Les dispositions de la Loi de Finances 2018 concernant la vente des logements à usage d’habitation risque d’étouffer davantage les promoteurs immobiliers.
Par Moncef Kamoun *
Le secteur de l’immobilier est depuis la révolution confronté à plusieurs difficultés dont la flambée des prix des terrains, des matériaux de construction, des matières et des produits de carrière et le manque de la main d’œuvre spécialisée, ceci sans parler du flou et de la lenteur des procédures administratives, qui, elles aussi, ont un coût.
La flambée des prix de l’immobilier
Cette flambée a fait grimper en flèche le prix du logement, alors que le citoyen est confronté à la baisse de son pouvoir d’achat. Aussi est-il devenu quasi impossible, aujourd’hui, pour les Tunisiens moyens, d’économiser pour acheter un bien immobilier adapté à sa situation.
Le meilleur exemple de cet écart entre le prix du logement et le pouvoir d’achat des citoyens est la déception enregistrée après le lancement par l’Etat du programme national «Premier logement». Il s’agit d’un crédit attribué par 15 banques de la place, avec 0% d’autofinancement, aux familles moyennes dont le revenu est entre 4,5 et 10 fois le Smig, le prix du logement ne devant pas dépasser 200.000 dinars tunisiens (DT) et le délai de remboursement fixé à 20 ans.
Ce programme, qui a été lancé le 2 février 2017, avec un budget de 200 millions de dinars tunisiens (MDT), devait financer l’acquisition de 800 à 1000 logements. Or, 10 mois après, c’est la déception totale. En effet seulement 50 MDT de prêts ont été consommés par 260 bénéficiaires, alors que 140 dossiers sont encore en cours d’étude chez les banques. C’est ainsi qu’on s’est rendu compte qu’il y a problème et pris conscience de la nécessité de revoir le plafond du crédit pour le porter de 200.000 DT à 250.000 DT voire à 300.000 DT, tout en maintenant la durée du remboursement de 20 ans.
Il aurait fallu baisser le coût du logement
Depuis plusieurs années, le secteur immobilier traverse une crise et le prix du mètre carré couvert a presque doublé, particulièrement dans la région de Tunis. Nous avions proposé une stratégie pour lutter contre cette flambée du prix du logement, qui consiste à améliorer la performance des opérateurs publics qui fonctionnent encore avec les outils des années 1980.
L’Agence foncière de l’habitat (AFH) a fait aménager, au cours de ses 30 ans d’existence, 7.000 hectares alors qu’elle dispose, aujourd’hui, de plus de 320.000 demandes de terrain.
La Société nationale immobilière de Tunisie (Snit) compte plus que 300 salariés, alors que l’entreprise privée la plus performante du secteur n’emploie qu’une vingtaine de personnes au maximum.
Le déficit d’exploitation dégagé par les 3 opérateurs public : Snit, Société de promotion des logements sociaux (Sprols) et Agence de réhabilitation et de rénovation urbaine (Arru), s’élève à 1,6 MDT.
Les solutions proposées sont, en bref, l’augmentation de l’offre des terrains; la rationalisation du développement de la profession par l’encouragement des promoteurs professionnels et l’ouverture du capital aux participations étrangères; la réforme en profondeur des procédures administratives; le renforcement du partenariat public-privé; la facilitation de la propriété des étrangers et l’adaptation des crédits-logements au pouvoir d’achat.
Le coup de grâce de la Loi de Finance 2018
Malgré les diverses difficultés auxquelles ils font face, les promoteurs immobiliers privés essayent de tenir bon, de changer de process, de maîtriser leurs coûts et de satisfaire, autant que faire se peut, leurs clients, tout en poursuivant leurs investissements.
Ces efforts, qui leur ont permis jusque-là de se maintenir en vie malgré les obstacles confrontés, risquent d’être réduits à néant par la Loi de Finances 2018, qui a été fortement contestée par les contribuables et qui soumet la vente des logements à usage d’habitation par les promoteurs immobiliers à une nouvelle TVA de 13%, qui sera relevée à 19% à partir du 1er janvier 2020; ce qui va augmenter encore le prix, déjà exorbitant, des logements et même des loyers.
A notre connaissance, cette TVA n’a jamais dépassé une moyenne 5% en Europe. En Italie, elle est fixée à 4%; en Allemagne, les nouveaux bâtiments à usage d’habitation sont exonérés de la TVA; en Belgique, il y a une seule imposition sur les immeubles bâtis à usage exclusif d’habitation : une TVA ou un droit d’enregistrement; et en France, la TVA est de 5,5%.
Autant dire que la nouvelle disposition de la Loi de Finances 2018 va, à court terme, achever un secteur immobilier déjà accablé par un ensemble de mesures fiscales similaires prises au cours des dernières années.
Elle va aussi, bien entendu, développer le marché parallèle et favoriser les intrus dans le secteur, déjà très nombreux et aux pratiques aussi douteuses que dangereuses.
*M.K Architecte.
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