Les négociations de l’accord de l’Open sky entrent dans la dernière ligne droite entre la Tunisie et l’Union européenne (UE). Faut-t-il y aller ou pas ? Les craintes sont aussi grandes que les espoirs.
Par Khémaies Krimi
Annoncée au plus tard pour le mois de mars 2018, lors de le cérémonie du paraphe du protocole d’accord marquant la fin des négociations tuniso-européennes sur l’Open Sky (11 décembre 2017), la date de signature de l’accord définitif risque de connaître un certain retard.
Le chef du gouvernement Youssef Chahed a en effet déclaré, à l’occasion de sa récente visite dans le gouvernorat de Tozeur, que cette signature devrait se faire avant le mois de juin prochain, que l’ensemble des procédures et mesures nécessaires pour le dossier sont fin prêtes et que les autorités tunisiennes attendent toujours une réponse officielle de la part de l’Union européenne (UE).
Trois bonnes raisons pour ne pas croire à l’Open sky
Tout indique apparemment que d’ultimes négociations difficiles sont en cours avant d’avaliser, d’un commun accord, cette convention, qui, de l’avis de beaucoup de professionnels du transport aérien, va à l’encontre des intérêts des Tunisiens, et ce, pour au moins trois raisons.
La première serait que la Tunisie n’a pas vraiment besoin de l’ouverture de son ciel en ce sens où ce ciel est déjà assez largement ouvert.
En plus clair, d’après les experts, les compagnies aériennes tunisiennes, y compris le transporteur national Tunisair, à défaut de moyens financiers et logistiques conséquents, ne sont jamais parvenues, jusqu’ici, à exploiter totalement les 50% de part du marché qui leur revenait de droit. Elles sont actuellement à hauteur de 35%, laissant au total 65% (15% + 50%) de part du marché aux pavillons étrangers.
La deuxième raison serait que, dans leur intérêt, les compagnies tunisiennes, confrontées constamment à un problème de remplissage de sièges (70% seulement) auraient du penser plus à remédier à cette lacune qu’à ouvrir le ciel à des concurrents plus puissants financièrement, mieux nantis et mieux équipés pour occuper le ciel et imposer leur prix.
La troisième porte sur les risques que fait encourir l’Open sky à certains corps de métier, à l’instar des agences de voyage, notamment celles qui travaillent dans le domaine de la billetterie. Celles-ci pourraient être sérieusement gênées par ce mécanisme, sachant que les compagnies low cost travaillent sans passer par les agences. Pour ne citer qu’un chiffre: 90% des activités de ces compagnies sont effectuées à travers internet et 10% via les centres d’appels.
Cela pour dire que les compagnies tunisiennes, déjà handicapées par des coûts de production élevés et par des personnels pléthoriques – particulièrement, pour le transporteur national Tunisair –, risquent de pâtir énormément de cette concurrence.
L’Open sky n’est pas du goût du Pdg de Tunisair
S’exprimant récemment sur les ondes de Shems FM, l’actuel Pdg de Tunisair, Elyes Mnakbi, n’a pas caché ses craintes et a tiré à boulets rouges sur l’Open sky. Il a déclaré que la compagnie aérienne nationale a toujours été contre cette convention qui, a-t-il dit, lui portera gravement préjudice et lui posera «un énorme problème». Selon M. Mnakbi, les anciens gouvernements responsables de cette convention n’ont aucunement pris en considération l’avis des professionnels du domaine, mettant en danger le transporteur national.
Pour prévenir de tels impacts négatifs, les experts recommandent aux Tunisiens de tout faire pour obtenir deux avantages lors de ces ultimes négociations.
Le premier consiste en l’alignement des taxes aéroportuaires en partance d’Europe vers la Tunisie (52 euros) avec celles en partance pour les pays intracommunautaires (35 euros).
Le second avantage serait d’obtenir le droit de cabotage aérien.
Dans le droit aérien, le cabotage désigne le transport de passagers, de courriers et de marchandises entre deux points à l’intérieur du territoire d’un État, effectué par un autre État ou une entreprise de transport aérien d’un autre État.
À propos de ce dernier avantage, des indices montrent qu’il serait sur le point d’être accordé à la Tunisie. Pour preuve, les deux premiers responsables du département du transport ont annoncé, en ce mois de février 2018, deux nouvelles dans cette perspective d’obtention du droit du cabotage. Elles concernent l’aménagement de deux aéroports de l’intérieur du pays.
Quelques opportunités à saisir
La première nouvelle concerne l’aéroport de Tabarka-Ain Draham (nord-ouest). Une enveloppe d’un million de dinars tunisiens (MDT) a été allouée à l’aménagement de l’infrastructure de base et au développement des équipements de cet aéroport qui, depuis son inauguration, n’a jamais vraiment fonctionné comme prévu. La nouvelle a été annoncée par le ministre du Transport, Radhouane Ayara, lors d’une visite d’inspection à cet aéroport.
Ce souci de réhabiliter cet aéroport et de dynamiser ses activités intervient en prévision de la prochaine saison touristique afin d’assurer la relance du tourisme et de l’économie en général dans la région.
La deuxième bonne nouvelle concerne l’aéroport militaire de Remada (extrême sud de Tunisie). Auditionnée à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), la secrétaire d’Etat auprès du ministre des Transports, Sarra Rejeb, a annoncé le démarrage des travaux de conversion de cet aéroport militaire en aéroport pouvant accueillir des vols civils. L’enveloppe budgétaire allouée à cet effet s’élève à 22 MDT.
L’obtention de ces deux avantages permettrait à la Tunisie d’accueillir de plus importants flux touristes, de dynamiser ces aéroports abandonnés, de désenclaver les régions de l’intérieur et de créer des emplois.
C’est seulement dans cet esprit et dans ces conditions que les déclarations optimistes officielles sur l’Open sky peuvent trouver une certaine crédibilité.
Si on croit le président de la Fédération tunisienne des agences de voyage (FTAV), Mohamed Ali Toumi, farouche partisan de l’Open Sky, «des études ont démontré que l’Open sky favorise une croissance entre 2 et 3% du PIB, la création d’emplois et une visibilité de la destination tunisienne». Dont acte.
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