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Tunisie : L’élite n’a pas encore fait sa révolution

Voter ou se porter candidat aux élections constituent des formes de participation, mais il est aussi possible de participer en se tenant informé de l’évolution des affaires publiques, en proposant des solutions aux problèmes posés et en aidant à les mettre en œuvre, sans toujours chercher l’intérêt personnel.

Par Moncef Kamoun *

La Tunisie aspire depuis la révolution à un véritable état de droit garant de la paix, de la sécurité et de la dignité pour tous ses citoyens, mais le pays va de mal en pis et semble paralysé face à l’irresponsabilité généralisée, à l’anarchie et à la corruption sous toutes ses formes.

Aujourd’hui, l’avenir est plus problématique que jamais et les Tunisiens ont vraiment peur pour leur pays. Ils ont le sentiment d’être trahis par les leurs, sont fatigués des gesticulations politiciennes et hurlent leur ras-le-bol à face d’une classe politique dépassée, sclérosée et corrompue.

La majorité d’entre eux se sentent écrasés par l’ampleur de la crise socio-économique et crient au secours. Le sentiment de révolte engendre chez eux un pessimisme profond pour leur pays.

L’élite doit être exemplaire pour donner l’exemple

La Tunisie ne pourrait supporter plus longtemps l’autisme de ses élites qui ne se soucient que de leurs intérêts partisans ou personnels étriqués.

Nous sommes à la croisée des chemins de notre histoire : va-t-on faire de notre pays une terre de misère, aggravée par nos conflits, nos divisions et nos haines ou aller vers une nouvelle forme de vivre ensemble, fondée sur la démocratie, le développement et la solidarité?

En tant que citoyen concerné et engagé, je lance un appel pressant à l’élite politique et intellectuelle pour qu’elle se ressaisisse, car elle porte une part de responsabilité dans la crise que connaît notre pays, et ce en raison de son manque de conscience de la gravité de la situation, de son manque d’esprit de sacrifice et de son incapacité à placer l’intérêt national au-dessus des intérêts particuliers des partis ou des personnes.

Je lance cet appel, avant qu’il ne soit trop tard, aux compétences tunisiennes, en Tunisie et à l’étranger, pour qu’ils contribuent de manière agissante au développement de leur pays.

Je rends aussi hommage à tous ces jeunes qui refusent de se résigner à la misère et se battent, au risque de leur vie, pour changer le cours de leur existence. Je m’incline devant ceux qui ont sacrifié leur vie en essayant d’instaurer une société plus unie et plus solidaire, une république démocratique, pluraliste et équitable.

Nous n’avons plus le choix, il est impératif de mettre en place des mécanismes et des programmes efficients pour assurer une participation efficace des compétences tunisiennes, toutes spécialités confondues, au développement du pays, pour tirer profit de leur expérience et des positions qu’ils occupent à l’étranger et les mettre au service de l’intérêt suprême de la nation.

Nous devons tous participer à l’établissement des priorités et à la mise en œuvre des stratégies nécessaires.

La participation des citoyens, et particulièrement de l’élite patriotique, favorise un meilleur processus décisionnel et renforce la responsabilité des dirigeants vis-à-vis de la population.

Chacun peut (et doit) participer à trouver le bon chemin pour sortir de cette crise. La participation citoyenne est, d’ailleurs, un principe directeur vital de la gouvernance démocratique. Elle est fondée sur l’idée que toute personne concernée par une décision a le droit de prendre part au processus décisionnel. Elle est par conséquent un élément essentiel pour renforcer l’efficacité de la démocratie et la confiance des citoyens dans les pouvoirs publics, en vue d’atteindre une meilleure gouvernance.

Il est clair aujourd’hui que la crise actuelle provient essentiellement de l’incapacité de la classe politique à faire évoluer positivement aussi bien les affaires de l’Etat que les mentalités des citoyens et à donner l’exemple pour que l’intérêt national soit mis au-dessus de toute autre considération, et que la nation passe avant nos petites personnes.

Il n’est nullement besoin d’aller chercher ailleurs la cause de notre mal qui est solidement enracinée dans notre société, à travers les incapacités et les égoïsmes conjugués des uns et des autres et cette façon qu’ont les élites de vouloir tout confisquer: les richesses, les honneurs, les postes, le droit et les institutions. Or, la responsabilité doit être collective et les bénéfices partagés.

Nous devons tous avoir une haute idée de notre pays, et contribuer à son rayonnement dans le monde, c’est cela notre chance et notre fierté d’être Tunisien.

L’élite doit cesser de trahir les masses et assumer sa responsabilité dans la conduite du pays. Elle doit s’investir dans la défense de l’intérêt général, plutôt que de se mettre au service d’une personne, d’un parti ou d’une association. Pour l’instant, elle est encore loin d’être à la hauteur des enjeux.

Construisons ensemble un rêve tunisien !

Le temps est arrivé pour réaliser cette inversion du cours de l’histoire pour prendre notre destin en main.
Un peuple vaut ce que vaut son élite! Et comme le disait si bien Gustave Le Bon, médecin et psychologue français, «le véritable progrès démocratique n’est pas d’abaisser l’élite au niveau de la foule, mais d’élever la foule vers l’élite», encore faut-il que cette élite soit digne et irréprochable d’intégrité et de dévouement à l’intérêt général.

Voter ou se porter candidat aux élections constituent des formes de participation mais il est aussi possible de participer de manière informelle, en se tenant informé de l’évolution des affaires publiques, en discutant de politique tout en faisant preuve de tolérance vis-à-vis des opinions différentes des siennes, en proposant des solutions aux problèmes posés et en aidant à les mettre en œuvre, sans toujours chercher l’intérêt ou le gain personnel, en dehors de l’intérêt et du gain général. N’est-ce pas là le fondement même de la démocratie ?

* M.K. Architecte.

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