Radhia Jerbi et Noureddine Taboubi président une réunion du bureau de l’UNFT.
L’alliance stratégique qui se dessine entre l’UGTT et l’UNFT pourrait chambouler les rapports de forces sociaux et même politiques en Tunisie.
Par Khémaies Krimi
Selon nos informations, d’anciens hauts cadres de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) ont reçu, ces jours-ci, pour mission d’apporter une aide logistique aux cadres centraux et régionaux de l’Union nationale de la femme tunisienne (UNFT) qui vient de renouveler ses structures et de tenir démocratiquement son congrès sous la houlette de la centrale syndicale.
La décision serait prise d’un commun accord entre Radhia Jerbi, présidente de l’UNFT, et Noureddine Taboubi, secrétaire général de l’UGTT, qui avait présidé et animé les travaux le 14e congrès de l’UNFT (fin octobre 2017).
Ce congrès qui équivaut, selon les observateurs de la scène tunisienne, à la renaissance de l’organisation féminine, voire à sa refondation dans un nouveau contexte national.
Objectif immédiat, aider l’UNFT à se redresser
L’objectif visible de ce rapprochement serait, dans un premier temps, d’aider l’UNFT à se redresser et à mener une bataille juridique onéreuse pour récupérer une quinzaine de ses locaux squattés et occupés illégalement, au temps de la sinistre «Troïka», l’ancienne coalition gouvernementale conduite par le parti islamiste Ennahdha.
Pour mémoire, l’UNFT, qui avait été brutalement marginalisée au lendemain du soulèvement du 14 janvier 2011, s’est vue privée de la prise en charge par le budget de l’Etat des salaires de ses employées permanentes.
Les islamistes, qui ont accédé au pouvoir en janvier 2012, lui reprochaient d’avoir été, depuis 1956, un appendice du parti unique au pouvoir, le Parti socialiste destourien (PSD) de Bourguiba devenu ensuite le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) avec Ben Ali.
Aujourd’hui, c’est l’UGTT qui garantit auprès des banques de la place les salaires des employées de l’UNFT, et qui est en train de prendre pratiquement en charge la doyenne des organisations féminines.
Concrètement, les anciens cadres de l’UGTT sont chargés de valoriser l’action de l’UNFT dans les régions, de restaurer ses locaux et de diversifier l’assistance qu’elle apporte à la femme rurale.
Cette assistance va porter sur le lancement immédiat de microprojets agricoles et autres au profit des femmes, et ce, conformément aux spécificités économiques de chaque région.
Il s’agit également de sensibiliser les partenaires étrangers (organisations de la société civile, agences onusiennes spécialisées dans le genre et autres bailleurs de fonds…) à soutenir l’UNFT.
A l’horizon, une alliance stratégique
Le deuxième objectif non-dit de ce rapprochement serait d’ordre politique et stratégique. Il porterait sur la mise en place d’un noyau d’une alliance sociale ouverte aux autres organisations nationales.
L’ultime but serait de constituer un front pérenne à même d’assurer la stabilité sociale du pays et de prévenir tout futur retournement de situation qui serait préjudiciable aux travailleurs et aux femmes comme ce fut le cas avec les islamistes de la «Troïka».
Ainsi, l’UNFT, qui a acquis avec son 14e congrès une nouvelle légitimité irréprochable qu’aucune force politique du pays ne peut oser, dorénavant, mettre en doute, compte sur l’aide de la centrale syndicale pour retrouver, pleinement, sa place parmi les forces du progrès du pays.
Plus que jamais indépendante dans ses décisions, l’UNFT redevient une organisation comme les autres organisations nationales. A travers ce rapprochement avec la centrale syndicale, elle semble avoir choisi son futur allié.
Il faut admettre que si jamais ce rapprochement évolue réellement vers une véritable alliance, il pourrait déjà, en attendant son ouverture à d’autres organisations, chambouler les rapports de forces sociaux et même politiques dans le pays.
Effectivement, fortes de leur implantation dans tout le pays, l’UGTT et l’UNFT, qui comptent des centaines de milliers d’adhérents et des milliers de représentations et de locaux, peuvent être des arbitres déterminants lors des futures échéances électorales. On l’aura dit.
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