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Medersas coraniques en Tunisie: La réponse sera-t-elle à la hauteur de la menace?

On sait comment les medersas (école religieuses) au Pakistan et en Afghanistan ont alimenté le terrorisme… 

Ce que l’on peut craindre au sujet des medersas coraniques, c’est qu’après une période de chasse aux sorcières, où l’Etat ferait feu de tout bois (avant l’échéance électorale?), il ne se désintéresse de la question et le terrain serait alors réoccupé de nouveau par des acteurs identiques devenus entre-temps plus discrets.

Par Dr Mounir Hanablia *

Après l’affaire oubliée des milliers de jeunes «partis» se battre dans les rangs de l’Etat wahhabite, en Syrie et en Irak, la toute récente révélation de l’existence de medersas échappant complètement au contrôle des autorités ajoute un peu plus à la perplexité d’une population excédée par la dégradation de son niveau de vie, et par l’impéritie étalée dans la gestion de la chose publique. Mais qu’en est-il exactement de ces écoles?

Il s’avère que, depuis un temps indéterminé, très probablement quelques années, des enfants, dont on ignore toujours le nombre, ont été soumis à un endoctrinement religieux dans la forme, politique dans le fond, de la manière la plus illégale qui soit.

À qui incombe la responsabilité des abus subis par les enfants ?

Que ces enfants aient été violentés est bien évidemment à posteriori la preuve du bien-fondé des règlements en vigueur qui auraient dû les protéger, mais aussi de la carence de ceux chargés de les appliquer. Le consentement éventuel de leurs parents à ce genre d’enseignement n’en rend le problème que plus épineux; il existe en effet dans ce pays une frange de la population qui estime que les pouvoirs publics n’ont pas à intervenir dans l’autorité qu’ils exercent sur leurs propres enfants, et dont le profil sociologique ou politique n’est pas difficile à imaginer. S’agit-il d’ignorance? Chez nous, celle-ci a toujours été fortement politisée, et les résultats des élections le prouvent amplement.

On a peine à imaginer des parents confiant leurs enfants à de parfaits inconnus, même avec une contrepartie matérielle conséquente à la clé; il aurait fallu pour cela que la ou les personnes chargées de les convaincre eussent bénéficié d’une crédibilité incontestable, pour ne pas dire une aura de sainteté, les assurant que leurs enfants fussent éduqués selon les plus hautes vertus, les mêmes personnes qui évidemment et depuis plusieurs années achemineraient vivres et aides matérielles diverses avec constance, abnégation, désintéressement, et qui même se chargeraient parfois de présenter leurs doléances aux autorités.

Quand on parle de consentement des parents, c’est aussi d’un processus de conditionnement, agrégation, recrutement, autrement dit de propagande, qu’il est question, et qui suppose bien évidemment une organisation et des moyens matériels adéquats. Il fallait non seulement que les parents fussent convaincus du bien-fondé de l’éducation de leurs enfants, mais aussi les voisins et les membres de la communauté, ou bien à tout le moins que tout le monde là-bas eût considéré qu’il ne se fût agi là que d’une question dont nul ne devait se mêler puisque les familles étaient consentantes. Evoquer un consentement serait d’ailleurs un euphémisme; on a même entendu des gens publiquement réclamer que l’on cesse de s’occuper de leurs enfants et qu’on les laisse en paix, alors même qu’une information pour abus sur mineurs avait été ouverte par le parquet, et que l’un des avocats (de qui?) insultait et menaçait un de ses représentants sur les ondes d’une radio à forte écoute .

On en glosera encore longtemps, et plus encore sur ceux à qui incombait l’obligation d’être sur le qui-vive dans le contexte sécuritaire très délicat que traversent certaines régions du pays, et pour qui une medersa n’a pas, eu égard aux circonstances, constitué un motif suffisant de curiosité.

Parents, famille, voisinage, commune, région, pendant des mois personne n’a apparemment jugé nécessaire de tirer la sonnette d’alarme. Le gouverneur ainsi que le délégué ont sauté, il fallait bien que quelqu’un assume les dégâts politiques. Mais à la question essentielle, comment se peut-il qu’ils n’eussent pas été au courant, personne n’a apporté de réponse concluante. Il s’est avéré que les députés de l’ARP, tout occupés à faire et à défaire les courants politiques au sein de leur auguste institution, n’étaient pas non plus au courant, ce qui soulève désormais non moins évidemment la question de leur représentativité, une fois que élus, ils soient venus s’installer à Tunis, consommant de fait leur éloignement de leur électorat et de leurs régions d’origine.

