La police municipale n’est plus sous l’autorité des maires.
Les maires, les conseillers municipaux et les activistes de la société civile doivent se mobiliser pour doter les municipalités d’un bras exécutif fort et unifié pour faire face aux taches ardues et changer radicalement la situation dans les villes tunisiennes.
Par Abdelmajid Mselmi *
Beaucoup de citoyens pourraient penser que les conseils municipaux élus démocratiquement pour la 1ère fois dans l’histoire de la Tunisie ont dans la poche une baguette magique pour changer la situation misérable de nos villes. Malheureusement, ils entament leur tache laborieuse handicapés d’un outil exécutif majeur représentée par la police municipale qui est passé depuis 2012 de l’autorité des municipalités à celle du ministère de l’Intérieur
À l’origine du mal : Ali Laarayedh et Mohamed Abbou
Quelques mois après la révolution, les agents de la police municipale dirigés par leurs syndicats ont entamé des manifestations revendiquant le passage de leur tutelle sous le ministère de l’Intérieur pour des raisons corporatistes matérielles et morales évidentes.
Trouvant échos auprès de Mohamed Abbou, à l’époque ministre de la Fonction publique, et Ali Laarayedh, ministre de l’Intérieur, les agents de la police municipale ont eu gain de cause. Le décret numéro 518 du 2 juin 2012 a supprimé le corps des agents municipaux et les a intégrés dans le corps de la police sous tutelle du ministère de l’Intérieur. Depuis, le maire n’a aucune autorité sur la police municipale perdant ainsi son pouvoir exécutif.
C’est en 2013 et en 2014 que les effets néfastes d’une telle décision ont commencé à se faire ressentir par les conseils municipaux qui ont constaté que par la perte de l’autorité sur la police municipale ils se sont retrouvés démunis face aux dépassements et aux infractions qui ont foisonné après la révolution.
La police municipale pointée du doigt se défend d’une part de ne pas être aux ordres des maires des villes et d’autre part qu’elle a à charge aussi les problèmes de sécurité et de criminalité. Malgré les revendications des conseils municipaux de reprendre l’autorité sur la police municipale, le problème a été renvoyé aux élections de 2014.
Riadh Mouakher : la politique de l’autruche
Lors de son court passage au ministère des Affaires locales, Youssef Chahed a fait rapidement le diagnostic et déclaré, en 2016, que depuis que la police municipale n’est plus sous la tutelle des municipalités celles-ci ne sont plus capables d’appliquer la loi. Il a annoncé qu’il compte les réintégrer sous la tutelle de son ministère. La réponse ne s’est fait pas beaucoup attendre. Sous l’effet de la grogne des syndicats de la police municipale, soutenus sans doute par leur ministre à l’époque Najem Gharsalli, et la passivité du chef du gouvernement Habib Essid, la déclaration de Youssef Chahed est restée un vœu pieux.
Riadh Mouakher, désigné ministre de l’Environnement sous le gouvernement Youssef Chahed en septembre 2016, a choisi de ne pas confronter le problème le plus crucial de la gestion des collectivités locales et préféré le contourner.
Profitant d’une ligne de crédit de la Banque mondiale de l’ordre de 10 millions de dinars tunisiens (MDT), il a créé la police environnementale qui a commencé son exercice en juin 2017. Ce nouveau corps ne s’occupait que des problèmes d’hygiène, laissant les problèmes les plus difficiles (étalages et constructions anarchiques) à la police municipale. Une tension vive s’est créée entre les 2 corps qui s’est transformée au fil du temps en une animosité et un conflit rampant.
Tout le monde s’attendait à ce que la loi sur les collectivités locales permettrait de résoudre ces problèmes d’autant plus qu’un rapport du conciliateur administratif (organisme sous tutelle de la présidence et dirigée par Abdessattar Ben Moussa), publié le 1 février 2018, a fait le même diagnostic et a recommandé de replacer la police municipale sous tutelle des maires. Mais en vain. La police municipale ne figurait pas dans l’organigramme des municipalités ce qui a provoqué la colère de leurs syndicats. Le maire n’a désormais autorité que sur la police environnementale dont les prérogatives sont réduites
Unifier la police municipale et environnementale sous l’autorité du maire
L’imbroglio règne actuellement dans les conseils municipaux. D’une part, nous avons une police environnementale sous tutelle des maires dont les prérogatives sont limitées et l’effectif est réduit (quelques dizaines sur tout le territoire). D’autre part nous avons la police municipale dont l’effectif est important et bien répartie et ancrée dans les villes mais il n’est pas sous l’autorité des maires.
Certes, la police municipale dont certains membres sont accusés de corruption ne jouit pas d’une bonne réputation auprès des citoyens. Mais il a l’avantage d’une grande expérience cumulée pendants des années.
D’après les échos, une relation conflictuelle s’est installée entre les 2 corps qui se disputent les prérogatives et chaque corps veut grignoter sur le «gagne pain» de l’autre et des affaires en justice sont en cours.
Le ministre de l’Environnement et son secrétaire d’Etat qui peuvent être considérés comme les derniers de la classe de ce gouvernement sont aux abonnés absents. Depuis 2 ans qu’ils sont au ministère rien n’a changé dans les villes tunisiennes. Au contraire la situation a empiré. L’orpheline campagne du «plastique» s’est avéré un lamentable coup d’épée dans l’eau.
On n’espère pas grande chose ni du ministre de tutelle ou de ce gouvernement qui ne pense qu’a se maintenir. C’est aux maires, aux milliers de conseillers municipaux et à la société civile de se mobiliser pour doter les municipalités d’un bras exécutif fort et unifié pour faire face aux taches ardues et changer radicalement la situation dans les villes tunisiennes.
* Membre du Front populaire.
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