Le 13 août 2017, M. Caïd Essebsi annonçant sa volonté d’inscrire l’égalité successorale dans la loi.
La loi sur l’égalité successorale actuellement en préparation, en Tunisie, ne va rien changer dans la réalité. Ce n’est qu’un leurre pour les femmes qui croient bénéficier bientôt d’un droit nouveau, mais il n’en est rien car, en tout état de cause, le dernier mot appartient à celui qui lègue ses biens.
Par Radhia Saïdani *
L’annonce du président de la République, Béji Caïd Essebsi, de proposer la rédaction d’une loi proposant l’égalité dans l’héritage a vivement fait réagir la société tunisienne. D’un côté, les partisans ou plutôt les partisanes, et de l’autre, les hommes, qui on le comprend ne veulent pas renoncer à une partie de leur héritage. L’argument premier des opposants est alors d’ordre religieux, le système actuel prenant ses sources des versets du Saint Coran.
Ça ne va rien changer dans la réalité
Or, cette loi ne va pas à l’encontre des paroles de Dieu. En effet, cette loi n’a qu’une valeur supplétive de volonté, c’est-à-dire qu’en l’absence de dispositions précises du défunt quant à la réparation de ses biens, celle-ci s’appliquera.
Autrement-dit, rien n’empêche ce dernier, de rédiger son testament selon les préconisations de sa religion. Ce qui serait fâcheux, serait d’imposer une répartition égale alors même que le défunt en a décidé autrement.
Aussi, devons-nous souligner le fait que l’Etat tunisien contient en son peuple des personnes qui ont une religion autre, il serait donc injuste de leur imposer le partage de l’héritage selon les préceptes musulmans. Mais cette hypothèse ne se pose pas non plus car, comme déjà énoncé précédemment, nous restons libres de choisir la manière dont seront répartis nos biens.
Par conséquent, dans l’absolu, la déclaration du président Caïd Essebsi ne va rien changer dans la réalité. Ce geste n’est qu’un leurre pour la société féminine qui croit alors bénéficier d’un droit nouveau, mais il n’en est rien car, en tout état de cause, le dernier mot appartient défunt.
Pouvoir étatique et «pouvoir religieux»
En revanche, cela constitue une étape supplémentaire dans la preuve que le pouvoir étatique n’a pas à dépendre du «pouvoir religieux» et qu’il doit rester cantonné dans la sphère du privé. Assurément cette démarche est appréciable au niveau international et rassure sur l’évolution de notre «transition» démocratique.
Enfin, cette démarche est une preuve de notre volonté de renouer avec notre passé, lorsque nous étions des pionniers en matière de liberté et de droit de la femme.
Cependant, le résultat dépendra de rédaction de cette loi et de sa position dans la hiérarchie des normes.
* Juriste spécialiste en droit international et en droit des affaires.
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