Les députés, aux abonnés absents, ont d’autres chats à fouetter

Au temps de l’Etat national de Bourguiba, du parti unique si honni et des tristement célèbres comités de coordination et cellules, cela ne se passait pas ainsi, le député n’était pas un professionnel de la politique dont il tirait sa subsistance comme il le deviendrait sous un Ben Ali en mal de légitimité toujours soucieux de contrôler, il exerçait son activité professionnelle normale et moyennant une indemnité pas très conséquente, vivait la plupart du temps chez lui, à l’écoute de ses concitoyens, dans sa région, dont il connaissait tous les méandres, et ne venait à la capitale que pour certaines sessions, en particulier la discussion annuelle du budget de l’Etat.

Mais voilà, les députés de la majorité gouvernementale représentant la région de Regueb, ne savaient pas que là-bas, il y avait un établissement éducatif privé enseignant la religion, où des enfants étaient hébergés la nuit en compagnie d’adultes. Mais l’affaire ayant explosé dans le paysage électoral comme un coup de tonnerre, le chef d’un groupe parlementaire bien connu, avocat de profession, reprenant certaines revendications de la société civile pour une dépénalisation des mœurs, a perfidement réclamé que ces enfants abusés ne fussent pas soumis à un examen médico-légal, au nom du respect des droits de la personne humaine, suggérant ainsi que pour lui, le viol d’un mineur était un crime comparable dans sa nature à un rapport homosexuel entre deux adultes consentants, et il faut reconnaître qu’au vu de la teneur de la législation actuelle, il n’a pas tort.

C’est évidemment une prise de position purement opportuniste dont le but est d’obtenir des dividendes auprès de l’électorat religieux, mais qui n’en révèle pas moins combien dans une démocratie parlementaire qu’ils utilisent sans en reconnaître l’essence, certains courants politiques peuvent tirer profit de la liberté d’expression, ainsi que l’ampleur des dégâts qu’ils occasionnent en empêchant un pays d’adopter des normes sociales universelles, ou à tout le moins, de s’en rapprocher.

Et on ne jettera pas la pierre aux partis de l’opposition puisque n’ayant pas le quorum nécessaire pour couvrir tous les territoires du pays, il leur est mathématiquement impossible d’en deviner les cours des événements. Ils semblent néanmoins mieux savoir ce qui se passe dans les couloirs de certains ministères, et plus encore, connaître les documents entreposés dans certains tiroirs, particulièrement quand il s’agit de demander des comptes sur le bradage d’un océan virtuel de pétrole, la nomination d’un fonctionnaire douteux, ou bien de battre ses tambours de guerre contre les blocages des enquêtes sur les assassinats politiques ou sur des réseaux terroristes, comme si cela constituait leur préoccupation exclusive.

On en tirera donc cette conclusion surprenante, les délégués de l’ARP ont en réalité d’autres chats à fouetter que de s’occuper d’aider à résoudre les difficultés de la vie de la population, et en fin de compte, mises à part les grandes villes du pays dont on connaît les problèmes grâce aux moyens d’informations et aux réseaux sociaux, ces régions reculées perdues au fond d’une nature ingrate et d’un champ social dévasté, ne surgissent du néant que dans le cadre d’une catastrophe, afin de nous culpabiliser de les ignorer, pour y sombrer aussitôt après dans un oubli vertigineux.

Les partis et l’argent nauséabond dans le secteur associatif

Il est désormais établi que cet oubli est loin d’être partagé par tout le monde. Dans une société où l’Etat ne se préoccupe plus que de finances, et où la santé et l’éducation sont sacrifiées sur l’autel des restrictions budgétaires et des revendications syndicales, la solidarité est devenue un enjeu politique important, dont les organisations non-gouvernementales constituent les vecteurs indispensables.

Or, incontestablement, un seul parti politique se révèle capable d’apporter son appui à l’action d’Ong suffisamment cossues dont nolens volens il partage les idéaux, quand elles ne constituent pas pour lui par le biais de l’action caritative le bras long lui permettant de s’implanter et de recruter des sympathisants, pour ne pas dire des militants.

