Le rapport du Colibe doit susciter un dialogue constructif pour élargir son contenu et traiter des questions des droits de l’homme fondées sur la règle du respect et du droit à la liberté d’expression loin des récupérations politiques et partisanes.
Par Najet Zammouri *
Bien que la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe) ait été créée par un ordre présidentiel pour préparer un rapport sur les réformes relatives aux libertés individuelles et à l’égalité fondées sur les dispositions de la Constitution du 27 janvier 2014 et les normes internationales des droits de l’homme, son rapport est désormais connu en tant que la propriété intellectuelle de Bochra Belhaj Hmida, ce qui l’a projetée au cœur du tumulte si bien qu’une campagne de diffamation est vite mise en marche pour dénigrer violemment la présidente du Colibe et ses membres.
Dans le sillage de Haddad et Bourguiba
Ce rapport expose, en effet, pour la première fois, des sujets tabous qui n’ont pas été soulevés depuis la parution du Code du statut personnel (CSP), le 13 août 1956 , les pays occidentaux donnaient, alors, l’exemple de la Tunisie comme étant le seul pays arabe à promouvoir une situation humaine de la femme tandis que le monde musulman, où la recherche et l’«ijtihad» s’étaient arrêtés depuis des siècles, menait une campagne sans relâche contre Bourguiba «l’occidental, l’athée, le vendu…»
Mais avant Bourguiba, les femmes retiennent aussi le nom de Tahar Haddad, l’enfant prodige de la Tunisie, le défenseur acharné et avant-gardiste d’un modèle de société où la Tunisienne aurait toute sa place. Pourtant dès la publication de son livre “La femme tunisienne devant la loi islamique et la société” en 1930, les journaux s’attaquaient à lui quotidiennement, de nombreuses critiques lui ont été faites. Il a même été dépouillé de ses titres, empêché de passer ses examens à l’Ecole de droit, renvoyé de son emploi de secrétaire auprès de l’Association de bienfaisance musulmane et taxé d’hérésie avant même que l’ouvrage ne soit lu. Faut-il rappeler que les ennemis farouches du rapport du Colibe n’ont pas daigné parcourir le contenu ne serait-ce que diagonalement?
Aujourd’hui et après 88 ans de l’œuvre controversé de Tahar Haddad et 62 ans de la promulgation du CSP, il est grand temps de présenter un projet de réformes qui s’adapte au nouveau paysage tunisien et réviser la législation afin d’affirmer sa conformité avec la constitution de 2014 et les conventions internationales des droits de l’homme.
Dès lors, un débat national s’impose autour de ce rapport puisqu’il soulève des questions fondamentales pour les droits et les libertés de la personne tels le droit à la dignité humaine et l’intégrité physique et le principe de la non-discrimination.
Les recommandations du Colibe se rapportent notamment à une égalité totale dans l’héritage entre homme et femme d’une part, et entre les enfants légitimes et naturels d’autre part, ainsi que l’égalité dans l’attribution de la nationalité et le choix du nom de famille, outre l’annulation de la peine de mort et l’incrimination de l’incitation au suicide.
Ce dialogue se doit d’être constructif pour élargir son contenu et traiter des questions des droits de l’homme fondées sur la règle du respect et du droit à la liberté d’expression loin des récupérations politiques et partisanes, d’autant plus que nous sommes à la veille des élections de 2019 et les premières campagnes ne tarderont pas à surgir .
* Membre du comité directeur de la LTDH.
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