La Cinémathèque Tunisienne organise du 3 au 14 avril 2018, à la Cité de la Culture de Tunis, une rétrospective intitulée ‘‘Jean Rouch a cent ans : ses films méconnus’’.
Jean Rouch est un réalisateur et un ethnologue français, né le 31 mai 1917 à Paris et mort le 18 février 2004 au Niger. Il est un pionnier du cinéma ethnographique et l’un des fondateurs du cinéma du direct et particulièrement connu pour ses films ethnographiques sur des peuples africains tels que les Dogons et leurs coutumes.
À la découverte de l’ethnographie
«Pourquoi t’encombres-tu d’une équipe? Si tu es écrivain, tu ne fais pas écrire tes phrases par un autre; si tu es peintre, tu ne fais pas faire tes toiles par un autre. C’est pareil pour le cinéma !», dira-t-il.
Considéré comme le créateur de l’ethnofiction, un sous-genre de la docufiction, il est l’un des théoriciens et fondateurs de l’anthropologie visuelle.
Après une formation d’ingénieur à l’École nationale des Ponts et Chaussées, Jean Rouch se fait engager avec deux camarades de promotion, Jean Sauvy et Pierre Ponty, comme ingénieur des travaux publics en Afrique. Il est affecté au Niger où il construit des routes et des ponts. Après la mort d’ouvriers foudroyés sur un chantier, il découvre les mystères de la religion et de la magie songhaï et se consacre à l’ethnographie.
Après avoir été expulsé de la colonie du Niger, il prépare à Dakar les campagnes militaires de libération, puis rejoint la 2e division blindée du général Leclerc et entre avec les armées alliées dans Berlin en 1945.
De retour en France, il suit les cours d’ethnologie de Marcel Mauss et de Marcel Griaule, puis repart, en 1946, en Afrique avec Jean Sauvy et Pierre Ponty pour descendre en pirogue les 4 200 km du fleuve Niger, de sa source jusqu’à l’océan Atlantique.
Après cet exploit, il effectue d’autres missions, tourne des films et soutient sa thèse avec son maître Marcel Griaule, lui-même pionnier du cinéma ethnographique.
Un des fondateurs du «cinéma-vérité»
En 1953, chargé de recherches au CNRS, Jean Rouch crée (avec Henri Langlois, Enrico Fulchignoni, Marcel Griaule, André Leroi-Gourhan et Claude Lévi-Strauss) le Comité du film ethnographique, qui siège au musée de l’Homme à Paris.
Il est l’un des fondateurs du «cinéma-vérité» avec Edgar Morin, un mouvement qu’il a contribué à théoriser et dont il a proposé le film-manifeste avec ‘‘Chronique d’un été en 1961’’.
En 1969, il crée avec Pierre Braunberger et Anatole Dauman le Groupe de recherches et d’essais cinématographiques (Grec), destiné à produire de premiers courts métrages, avec le soutien du Centre national de la cinématographie (CNC).
En 1979, il s’intéresse, avec Jean-Michel Arnold, au festival L’homme regarde l’homme créé par Jacques Willemont en 1975 à Créteil, puis déplacé en 1978 à Beaubourg. Ils se l’approprient et le rebaptisent Cinéma du réel; le festival existe toujours.
En 1978, les autorités de la jeune république du Mozambique demandent à des cinéastes connus, parmi lesquels Jean-Luc Godard et le Brésilo-mozambicain Ruy Guerra, de concevoir une politique cinématographique et télévisuelle innovante. Jean Rouch propose pour sa part une approche fondée sur la formation de futurs cinéastes sur place. Avec Jacques d’Arthuys, attaché culturel de l’ambassade de France, il constitue alors un atelier de formation au cinéma documentaire sur pellicule en super 8, à la pédagogie simple, fondée sur la pratique : «On tourne le matin, on développe à midi, on monte l’après-midi et on projette le soir.» Après cette expérience, les Ateliers Varan sont créés en 1981 à Paris.
L’expérience de la «caméra participante»
«Pour moi, la seule manière de filmer est de marcher avec la caméra, de la conduire là où elle est le plus efficace, et d’improviser pour elle un autre type de ballet où la caméra devient aussi vivante que les hommes qu’elle filme. C’est la première synthèse entre les théories vertoviennes du ‘‘ciné-œil’’ et l’expérience de la ‘‘caméra participante’’» de Flaherty. (…) Au lieu d’utiliser le zoom, le caméraman réalisateur pénètre réellement dans son sujet, précède ou suit le danseur, le prêtre ou l’artisan, il n’est plus lui-même mais un ‘‘œil mécanique’’ accompagné d’une ‘‘oreille électronique’’. C’est cet état bizarre de transformation de la personne du cinéaste que j’ai appelé, par analogie avec les phénomènes de possession, la ‘‘ciné-transe’’», écrira Jean Rouch dans ‘‘La Caméra et les hommes’’ (in ‘‘Pour une anthropologie visuelle’’).
Au cours de sa longue carrière, Jean Rouch, réputé pour son agilité intellectuelle et son don de la parole, enseigne inlassablement le cinéma en France, en Afrique, aux États-Unis et réalise près de 120 films. Il suscite de multiples vocations de cinéastes à travers le monde. Il anime pendant des années le séminaire «Cinéma et sciences humaines» à la Cinémathèque française en collaboration pédagogique avec l’université de Paris X-Nanterre, où il crée le premier DEA en études cinématographiques de France.
Influencé par Dziga Vertov et Robert Flaherty, Jean Rouch est une source d’inspiration et une constante référence pour les réalisateurs de la Nouvelle Vague.
Président de la Cinémathèque française pendant 5 ans (entre 1986 et 1991), il est en 1993, à Berlin, lauréat du prix international de la paix, pour son film ‘‘Madame L’eau’’.
Son œuvre, couronnée par de nombreuses récompenses prestigieuses, s’inscrit dans l’histoire du cinéma.
Source: communiqué.
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