Il n’y a là encore rien de répréhensible dans une démocratie, sauf évidemment quand il s’avère que l’action entreprise se situe aux antipodes de la loi, et que bien souvent, les fonds qui la financent ont une origine suspecte. Mais existe-t-il dans ce pays des mécanismes efficients capables de détecter l’argent nauséabond, dans le secteur associatif? Il est permis d’en douter, en particulier quand ces fonds-là ont pour but théorique de financer la charité et de suppléer les carences d’un Etat qui accumule les déficits.

Il est ainsi apparu que le propriétaire de l’école religieuse de Regueb, où des enfants étaient soumis au bon vouloir d’éducateurs pédophiles, était à la tête d’un capital estimé à 2 millions de dinars tunisiens (MDT), dont nul ne connaît la provenance.

Evidemment, afin de dédouaner les services de l’Etat, on a reconnu que c’est une assistante sociale qui, dans le cadre de ses fonctions, a fini par alerter les autorités, et que celles-ci ont agi avec célérité et efficacité. Un journaliste d’une chaîne télévisée a diffusé un documentaire sur l’affaire et a prétendu avoir été à l’origine, le premier à avoir alerté les autorités. Difficile de le croire ! Le procès et le licenciement n’étant jamais très loin, les journalistes dans ce pays n’ont pas l’habitude de prendre des risques inconsidérés, seuls, sans une bonne assurance, et naturellement il n’est pas de l’intérêt de celui qui a médiatisé l’histoire de Regueb de dévoiler ses sources. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces dernières ne tinssent pas les actuels partis de la majorité gouvernementale en très haute estime.

L’impact du scandale de Regueb sur la vie politique

La question qui se pose désormais est d’évaluer, quelques mois avant l’échéance électorale, l’impact de ce scandale sur la vie politique. Il y a d’abord deux thèses qui s’affrontent autour de l’affaire de l’école de Regueb, et qui définissent en réalité une ligne de rupture :

1- celle d’une attaque contre l’islam, une accusation qui avait déjà été utilisée avec succès pour mobiliser la rue lors des élections de la Constituante en 2011 après la provocation savamment dosée constituée par les projections des films ‘‘Persépolis’’ sur une chaîne télévisée, et ‘‘Sans Dieu’’ dans une salle située à 50 mètres du ministère de l’Intérieur. Et on sait désormais combien un certain parti politique tire sa puissance de sa capacité à suggérer à une partie de l’électorat, mais aussi à des parties extérieures, qu’il reste le seul défenseur de l’authenticité et de la foi contre les entreprises d’acculturation soutenues de l’étranger. Il ne serait pas ici opportun d’argumenter contre ce genre d’opinions, et pour tout dire, ils se sont déjà accordé près de quatre années pour se tailler une Constitution sur mesure, les garantissant contre l’éventualité qu’ils dénoncent aujourd’hui. Il est vrai que l’intronisation d’une Cour Constitutionnelle relève toujours du vœu pieux étant donné les réalités parlementaires actuelles.

2- Celle d’une entreprise terroriste, ce qui tendrait à dire que, en dehors de l’enseignement séculier sous le contrôle de l’Etat, tout enseignement du Coran dispensé à des enfants se ferait dans le but de former un jour des terroristes au service d’un parti politique foncièrement totalitaire dont l’acceptation de la démocratie serait purement conjoncturelle.

C’est bien sûr une interprétation qui ignore une partie des faits, à savoir que les kouttab et une association de la conservation du Coran ont initié dans ce pays plusieurs dizaines de générations à la langue arabe et aux règles élémentaires de l’islam par le biais de la lecture et de la récitation du Coran, sans que quiconque n’eût jamais dénoncé chez ceux qui les avaient fréquentés une quelconque tendance homicide.

Aussi est-il important de savoir ce qui distingue un kouttab, d’une école coranique qui par exemple au Pakistan a constitué un vivier pour les Talibans. La première différence c’est que les kouttab sont bien insérés dans notre paysage social et ne constituent pas une singularité.

La seconde c’est qu’ils ne sont pas un point de départ pour une carrière en religion mais un substitut au jardin d’enfant, que l’enfant ne fréquente plus dès lors qu’il a intégré le cursus scolaire.

La troisième et sans doute la plus importante, c’est qu’ils étaient surveillés dans le cadre d’un programme reflétant la vision moderniste de l’Etat avant Janvier 2011, ce qui n’est évidemment plus le cas avec l’irruption sur la scène politique d’un parti clérical ayant de la société une vision médiévale.

