tunisie, nul ne peut douter de la sincérité de mon soutien et de mon engagement en faveur de la Tunisie et le succès de sa transition social et économique», a-t-il dit, en s’engageant «à régler rapidement ce problème en concertation avec les autorités tunisiennes», dont il dit comprendre la perplexité.
Un «problème de calendrier»
Cette question est sur la table des ministres des finances de l’UE depuis septembre 2016. Un an plus tard, en janvier 2017, une liste a été établie de 92 pays devant s’engager à lutter contre l’évasion fiscale, la non-équité fiscale, le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent, et la Tunisie en faisait partie. Vingt pays ayant répondu clairement et immédiatement aux questions posées par Bruxelles, la liste a été réduite, en juin 2017, à 72 pays, dont 47 se sont engagés sur un calendrier de clarifications, d’explications et de réformes avant le 17 novembre de cette année.
Pour étudier ce dossier, les 28 ministres des Finances de l’Union européenne se sont réunis, hier, mardi 5 décembre, et ont annoncé la liste des 17 pays qui n’ont pas présenté les clarifications et les engagements demandés, dont, bien sûr, la Tunisie.
«Avec la Tunisie nous avions travaillé jusqu’au bout. Est-ce que nous aurions pu travailler plus rapidement ? Est-ce qu’une meilleure coordination aurait permis d’empêcher que la Tunisie figure dans la liste des 17 derniers pays qui n’ont pas donné les explications dans les délais et ont été inscrits sur la liste des paradis fiscaux ? C’est regrettable mais c’est un fait», a dit M. Bergamini.
Tout en admettant qu’il y a eu, dans le cas de la Tunisie, un «problème de calendrier», le responsable européenne a ajouté que tout n’est pas encore perdu. «La bonne nouvelle c’est que cette liste peut être modifiée à tout moment. Il y a une prochaine réunion des ministres des Finances de l’UE le 23 janvier», a-t-il expliqué.
Quels sont les points reprochés à la Tunisie ? Et en quoi notre pays dit-il faire évoluer ses lois et ses pratiques ? Réponse de M. Bergamini : «Sur le fond il y a deux éclaircissements qui sont attendus et espérés de la Tunisie : le premier concerne le régime des sociétés offshore et le second les prestataires des services financiers. Ce sont des questions sur lesquelles travaille le ministère des Finances et le ministre des Finances nous a envoyé deux lettres, la seconde lundi soir, c’est-à-dire la veille même de la réunion des ministres des Finances à Bruxelles, alors que le deadline était fixé au 17 novembre.»
En d’autres termes, la Tunisie a traîné le pied et laissé passer un temps précieux, au lieu de réagir rapidement pour conformer ses lois, règlements et pratiques aux normes internationales dans ce domaine.
«En travaillant sur ces deux questions avec toute la disponibilité requises de la part des autorités tunisiennes et de nos équipes à Tunis et à Bruxelles, je suis convaincu que nous pourrons rapidement avancer et rétablir la situation», a expliqué M. Bergamini, qui se veut optimiste quant à la levée du nom de la Tunisie de la liste européenne des paradis fiscaux.
Concertation pour une sortie de crise
La Tunisie sait donc qu’elle doit travailler, et très rapidement, sur deux points délicats: réaliser l’équité fiscale pour le bien de la compétitivité de l’économie tunisienne, en rapprochant les deux régimes onshore et offshore, préconisé depuis plusieurs années par les partenaires internationaux de la Tunisie, car il est inadmissible que les entreprises tunisiennes continue de payer des impôts très lourds alors que les entreprises étrangères établies sous le régime offshore en soient épargnées.
Le 2e point concerne le nombre important prestataires de services financiers établis en Tunisie sous ce régime qui n’apportent aucune réelle plus-value pour notre pays, qu’ils utilisent comme une plateforme d’installation formelle pour éviter de payer des impôts dans leurs pays d’origine.
Ces questions seront au centre des discussions que M. Bergamini aura demain, jeudi, à 9 heures, avec le chef du gouvernement Youssef Chahed, puis à 10 heures avec les 28 ambassadeurs européens accrédités à Tunis et l’après-midi, avec le ministre tunisien des Finances Ridha Chalghoum.
«Si nous avions travaillé un peu plus en amont, les choses se seraient déroulées autrement», estime le responsable européen, qui se dit «confiant quant à une prochaine solution de sortie de crise». Car, souligne-t-il, «la place de la Tunisie est parmi les 47 pays qui s’engagent clairement à lutter contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent et à se conformer aux normes internationales dans ce domaine.»
Cela dit, les engagements financiers de l’Union européenne à l’égard de la Tunisie, notamment ceux relatifs à l’année 2018, ne seront pas mis en cause, d’autant que les responsables tunisiens ont montré leur disposition à régler rapidement ces problèmes.
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