La dernière c’est que les kouttab ne provoquent pas une rupture de contact avec la société du pays. Le point commun entre tous ces mouvements millénaristes qui ont essaimé à travers le monde à la recherche du salut éternel, et que l’on qualifie de sectes, c’est l’obligation qu’ils imposent à leurs adhérents de ne plus se mêler ou entrer en contact sans être contrôlés par la hiérarchie du groupe, avec les membres ordinaires de la société normale, qualifiée d’impie.

On a vu où cela avait mené avec les massacres de Guyana, de Waco au Texas, l’attaque au gaz sarin du métro de Tokyo, par les membres de la secte Aum. Pour se situer dans un pays musulman, au Pakistan, les écoles coraniques parrainées par des partis politiques comme la Jamaat Islami ou la Jamaat Ulema e Islam ont constitué au départ un moyen pour ces partis d’accroître leur influence sur la société. Mais l’essor de ces écoles religieuses finit par constituer une menace terroriste sérieuse pour l’Etat pakistanais lui-même, dont l’affaire du massacre de la mosquée rouge au cœur d’Islamabad constitua le cas l’un des épisodes les plus graves.

Retenir la leçon des médersas pakistanaises

L’histoire des médersas pakistanaises devrait néanmoins servir d’avis, d’exemple et d’avertissement pour l’ensemble du monde musulman, en démontrant qu’elles n’auraient pas pu se développer sans certaines nécessités politiques, ni sans les appuis nécessaires au plus haut sommet de l’Etat, qu’elles ont fini par déteindre sur l’ensemble de la société en lui conférant une apparence obscurantiste, par l’institution de l’intolérance, malgré l’instauration d’une démocratie parlementaire, et en influant par le biais de violentes manifestations de rues, en faveur de l’adoption de lois sectaires, liberticides; last but not least ces medersas ont constitué le terreau idéologique qui conduirait plus tard leurs étudiants à combattre par le terrorisme, le peuple, l’Etat et l’armée de leur propre pays.

Au vu de tout ce qui précède, il est donc clair que le cas de l’école de Regueb ne saurait être pris pour une simple affaire d’actes de pédophilie comme il s’en est produit dans les églises, même si, en l’occurrence, ils se sont produits dans une institution illégale, et ne saurait encore moins être confondu avec la cause de l’enfance maltraitée, même si il y a eu maltraitance. Il est aujourd’hui avéré que les protagonistes bénéficiaient de soutiens, au sein même d’un important groupe parlementaire, et d’une corporation professionnelle, qui se sont d’ailleurs clairement et publiquement exprimés, de la manière que l’on sait, en soutenant des thèses inquiétantes.

Plus inquiétante encore a été cette succession de dysfonctionnements des services de l’Etat dans un contexte de lutte antiterroriste; une institution de ce genre aurait-elle pu fonctionner dans l’illégalité plusieurs mois sans une couverture à l’échelon politique? Le ministre des Affaires religieuses a prétendu que cette école relevait du ministère de la Famille, ce qui n’est pas non plus très convaincant.

Le limogeage de représentants régionaux de l’Etat n’apporte pas non plus de renseignements suffisants sur l’ampleur des complicités en cause. Mais voilà qu’on a appris l’existence d’autres medersas, à commencer par celle de Fouchana, à l’entrée de Tunis, un quartier pauvre. Ce n’est certes pas un hasard, l’enseignement public étant en pleine déconfiture du fait du conflit syndical qui a fait perdre aux élèves la moitié de l’année scolaire, et du fait du corporatisme qui saigne à blanc les familles en imposant le pizzo surnommé étude, et les écoles privées imposant des frais d’inscriptions élevés, ces medersas viennent il faut bien l’avouer à point nommé pour faire entendre enfin raison à un excité de la trempe du secrétaire général du Syndicat de l’enseignement secondaire, et lui faire toucher du doigt l’ampleur de sa stupidité colossale.

Avec l’irruption des islamistes sur la scène politique, comme il n’y a plus d’enseignement catholique, par lequel avaient transité des milliers d’enfants tunisiens, sans perdre leurs âmes musulmanes, le fait est que ces medersas comblent, et de quelle façon, le vide creusé par l’Etat et les syndicats, à des prix défiant toute concurrence (50 dinars /mois), avec le label halal en supplément, et personne ne semble inquiet d’envisager de voir ses enfants en sortir grimés en miliciens afghans pour aller semer la mort et la destruction dans de futurs théâtres d’opérations. Car il faut aussi se rendre à l’évidence, la scolarisation des élèves est devenue un fardeau financier insupportable pour beaucoup de parents, qui pose un autre problème, juridique celui-là.

Invoquer contre les parents qui ne peuvent pas la financer, la fameuse loi imposant aux enfants la scolarité jusqu’à l’âge de 16 ans, ainsi qu’on l’a entendu à la radio, relève de la pure démagogie; les parents se saigneraient à blanc et accepteraient tous les sacrifices s’ils avaient simplement l’espoir de voir leurs enfants accéder à une position sociale des plus enviables grâce à l’enseignement, comme cela avait été le cas du temps du président Bourguiba, mais depuis l’époque de Ben Ali, l’ascenseur social est bloqué, et après son départ, et avec le triomphe du corporatisme social, et la consécration de l’économie en vase clos qui poussent des milliers de jeunes compétences à émigrer vers d’autres cieux, l’ascension sociale par l’enseignement n’est plus qu’un souvenir.

Les medersas coraniques seraient-elles donc le pendant avec la libéralisation de l’enseignement, de la confiscation de l’avenir au bénéfice des enfants d’une élite composite de l’ancien et du nouveau régime, et le substitut à l’injustice sociale? En tous cas, elles semblent comme par hasard se situer à l’intersection des intérêts des islamistes avec le désespoir de dizaines de milliers de familles et l’absence de l’Etat.

Des députés sont allés rendre visite aux enfants de Regueb dans leur asile; ce n’est pas à un procès d’intention que leur initiative, aussi critiquable fût elle, sera soumise, mais en tout état de cause, leur témoignage confirme non seulement la gravité du problème, mais aussi l’absence actuelle de toute perspective de solution.

On peut en conclure que depuis le retour des combattants de Daesh, les prisons n’étant paraît-il pas suffisamment larges pour les abriter tous, ainsi que l’avait assuré le président de la république, rien n’a été prévu pour rééduquer les soldats perdus du jihad, mise à part peut-être l’obligation de faire régulièrement acte de présence aux postes de police; on avait évoqué les fameux bracelets électroniques, mais apparemment c’est toujours le laisser-aller, concrètement on attend simplement qu’ils repassent à l’acte pour réagir au coup par coup.

Et dans le même ordre d’idées, on peut craindre au sujet des medersas, qu’après une période de chasse aux sorcières, où l’Etat ferait feu de tout bois (avant l’échéance électorale?), il ne se désintéresse de la question et le terrain serait alors réoccupé de nouveau par des acteurs identiques devenus entre-temps plus discrets.

Pourtant on aurait peut-être dû s’inspirer des programmes de réhabilitation de prisonniers durs aux Etats Unis, en particulier les drogués. Combien de soldats et de policiers devront ils encore tomber victimes du devoir avant que les autorités ne se décident à prendre le taureau par les cornes?

Dans tout ceci, c’est l’attitude des forces politiques autres que religieuses qui a été et est toujours la plus irresponsable par son opportunisme et son manque de scrupules. En 2011, on avait commencé par retirer du terrain les forces de l’ordre pour les cantonner dans leurs casernes, sous le prétexte fallacieux d’éviter les confrontations avec les citoyens, et durant toute une année, on a supprimé le contrôle de l’Etat sur les mosquées, et on a palabré dans les instances qualifiées de révolutionnaires, et pour finir on a quasiment placé les rênes du pouvoir entre les mêmes mains dont on dénonce aujourd’hui, non sans raisons, le machiavélisme. Mais alors que le parti islamiste inquiète de plus en plus et se trouve impliqué dans des affaires graves qui n’ont toujours pas été résolues, menaçant autant la cohésion que la sécurité nationale, aucun courant politique important, en particulier le plus récent, n’a réclamé ne serait-ce que la fin de sa participation au gouvernement, et la constitution d’une nouvelle majorité parlementaire dont il serait exclu.

D’aucuns, continuent d’essayer de bercer l’opinion publique d’illusions, ainsi qu’ils l’ont toujours fait, en prétendant que c’est par les urnes qu’il faudra vaincre le chancre qui ronge le pays et le vide de sa substance. Ce serait peut-être envisageable si la libération de Raqqa en Syrie avait été obtenue à coups de bulletins de votes.

* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.

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